Christopher Nolan appartient à cette courte liste des réalisateurs, dont chaque œuvre fait l’objet d’une attention toute particulière, que ce soit d’un cercle d’initiés ou du grand public. On se souvient que son précédent, Tenet, avait célébré la réouverture des salles obscures après une épidémie de Covid qui avait fortement mis à mal le secteur. Une façon pour le cinéaste de soutenir une industrie qu’il adore, qu’il défend, et dont il est devenu l’une des figures de proue avec des films rentrés dans la culture populaire, voire, on peut l’avancer, au patrimoine du septième art. Avec une telle aura, on ne pouvait que s’intéresser de très près à son projet sur le père de la bombe atomique. Oppenheimer est sans aucun doute son métrage le plus ambitieux et le plus nolanesque, dans le bon comme dans le mauvais sens du terme.
Une prouesse technique
Oppenheimer peut être considéré comme la somme des obsessions du réalisateur jusque dans sa conception. Tourné en partie avec des caméras IMAX grand format en 65mm, le film est un alliage entre le grand cinéma et le grand spectacle. N’en déplaise à Tom Cruise qui voit les salles technologiques bouder (au moins un temps) son Mission : Impossible – Dead Reckoning Partie 1 au profit d’une réservation de Nolan pour Oppenheimer, il est indéniable que ce dernier a été conçu pour tirer le maximum de ce que les exploitations cinématographiques peuvent offrir.
Ne serait-ce que pour rendre hommage au travail gargantuesque de l’équipe sur le mixage sonore, Oppenheimer parvenant à être une expérience auditive presque davantage que visuelle. L’impact d’une explosion, le silence d’une salle d’examen, les brouhahas assourdissants d’une foule en délire, le crépitement de la destruction d’un atome… chaque élément du long-métrage s’accompagne d’un son unique qui occupe l’espace jusqu’à se rendre tangible. Le film s’entend et, ainsi, se raconte.
Il se vit également au travers les notes de Ludwig Göransson (déjà à l’œuvre sur Tenet), omniprésentes. Le compositeur livre une composition magistrale, vectrice de toutes les émotions. La joie, le doute, le chagrin sont semblables à des marionnettes entre les doigts d’un chef d’orchestre aussi intransigeant que celui qui se trouve derrière la caméra.
Une caméra de la démesure dès les premières minutes où elle filme un homme en proie à ses propres obsessions – le parallèle entre la vision du scientifique et celle du réalisateur est facile –, dont le regard d’un bleu glacial cache un esprit en perpétuelle ébullition. Amateur d’un cinéma exigeant, Nolan signe son œuvre la plus dense, la plus complexe, non pas par son sujet (et encore que), mais parce qu’il conjugue sans cesse mille plans, mille temporalités presque simultanément. Il nous plonge dans une pelote de laine où il est le seul à décider du bon déroulement. Esclaves conscients et volontaires de son cinéma, nous voilà pris au piège de ces images qui se succèdent, autant terrifiés qu’émerveillés par le chaos ambiant.
Un chaos dans lequel Nolan ne se perd jamais, donnant à chacune de ses séquences un sens profond lorsqu’elles racontent l’homme, et une tension oppressante lorsqu’elles montrent sa création. Et, au moment où le scientifique et sa bête semblent avoir chacun atteint l’apogée, cela donne une scène où l’impact physique et moral se confondent, comme un défi lancé à Dieu tout en implorant son pardon. Oppenheimer est la rencontre entre la cruauté irréversible de Dunkerque et la fuite en avant d’Interstellar.
Deux Nolan valent mieux qu’un
Difficile de ne pas voir en Oppenheimer le film le plus abouti de Nolan sur la forme, continuant ainsi à prouver qu’il est l’un des meilleurs metteurs en scène hollywoodiens. Néanmoins, et toutes nos excuses à ses fans les plus absolus, son goût pour la complexité a pris un chemin presque aussi démesuré que ses images depuis quelques films. Et pour cause, il signe désormais seul ses scénarios là où il était auparavant accompagné par son frère, jusqu’à Interstellar compris (exception faite d’Inception).
