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Critique Le Comte de Monte-Cristo: un Edmond dantesque ?

Un an après Les Trois Mousquetaires, Pathé poursuit son exploration du Dumas Cinematic Universe avec l’adaptation du Comte de Monte-Cristo. Pari réussi ?

Pathé lorgnerait-il sur le succès des super-héros aux États-Unis ? Face à une concurrence de plus en plus rude dans les salles obscures et l’ombre des plateformes SVoD qui plane sur le cinéma hexagonal, l’entreprise Jérôme Seydoux mise sur l’imaginaire d’Alexandre Dumas. L’objectif est clair : faire du cinéma d’envergure à la française. Les Trois Mousquetaires a largement été promu comme un blockbuster made in chez nous, un film de super-héros sans collants… mais de cape et d’épée.

Le premier volet a rassemblé quelque 3,3 millions de spectateurs tandis que le second a terminé sa course avec 2,5 millions d’entrées. 72 millions d’euros investis pour deux volets, Pathé n’a pas lésiné sur les pièces d’or. Si Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu n’a pas signé le retour aux choses sérieuses pour Pathé et ses comparses, Athos, Portos, Aramis et D’Artagnan devaient ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire du cinéma français. L’entreprise veut prouver qu’elle a les moyens de ses ambitions en offrant une énième adaptation du Comte de Monte-Cristo. Après les quatre fantastiques de Louis XIII, c’est un héros motivé par la vengeance qui prend vie devant la caméra de Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière.

Jeunesse Edmond Dantès
© Pathé

Tout souri au jeune Edmond Dantès. À dix-neuf ans, ce marin vient d’être promu capitaine et s’apprête à épouser la femme dont il est éperdument amoureux. Mais une telle chance attise la jalousie de trois hommes, qui vont comploter pour le faire enfermer au château d’If situé près de Marseille. Quatorze ans plus tard, Edmond Dantès parvient à s’échapper et part sur les traces d’un trésor inestimable. Il utilise cet argent pour financer sa vengeance et use de nombreux noms pour parvenir à ses fins. C’est sous l’alias le comte de Monte-Cristo qu’il parviendra à faire tomber ses ennemis.

Le défi

Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte doivent relever le défi du grand spectacle avec cette adaptation. Pathé veut faire éclore une superproduction ambitieuse. Il lui faut conjuguer divertissement et exigence. Dès son ouverture, le film plante le décor et annonce la couleur. Il s’agit de voir les choses en grand. Le film ne veut pas lésiner sur les séquences d’ampleur pour accompagner la quête vengeresse de Dantès et son alter ego.

Antagonistes Monte Cristo
© Pathé

À bord d’un navire en pleine tempête, la copie des deux cinéastes ne fléchit pas. Dès lors que cet avant-propos passe, il s’agira pour le film de raconter la béatitude du héros. Marseille apparaît alors sous une lumière estivale, entre étendues azurées et petits bois verdoyants. Si Les Trois Mousquetaires se prélassait dans un univers marronnasse pour trancher avec l’esthétique colorée de ses prédécesseurs,  Le Comte de Monte-Cristo se pare d’un bleu lumineux et profond et d’un jaune sableux. Un cadre idyllique qui laissera bientôt place à l’obscurité et la froideur.

Le Comte de Monte-Cristo se livre dans un bel écrin, avec une photographie convaincante et une mise en scène solide. Moins gourmand en duels que les aventures de jeune D’Artagnan, ce nouveau film ne néglige pas l’action. C’est elle qui fait battre le cœur de cette quête épique. Des plans de drones pour suivre la course à la vengeance, un jeu de clair-obscur pour traduire l’ambivalence du personnage. Les deux metteurs en scène font vivre leurs personnages dans des décors fournis, vêtus de costume qui n’ont rien à envier à Hollywood. Ce Comte de Monte-Cristo frappe par sa sincérité autant que le plaisir que tout ce beau monde semble avoir éprouvé en coulisses.

Monte Cristo Adaptation Pierre Niney
© Pathé

L’aube de la vengeance

Publié en deux volumes, Le Comte de Monte-Cristo est un épais ouvrage. Les scénaristes — encore Delaporte et De La Pattellière — ont pourtant choisi de condenser le récit en un seul volet. Le film n’a pas une durée ramassée pour autant, les deux hommes se donnent le temps de faire résonner les moments cruciaux grâce à une méthodique construction de l’élément déclencheur. La multiplicité de lieux et d’époques aurait pu confiner ce Comte de Monte-Cristo au statut d’épopée charcutée. Il profite finalement d’une construction savante. Le film prend le temps de se prélasser dans la douceur d’une jeunesse baignée de lumière — les spectateurs savent que cette félicité sera de courte durée — avant de lancer véritablement la machine. Si l’on peut regretter que certains moments de l’histoire originale aient été tronqués, Le Comte de Monte-Cristo sait ménager son auditoire en maintenant un rythme certain. Le long-métrage est généreux, tant dans sa portée épique que ses instants plus intimes.

