En avril dernier, PathĂ© investissait les salles obscures dâune mission capitale pour le grand divertissement Ă âla françaiseâ. Lorgnant sur les succĂšs des mastodontes dâHollywood, lâexploitant de salles et producteur français sâapprĂȘtait Ă livrer sa propre franchise blockbuster. Ici, pas de super-hĂ©ros en cape et en collants, mais une armĂ©e de justiciers au service de Louis XIII et face Ă un complot politique dâenvergure.
PensĂ©e comme une cĂ©lĂ©bration Ă lâimaginaire de Dumas, cette Ă©niĂšme adaptation des aventures dâAthos, Porthos, Aramis et DâArtagnan voulait jouer de tous les superlatifs pour attirer les amateurs de films de cape et dâĂ©pĂ©e autant que les novices. PathĂ© nâa pas fait les choses Ă moitiĂ© en recrutant toutes les stars montantes et bien installĂ©es du cinĂ©ma français. François Civil, Pio MarmaĂŻ, Vincent Cassel ou encore Lina Khoudri, Les Trois Mousquetaires 2.0 avaient fiĂšre allure. La campagne de sĂ©duction a Ă©tĂ© couronnĂ©e de succĂšs puisque le film a rĂ©uni plus de trois millions de spectateurs Ă sa sortie. Le premier volet sâoffre dâailleurs une nouvelle exploitation quelques jours avant lâarrivĂ©e du deuxiĂšme film, une occasion rĂȘvĂ©e pour PathĂ© de gonfler encore un peu ces chiffres dĂ©jĂ mirobolants. Sa suite peut-elle surpasser ces excellents rĂ©sultats, bien aidĂ©e par une pĂ©riode de vacances scolaires et de fĂȘtes de fin dâannĂ©e ?
AprĂšs la phase dâexposition, ayant vocation Ă prĂ©senter les personnages lĂ©gendaires et Ă introduire les enjeux narratifs, les choses se corsent pour les Mousquetaires du Roi. LâĂ©tau se resserre autour de la couronne qui se retrouve face Ă une guerre de religions, menacĂ©e dâinvasion par lâAngleterre. Le jeune DâArtagnan poursuit sa quĂȘte de vĂ©ritĂ© et croise Ă nouveau le chemin â et le fer â de Milady de Winter. Comme son nom lâindique, ce nouveau film entend explorer le passĂ© tumultueux de lâespionne tout en livrant des sĂ©quences de combats Ă©piques, des moments tragiques avec toujours lâaventure pour seul guide.
Le revers de la médaille
Les lecteurs du roman de Dumas le savent, le premier volet nâĂ©tait quâune entrĂ©e en matiĂšre. Assez habilement, les scĂ©naristes Matthieu Delaporte et Alexandre de la PatelliĂšre ont choisi de scinder leur rĂ©cit en deux chapitres distincts. Lâadoubement de DâArtagnan fait ainsi office de point de bascule du rĂ©cit, la fin de son parcours initiatique. Maintenant que le hĂ©ros est bien installĂ©, les deux auteurs peuvent se pencher sur la destinĂ©e de son antagoniste : la dĂ©routante Milady de Winter.
AprĂšs avoir Ă©tĂ© cantonnĂ©e Ă la figure dâespionnage mystĂ©rieuse et envoutante, la narration lui offre enfin lâespace pour construire sa mythologie. Toujours portĂ©e par une Eva Green au meilleur de sa forme, le protagoniste attire toute la lumiĂšre. Le film manie avec beaucoup dâaisance toute son ambivalence, il construit un nouveau sous-texte malin autour de la condition fĂ©minine et de son Ă©mancipation. Matthieu Delaporte et Alexandre de la PatelliĂšre sâaffranchissent du rĂ©cit originel pour rĂ©inventer cette femme a priori sans scrupules, pour la doter de nouvelles motivations et ainsi faire naĂźtre une anti-hĂ©roĂŻne loin dâĂȘtre manichĂ©enne. Le revers de la mĂ©daille de tels choix ne tarde nĂ©anmoins pas Ă se faire ressentir, DâArtagnan sâen retrouve coincĂ© dans une caractĂ©risation archĂ©typale du hĂ©ros. Si leur rencontre prĂȘte Ă sourire, le film rejoue leurs confrontations sous la forme dâune collaboration forcĂ©e, tous les changements opĂ©rĂ©s ne sont pas aurĂ©olĂ©s de rĂ©ussite.
Vous avez la lame Ă lâĆil ?
Le volet politique en devient ainsi plus confus, voire anecdotique. Si Les Trois Mousquetaires est avant tout une histoire de personnages, le premier opus parvenait pourtant Ă rendre les intrigues de la couronne plus captivantes. Câest dâautant plus dommageable quâen dehors du duo de tĂȘte, et de Constance Bonacieux, Les Trois Mousquetaires : Milady nâoffre pas Ă chacun la part de lumiĂšre quâil mĂ©rite. La franche camaraderie du premier opus est mise au second plan et lâalchimie entre le quatuor de tĂȘte aurait mĂ©ritĂ© dâĂȘtre plus accentuĂ©e pour faire honneur Ă la promesse dâune rĂ©union de quatre Mousquetaires haut en couleur.
