Derrière Monkey Man, il y a un homme en quête de vengeance alors que la société indienne semble plus divisée que jamais, où le spirituel se mêle au politique, où la corruption semble avoir atteinte toutes les sphères. Derrière Monkey Man, il y a Dev Patel, acteur talentueux découvert par le grand public dans la série Skins et le Slumdog Millionnaire de Danny Boyle, qui signe ici sa première réalisation. Derrière Monkey Man, il y a des inspirations, mais surtout, une vraie envie de faire du cinéma.
Commençons par le commencement. Dev Patel est un comédien britannique d’origine indienne né le 23 avril 1990. Puis avance rapide jusqu’à Monkey Man, 34 ans plus tard. Film dans lequel l’acteur ET, désormais, réalisateur entend concilier à la fois la mythologie hindouiste, un regard sur le peuple indien, et ses influences très américaines autour de la science du bourre-pif.
Il y incarne Kid, un jeune homme qui a vu sa mère assassinée par le chef de police corrompu de la ville indienne (fictive) deYatana lorsqu’il était enfant. Désormais, il gagne sa vie et éponge sa douleur derrière un masque de singe sur des rings clandestins chapeautés par le trop rare (et trop secondaire) Sharlto Copley. Il n’a qu’une obsession : parvenir à se rapprocher du responsable de ses maux afin d’assouvir sa vengeance.
Toutefois, il serait grossier de réduire Monkey Man à une simple histoire de vengeance. Présenté au festival SXSW, le long-métrage a reçu un accueil dithyrambique qui, s’il est quelque peu exagéré (on y reviendra), n’est pas pour autant démérité tant la proposition ne se contente pas d’être un simple « sous John Wick » comme l’industrie hollywoodienne nous en sert par pack de douze chaque année.
Influences revendiquées
Évidemment, la filiation avec la saga de Chad Stahelski doit se faire. Elle est inévitable. Dans sa manière de présenter son Monkey Man en vengeur implacable qui va gagner son statut de divinité, telle la légende de Hanuman qui ouvre le métrage. Dans sa manière de présenter son action par niveau, comme une sorte de jeu vidéo, où l’homme fait fi des coups et des blessures pour gagner son immortalité à chaque ennemi tombé à ses pieds. Nombreux sont les éléments empruntés aux exploits de Keanu Reeves, de sorte que la comparaison s’impose à nous.
Une comparaison volontaire et recherchée par Dev Patel, ceinture noire de taekwondo depuis ses seize ans et transformé physiquement pour les besoins du rôle. Aux côtés du coordinateur de combats Brahim Chab, il a également embauché plusieurs membres de l’équipe de John Wick et de l’équipe du véritable révolutionnaire du genre (désolé John), The Raid.
Il y a une volonté ostensible de prendre les inspirations où elles se trouvent au sein des films noirs, des films de vengeances, des films d’action sanglants, et ce serait jeter la pierre trop gratuitement que d’accuser Monkey Man de plagiat sans envie, d’autant que Patel y insère sa propre vision au sein du récit, sa propre façon d’apporter le combat.
Gorille dans la brume
Monkey Man est loin d’être un film où l’on castagne constamment du méchant. On peut même dire que l’action sait se faire désirer là où les premiers extraits mis en avant par la campagne promotionnelle laissaient entendre que ça allait taper bien plus régulièrement.
Oui, de l’action, il y en a, surtout lors d’un troisième acte où toute la violence éclate sans respirer, non sans transpirer. Lorsque Patel lâche enfin les chevaux, il le fait avec la générosité d’un homme qui s’amuse réellement derrière la caméra (et devant) ; joue avec les changements de tons musicaux et d’angles de prises de vues au rythme des nouvelles arènes. Patel semble vouloir convoquer tout le cinéma d’action à un rythme effréné, cherchant à explorer toutes les possibilités que le médium lui offre. L’honnêteté nous pousse à dire qu’on aurait fait pareil.
Sa mise en scène entend différencier chaque partie de son récit comme autant de marqueurs d’évolution de son personnage, passant de gros plans confus à la stabilité de sa conclusion, comme si le réalisateur et le personnage gagnaient en maturité. Néanmoins, ce style fourmillant à ses limites et s’il y a l’envie, le cinéaste en herbe manque d’expérience.
Parce que Monkey Man souffre d’un manque d’équilibre qui rend la chose souvent brouillonne. Patel teste parfois tout, en même temps, comme lors d’une fuite où le montage alterne entre le plan audacieux (pour ne pas dire casse-gueule) et l’épileptique fatigant. L’homme ne veut pas se simplifier la tâche et si on lui reconnaît la prise de risque, on ne peut que constater le revers de la médaille.
On salue également la volonté de Patel de ne pas laisser l’histoire se faire avaler par l’action. Il souhaite raconter autre chose qu’une quête de vengeance au détour d’un portrait en filigrane d’une Inde partagée entre sa volonté de changement et ses traditions, nous donnant à voir, au sein de cette ville fictive, toute une société indienne de sa population la plus pauvre et celle qui se pavane dans le luxe, sans cacher les parties les plus viciées de chaque côté.
Toutefois, là encore, l’acte reste inachevé, laborieux. Son incarnation de la vengeance, puis de la justice ne marque pas assez son changement d’état d’esprit pour faire sentir la différence, de sorte qu’on insiste sur l’évolution d’un personnage alors qu’elle ne se ressent pas. Et puis il y a cette durée. 120 minutes. Bien que l’on comprenne les intentions derrière chaque scène, on retrouve ce manque d’équilibre où certaines séquences majeures se déroulent en une simple poignée d’images là où un flashback peut prendre une part bien trop importante sans apporter de plus-value face à l’exact même flashback, cinq minutes auparavant. On reste, ainsi, sur une impression de lourdeur, Dev Patel ayant brossé le poil de son Monkey Man, sans parvenir à désépaissir. N’empêche qu’on a vu des réalisateurs expérimentés bien plus fébriles derrière la caméra que le jeune homme, et rien que pour ça, le singe peut se tenir fièrement debout sur le ring de la concurrence.
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