Sauf que Jonathan Nolan fonctionnait comme un garde-fou capable d’adoucir les élans de son aîné, maintenant constamment la narration sur le bon cap, un mixte entre complexité et simplicité pour un meilleur équilibre. On ne dit pas qu’Oppenheimer est compliqué à comprendre, mais il est peu aisé à assimiler.
Évidemment, on salue le travail de Nolan (Christopher) d’avoir dressé le portrait d’un homme dans toute sa complexité politique, scientifique et morale, extériorisant ses peurs d’hier comme des raisons de s’impliquer pour l’avenir ; d’avoir su mélanger le biopic avec le thriller politique, le film historique avec le métrage d’anticipation.
Mais le trop peut être l’ennemi du bien et c’est cette sensation qui ressort d’Oppenheimer. Nolan livre un scénario à multiples couches dans une volonté d’intransigeance qu’il souhaite intelligente. Pendant 180 minutes, le réalisateur nous ouvre la bouche et nous goinfre d’informations, d’images et de sons. Le repas est copieux, savoureux, puis finalement indigeste. Une raclette gastronomique dont la troisième assiette serait impossible à finir.
En ne voulant renier aucune de ses idées, le réalisateur accouche d’une œuvre dense qui épuise et dont certains aspects auraient pu être, si ce n’est mis sous silence, du moins écourtés. D’autant qu’il sacrifie sans retenue ses personnages dont la froideur laisse indifférent. Fallait-il autant se concentrer sur le versant politique de l’homme ou se recentrer davantage sur sa création et ses conflits moraux qui en découlent ? Nolan se refuse à choisir et laisse s’exprimer son ambition démesurée, quitte à créer un monstre sans cœur. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéaste s’est attaqué à un sujet qui lui ressemble. Peut-être trop.
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le GROS problème de ce film est que l’histoire est archi-connue aussi bien en documentaire qu’en film (Les Hommes de l’Ombre, 1989) et que vouloir aller en salle pour une histoire sans suspens ou surprise n’est pas franchement engageant…
@Bomba
C’est vrai que Titanic a été un échec…
Mais Titanic n’est pas l’histoire du bateau, mais de la romance entre un homme et une femme.
@Shaow
c’est vrai que les poires sont meilleures que les pommes…
@Bomba – Donc tout scenario adapté ne devrait pas aller au cinema… Tout remake même chose… Le Parrain, Forrest Gump, La Planète des singes, Jurassic Park, Gone with the wind, Dune, Harry Potter, Marvel & DC sans compter les séries Game of thrones et d’autre n’ont pas leur place dans le monde ou la petite tete etriquée de Bomba…
J’ai vu le film, il est intéressant , ça mets en opposition deux points de vue différent dans un contexte historique et scientifique.
Vers la fin j’ai l’impression que ça s’emmêlait les pinceaux, mais bon c’est peut-être dut au trop plein d’informations comme le dit l’auteur de l’article. La majorités des acteurs jouent bien leurs rôles et c’est sympa de voir Robert downey jr dans un nouveau rôle
Je ne partage votre “indigeste”.
Je ne connaissais pas cette partie de la vie du citoyen Oppenheimer, mis au ban de la bienpensance. La partie intigue politique apporte une nouvelle dimension politique au film, alors que Oppie se rendant compte du cul-de-sac qu’est cette bombe essaye d’en imposer aux politiques une sortie avant que la guerre froide ne commence.
Très bien réalisé, les flash-back apportent une clé de compréhension du scénario. Quand le Héros ramasse le chapeau d’Einstein, il scelle son sort politique. Très bien réalisé.
Pas vu le temps passer, en plus. Et les acteurs sont épatants.