Monte Cristo 2024
© Pathé

Lorsque l’adaptation s’attache à raconter les différents acteurs de cette histoire romanesque, elle séduit tout à fait. Grâce au talent indéniable de ces têtes d’affiche, cette énième adaptation se distingue du tout venant des superproductions. Pierre Niney, que l’on imaginait sans peine enfiler le costume du candide Edmond Dantès, s’illustre aussi dans l’obscurité d’un Monte-Cristo forgé par la souffrance et le désespoir. Il est magistral dans le dernier acte. Il est glaçant lorsqu’il met en marche son plan. C’est particulièrement vrai lorsque son sadisme transparaît, lorsqu’il use de son alter ego pour martyriser Villefort et son amante.

L’alchimie avec Anaïs Demoustier est palpable, vient ajouter de la densité à la tragédie qui se profile. Mais c’est sans conteste Anamaria Vartolomei qui s’attire toute la lumière dès qu’elle apparaît, elle rythmera les scènes dès lors. Là où les deux volets des Trois Mousquetaires pâtissaient d’une écriture inégale de leurs dialogues, Le Comte de Monte-Cristo parvient à faire vivre le verbe de Dumas dans cette relecture moderne. On terminera sur la musique, signée par Jérôme Rebotier. Elle parfait ce divertissement généreux. Le compositeur ajoute une nouvelle dose d’épique à cette aventure romanesque.

Un super-héro français ?

Si Pierre Niney n’a finalement jamais eu l’occasion d’incarner Spider-Man, il peut se consoler à la perspective d’avoir approché de près un autre justicier emblématique de la culture populaire. Le Comte de Monte-Cristo n’est certes pas le célèbre tisseur de toile, mais n’est pas sans rappeler un certain Bruce Wayne. Pierre Niney a lui-même confié s’être inspiré du personnage DC pour donner corps à son Edmond Dantès et son alter ego. Comme Bruce Wayne s’efface peu à peu pour laisser place au Chevalier Noir, le marin trahi par les siens va être consumé par son désir de vengeance et son impression d’incarner la justice. Comme lui, il va se forger une personnalité multiple…

Monte Cristo Masque
© Pathé

Si le cinéma français n’est (pas encore) parvenu à donner dans les super-héros au cinéma, et émuler le succès de Marvel et DC dans le monde, Le Comte de Monte-Cristo est ce qui s’approche le plus d’un pur produit de divertissement qui ne s’empêche pas de verser dans le drame ou la comédie. Mais la plus grande similarité avec les super-héros que l’on peut trouver est sans conteste dans sa capacité à nous faire oublier qu’Edmond Dantès, quand il se pare des attributs de Monte-Cristo, n’est pas vraiment méconnaissable. Clark Kent en somme. Reste à voir désormais si ce projet parviendra à tutoyer les résultats des superproductions américaines.

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Notre avis

Après un diptyque Les Trois Mousquetaires émoussé, Le Comte de Monte-Cristo tranche dans le vif. Le film s’illustre comme un divertissement généreux, qui se prend au sérieux et ne se refuse rien. Pierre Niney est fascinant, sa quête vengeresse tout autant. Pathé réussi enfin le pari du blockbuster à la française.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 8 / 10
2 commentaires
  1. Adapter un roman n’est pas une mince affaire, c’est une évidence. S’en prendre à l’œuvre d’Alexandre Dumas, c’est forcément devoir trancher dans le vif pour exhumer la quintessence de l’œuvre afin de tenter vainement d’en faire un bon film. L’œuvre est trop conséquente, trop dense, trop subtile, trop intense. Trop inimitable ! Si j’ai pu supporter la distance volontairement prise avec les trois mousquetaires, et, même si j’approuve l’audace d’avoir compris que l’intensité de l’œuvre concerne Milady, le film n’a d’intérêt que pour ceux qui n’ont jamais lu le roman.
    Mais ne nous y trompons pas, s’agissant d’Edmond Dantès, le chef d’œuvre du comte de Monte Cristo est à lire et rien d’autre. Le film de Matthieu Delaporte et d’Alexandre de la Palletière est tout au plus un bon film pour les fainéants de la lecture, mais n’atteint pas même la médiocrité d’un « profil » d’une œuvre. Celui qui se risquerait à faire croire qu’il l’a lu en se servant de ce film n’obtiendrait qu’un 2 sur 20, tout au plus. Ce n’est pas une adaptation, ni même une réinterprétation, c’est tout bonnement une partie des personnages dans une histoire édulcorée de la vengeance. Pour ceux qui ne savent pas lire, vous prendrez beaucoup de plaisir et passerez à côté de l’essentiel, pour ceux qui savent lire, je sais que vous l’avez déjà lu. Dumas est incontournable pour celui qui sait lire, et je ne dis pas ça parce que j’ai déjà lu 11 fois le comte de Monte Cristo et 7 fois les trois mousquetaires ! Merci quand même, en terme de cinéma français, ça reste plus intéressant que tout ce que le cinéma français propose.
    En définitive, apprenez à lire, vous prendrez plus de plaisir.

  2. Peut-on passer sur l’effacement numérique des îles du Frioul ? Sur les erreurs de casting (des actrices de 40 piges pour jouer les ingénues de 20 ans, même avec du maquillage ou de la retouche numérique, c’est un concept ) ? Sur Niney qui n’a rien d’un Pierre Richard-Willm et tout d’un minet du Drugstore ? Sur les immenses libertés prises avec le roman (Danglard est banquier, par exemple. Et, à la fin, Dantès s’en va avec Haydée, de 25 ans sa cadette. Sans doute est-ce tabou de nos jours 🤣)

    Bref, un massacre Pathé-tique.

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