EsquissĂ©s dans le prĂ©cĂ©dent volet, Porthos et Aramis se retrouvent engluĂ©s dans un emploi purement comique, au cĆur de scĂ©nettes aux allures de points de rupture avec la tonalitĂ© gĂ©nĂ©rale plus dramatique. De son cĂŽtĂ©, Louis Garrel continue de nous rĂ©galer en Louis XII, pĂ©tri de mimiques amusantes et avec un tempo comique impeccable.
Les lecteurs le savent, lâentrain des premiers jours est loin pour nos mousquetaires qui traversent une pĂ©riode plus funeste de leur histoire. Ce blockbuster Ă la française doit ainsi se parer de noir Ă mesure que la tragĂ©die sâinvite. Et lĂ , câest le drame. Usant et abusant des violons pour faire pleurer dans les chaumiĂšres, Milady est souvent dissonant. Le film ne sâĂ©panouit pas dans le registre dramatique, la faute sans doute Ă des protagonistes qui nâauront finalement pas eu le loisir de se rendre assez attachants pour Ă©mouvoir. Ce second volet nâest pas poignant, il tire frĂ©quemment vers le mĂ©lo et le soap opĂ©ra. Si la part dâaction est une franche rĂ©ussite, il manque Ă Milady la sensibilitĂ© nĂ©cessaire Ă l’Ă©closion d’une adaptation parfaite.
Trancher dans le vif
MalgrĂ© toute la gĂ©nĂ©rositĂ© de sa mise en scĂšne, se prĂ©lassant dans les dĂ©cors naturels de nos vertes contrĂ©es et immortalisant un Paris historique, le premier volet des aventures de DâArtagnan et ses compĂšres manquait dâun peu (beaucoup) de lumiĂšre. Sans doute inspirĂ© par les propositions plus en plus grisonnantes des studios Hollywoodien, Les Trois Mousquetaires avait troquĂ© les ambiances et costumes colorĂ©s de ses ancĂȘtres pour se vĂȘtir de crasse et de bruns. Les spectateurs rĂ©fractaires Ă cette esthĂ©tique ont Ă©tĂ© entendus puisque le rĂ©alisateur Martin Bourboulon a confiĂ© Ă PremiĂšre avoir opĂ©rĂ© quelques changements de colorimĂ©trie en salle de montage.
Le siĂšge de la Rochelle permet aussi Ă son divertissement de se doter de dĂ©cors plus riches, de sâextraire des forĂȘts sombres qui avaient Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre de nombreuses scĂšnes dans le premier film. Plus contrastĂ© et lumineux, ce nouveau mĂ©trage jouit d’une mise en scĂšne efficace, gĂ©nĂ©reuse et ambitieuse. Si certaines scĂšnes de combat manquent dâampleur, reposant trop souvent sur un montage Ă©pileptique qui ne rend pas justice Ă lâimpressionnant travail chorĂ©graphique, Les Trois Mousquetaires touche frĂ©quemment sa cible. C’est d’ailleurs au dĂ©tour dâune confrontation particuliĂšrement attendue que la magie opĂšre vĂ©ritablement.
CamĂ©ra Ă lâĂ©paule, plan sĂ©quence, Les Trois Mousquetaires nous rappelle son statut de divertissement dâenvergure, de film dâaction exigeant et malin. On prend plaisir Ă suivre ces fines lames pour sortir avec lâimpression dâun moment gĂ©nĂ©reux, imparfait certes, mais assez solide pour mĂ©riter que lâon sây attarde. Seule ombre au tableau, la musique de Guillaume Roussel manque l’appel Ă l’aventure. Les premiers thĂšmes musicaux Ă©taient assez oubliables et cette suite ne rectifie pas le tir.
Lâambition de PathĂ© avec sa relecture des Trois Mousquetaires Ă©tait assez claire : rivaliser avec les blockbusters amĂ©ricains, les films de super-hĂ©ros qui inondent rĂ©guliĂšrement nos salles obscures. Si un dĂ©sintĂ©rĂȘt semble naĂźtre pour ces Ă©curies, la relĂšve française est lĂ pour repĂȘcher les amateurs de rĂ©cits hĂ©roĂŻques.
Ce diptyque sâimpose dâailleurs comme une dĂ©monstration de force Ă lâattention du public françaisâŻ; qui peut dĂ©jĂ ĂȘtre assurĂ© de retrouver trĂšs prochainement ce genre de film Ă grand spectacle dans les cinĂ©mas de lâHexagone. En 2024, câest avec Edmond DantĂšs que les spectateurs ont rendez-vous. Recette similaire et mĂȘmes ambitions, cette nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo espĂšre faire au moins aussi bien que son prĂ©dĂ©cesseur. Cette fois-ci, une autre figure incontournable du cinĂ©ma français tiendra lâaffiche. Pierre Niney incarnera celui que lâon considĂšre aujourdâhui comme le premier super-hĂ©ros français. Ăa ne sâinvente pas.
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le meilleur 3 mousquetaires est celui avec Gene Kelly ,il y a pas photo….