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[Critique] Psiconautas

Auréolé d’un Goya (les césars espagnols) en février dernier, Psiconautas se présente comme une jolie fable pour enfants. C’est pourtant tout le contraire. Souvent cantonnée aux…

Auréolé d’un Goya (les césars espagnols) en février dernier, Psiconautas se présente comme une jolie fable pour enfants. C’est pourtant tout le contraire.

Souvent cantonnée aux États-Unis et au Japon, l’animation trouve aussi parfois son salut en Europe. Mais trop rarement. C’est ainsi que des (bonnes) productions comme Vaiana ou Zootopie font presque mille fois plus de bénéfices que Le Tableau, La Tortue Rouge ou Ernest et Celestine.

Réalisé par Pedro Rivero et Alberto Vazquez, Psiconautas fait partie de cette seconde catégorie, mais ne doit pas être regardé de haut. On y découvre la vie d’une île ravagée par un désastre écologique, qui semble avoir plongé des habitants autrefois joyeux dans une morosité terrible. Au milieu de ces âmes en peine, BirdBoy et Dinki, un jeune oiseau et une courageuse souris décident de fuir. Mais l’environnement familial et les addictions se mettent en travers du chemin. Leur histoire est d’ailleurs évoquée dans un précédent court-métrage intitulé “BirdBoy”, qui vaut le coup d’œil et fait office de prologue au film.

Adapté de la bande dessinée éponyme, Psiconautas est un film tout en contrastes. L’univers dépeint ici arbore des traits enfantins, mais ne s’adresse jamais vraiment aux plus jeunes. L’oeuvre est d’ailleurs interdite au moins de douze ans. Sous les traits de Vazquez, souris, oiseaux et chiens parlants forment un imaginaire constamment ancré dans une réalité sinistre. Très vite, les illustrations du conte pour enfants laissent entrevoir les stigmates de la pauvreté et du rejet de l’autre, qui traversent si souvent nos sociétés occidentales.

On s’étonne de voir des figures aussi délicates se gaver de pilules du bonheur et autres substances à peine cachées. Ou de contempler une famille décomposée s’extasier plus sur un animal que ses propres enfants. Tandis que les forces de l’ordre s’appliquent quant à elles à nettoyer l’île d’espèces comme celle de Birdboy, dont le comportement leur parait déviant. Vazquez fait ici un parallèle assez clair avec l’Espagne des trente dernières années (notamment les régions pauvres de Galicie, où une gigantesque marée noire a eu lieu en 2002) et la jeunesse en profonde opposition avec le gouvernement de l’époque.

Ce choc se retrouve aussi dans l’animation et le dessin, plus dur et sérieux que dans le court-métrage. Sans cesse ballottés entre un passé heureux et un futur incertain, les protagonistes évoluent dans des environnements radicalement différents. Les tons pastels bercent les phases d’accalmies alors que des couleurs plus vives, à dominantes rouges et noires dominent les moments de désespoir. Comme l’adolescence qu’il s’attelle à décrire, le film oscille donc entre abattement et colère, cette dernière représentée par un oiseau vengeur qui se nourrit des pensées sombres du petit Birdboy.

Néanmoins, Rivero et Vazquez n’oublient jamais d’insuffler l’espoir d’une vie meilleure. Ils tissent ainsi un parallèle probant avec une nature qui arrive parfois à reprendre ses droits face à la destruction des hommes. De ces moments émane une poésie rare. Assez pour faire de Psiconautas un film particulier, presque précieux.

Doté d’une solide identité visuelle, Psiconautas est un film sombre, qui ne se destine pas aux plus jeunes malgré ses atours enfantins. Allégorie d’une société à la recherche de ses valeurs, il décrit les affres d’une adolescence désœuvrée qui n’a plus foi dans le futur. Mais derrière ce poème élégiaque se cache aussi une réflexion sur l’espoir, représentée par la nature. Un film d’animation original et élégant.

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