Passer au contenu

Critique Money Shot : les dessous de Pornhub

Le documentaire Money Shot nous retourne le cerveau sur Netflix. Critique.

Ce mercredi 15 ars 2023, Netflix frappait fort en diffusant Money Shot (Pornhub, gros plan sur le géant du sexe en VF), un documentaire coup de poing sur l’empire pornographique de MindGeek. Visée par de nombreuses plaintes et scandales autour du trafic sexuel et de la pédopornographie, l’entreprise canadienne et maison mère de la plus grosse plateforme X du monde avait beaucoup à dire.

Pornhub a changé le monde

Ce n’est pas par hasard si le neuvième site le plus populaire au monde a fait l’objet d’un documentaire Netflix signé Suzanne Hillinger. Depuis sa création en 2007, la plateforme pornographique de MindGeek a révolutionné le monde du X, en offrant une nouvelle alternative gratuite au marché pour adulte, jusqu’à présent cantonné aux plateformes payantes et aux supports physiques. Un coup de pied dans la fourmilière aux airs de grand ménage : exit les images, Pornhub transforme le marché. L’augmentation de la bande passante et la démocratisation d’Internet permettent l’émergence de la vidéo en streaming, et facilitent l’accès aux consommateurs et consommatrices.

Moneyshot Pornhub
© Netflix

Derrière ce nouvel eldorado, tout n’est pas rose. Comme le piratage porte un coup à l’industrie cinématographique à l’époque, le succès de Pornhub perturbe le marché de la pornographie. Des films payants se retrouvent illégalement sur la plateforme sans profiter à leurs créateurs et créatrices, tandis que les internautes se désintéressent du modèle payant. Pourquoi payer quand tout est accessible gratuitement ? Les vidéos illégales s’enchaînent tandis que MindGeek préfère jouer les aveugles.

La guerre des (anti)sexes

Tout au long du documentaire, Money Shot articule son discours sur la parution en décembre 2020 d’une enquête choc du New York Times. Dans Children of Pornhub, le journaliste multirécompensé Nicholas Kristoff porte un grand coup à l’empire doré de MindGeek. En pointant du doigt les milliers de vidéos pédopornographiques, mais aussi le revenge porn illégal qui sévit sur la plateforme, le New York Times braque les regards sur ce que le grand public préférait ne pas regarder. Derrière les millions de vidéos pour adultes accessibles en libre-service sur la plateforme, la violence est latente. Pas partout, martèlent les différents collaborateurs de Pornhub sous l’œil de la caméra.

Moneyshot Pornhub
© Netflix

Reste que si les violences sexuelles et le trafic d’être humain ne sont heureusement pas majoritaires sur Pornhub, ils existent. Et que l’entreprise semble assez peu décidée à prendre les devants. Il faudra attendre les révélations de Nicholas Kristoff et l’ouverture d’une enquête pour que MindGeek ne se décide réellement à faire le ménage sur sa plateforme, en supprimant 80% de ses vidéos en ligne, soit toutes celles provenant d’utilisateurs non authentifiés. Pointée du doigt par la justice, acculée par les mouvements anti-pornographie et les associations de protections de mineurs en ligne, l’entreprise a finalement été contrainte de rendre des comptes.

Un réseau social comme les autres ?

Jusqu’en 2011, les acteurs et les actrices se battent pour faire valoir leurs droits sur Pornhub, sans grand succès. C’est en 2012 que le discours commence à changer : MindGeek joue désormais sur une communication plus agressive auprès du grand public, et entend faire des performeurs et des performeuses des partenaires plutôt que des adversaires. La recette fonctionne, et beaucoup signent un partenariat avec l’entreprise, à l’image de la créatrice de contenu Gwen Adora, qui sera par la suite d’avoir été payée par l’entreprise pour prendre position dans ses déboires judiciaires.

Il faut dire que Pornhub semble aussi prendre conscience des limites de son modèle économique. Tout au long du documentaire, l’ombre d’OnlyFans plane comme celui du progrès sur un empire devenu obsolète. MindGeek cherche désormais à attirer les travailleurs et les travailleuses du sexe, tout en leur offrant une rémunération attractive, et une bonne raison de rester. Ce n’est pas gagné, mais les questionnements soulevés par Money Shot appuient l’idée que sous ses airs affriolants, l’industrie n’est pas bien différente des autres plateformes.

Moneyshot Pornhub
© Netflix

Malgré des préliminaires qui manquaient de nuances, Money Shot finit par nous interroger, sans filtre ni censure sur le rôle du site Pornhub et de ses nécessaires responsabilités face aux dérives criminelles qu’il héberge. Sans défendre l’indéfendable, Netflix offre une série de questionnements (qui pour la plupart, restent sans réponse), et mêle les partis-pris de plusieurs intervenants clés dans les affaires qui secouent toujours la plateforme. On regrettera simplement que le prisme adopté par la réalisatrice ne donne pas davantage de poids aux contradicteurs de l’entreprise, dont l’idéologie fondamentaliste chrétienne va parfois jusqu’à éclipser le fond du problème, et les dérives pédopornographiques.

Tout au long du documentaire, ce sont deux camps impossibles à réconcilier qui s’affrontent. D’un côté les anti-porno qui estiment que l’industrie du X est fondamentalement liée à l’exploitation humaine. De l’autre, les courants plus libertaires, pour qui la femme peut sans problème s’épanouir dans la pornographie. Reste que si la conclusion est loin d’être manichéenne, Money Shot réussit à clore brillement son analyse à travers les propos de Noelle Perdue, digital programmer pour la plateforme : “La pornographie non consentie n’existe pas, ça s’appelle un viol“.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Mode