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Critique Largo Winch : le prix de l’argent est-il cher payé ?

Au rayon des divertissements estivaux de 2024, s’il y a bien un retour qu’on n’attendait pas, c’est celui du héros campé par Tomer Sisley. Largo Winch : le prix de l’argent vaut-il le tarif d’une place de ciné ?

Évidemment, il n’y a pas de bonne réponse à notre question d’en-tête. Déjà, parce que pour le prix d’une place de ciné dans un multiplexe, Il vaut mieux s’offrir un voyage d’une semaine à Barcelone que d’aller voir n’importe quel film. Ensuite, parce que si vous avez envie de vous faire votre propre avis sur Largo Winch : le prix de l’argent, ce n’est pas l’auteur de ses lignes qui vous empêchera de vous rendre en salles. Contrairement à un judoka de 120 kilos à qui vous devriez des sous.

Bref, on n’est pas payé à la ligne ici (oui, l’argent sera la thématique de cet article) donc parlons un peu de ce troisième volet qui se sera fait attendre – du moins pour les six fans de la licence, dont un qu’on connaît bien — puisque treize ans séparent l’opus précédent de celui-ci. Tout le monde a eu le temps de prendre de la bouteille, que ce soit Tomer Sisley dans des productions TF1 ou James Franco dans les couloirs des tribunaux. La fameuse cancel culture.

On est tous réunis ici pour assister à l’enlèvement de Noom, le fils de Largo. Recherchant désespérément celui-ci, notre héros doit faire face à une machination tentant de détruire le groupe W (pour la millième fois) et va devoir affronter les démons de son passé (pour la millième fois).

Largo Winch fait partie de ces très rares sagas qui ont davantage été appréciées par la presse que par le public, c’est peut-être ce qui explique cet écart entre le second et ce troisième épisode. Le temps de prendre du recul, de s’essayer à d’autres expériences (coucou Franco), et, surtout, de remplacer Jérôme Salle, réalisateur et scénaristes des deux premiers métrages, par Olivier Masset-Depasse au même poste.

Tomer ciselé

Heureusement, les fans peuvent se rassurer, si notre Largo Winch s’était vu comparé à un certain Jason Bourne en son temps par des critiques très amicales, son introduction, ici, prouve bien qu’il se veut toujours Bournable. Torse nu, abdos huilés et biceps tendus, Tomer Sisley nous fait une Matt Damon dans l’ultime opus consacré à l’espion plus trop amnésique douze ans plus tard. Et puisqu’on n’est pas à une coïncidence près, là où l’Américain Damon affrontait le Français Vincent Cassel, le français Tomer Sisley se coltine l’Américain James Franco. On ne dit pas que Largo Winch est Jason Bourne, juste qu’on n’a jamais vu les deux réunis dans une même pièce.

Largo Winch (2)
© PAN Cinema

Le parallèle est flatteur (et ironique), mais on voulait surtout souligner que si notre Tomer Sisley n’a peut-être toujours pas trouvé l’identité de CopyComic, il tient la forme dans les scènes physiques. Au niveau de sa qualité de jeu, il faut admettre que, là aussi, il y a eu une amélioration, l’acteur parvenant à trouver la justesse et la subtilité sur des notes émotionnelles qui lui manquaient jusqu’alors. On ressent enfin le personnage touché par les événements là où la mort de son homme de confiance dans le second opus passait pour un simple jeudi.

Dans ses moments les plus défaillants, il peut compter sur un scénario qui lui laisse toute la latitude de briller en savonnant la planche des seconds rôles. Clotilde Hesme incarne un personnage fonctionnel dont l’attitude peut changer selon le vent de l’histoire. On aurait pu enlever le protagoniste incarné par Sharon Stone dans Largo Winch II sans que cela nuise à l’ensemble, l’actrice avait pour elle d’avoir l’attention de la caméra lorsqu’elle apparaissait. Ici, Hesme a bien un rôle à jouer, mais elle n’a aucune existence, aucune épaisseur, c’est un outil dont le film se sert et jette aussitôt. Un dédain représenté par des faux raccords visibles dès qu’il faut la reprendre en compte dans la mise en scène.

Largo Winch
© PAN Cinema

On passera rapidement sur Elise Tilloloy qui doit composer avec le cliché tendance hystérique de l’influenceuse / lanceuse d’alerte rebelle et juvénile dont l’intérêt est de poser Largo en héros protecteur de la jeunesse, altruiste, écologiste, et plein de qualificatifs qui font bien sur le C.V. Non, le seul capable d’exister au-delà de l’homme d’action milliardaire, c’est bien James Franco dont le magnétisme est intact malgré un temps d’exposition bien trop court. Il nous rappelle, ainsi, qu’il est dommage qu’un grand talent n’ait pas impliqué de grandes responsabilités et qu’il était le méchant dans Spider-Man.

Largo Wish

Mis bout à bout, cet ensemble d’éléments laisse entendre la suite de nos propos : malgré un changement à la caméra et à la plume, Largo Winch : le prix de l’argent ne sortira pas du lot au sein d’une trilogie qui n’a jamais particulièrement brillé. Les paysages sont jolis et on sent que Masset-Depasse à de l’envie en termes de séquences d’action chorégraphiées et de rythme, sauf qu’il est aussi mécanique dans son fond et dans sa forme que son prédécesseur.

La caméra va avoir tendance à abuser du gros plan, du montage épileptique là où le scénario va enfiler les lieux convenus, les grosses ficelles, les rebondissements paresseux. Largo Winch : le prix de l’argent n’est pas mieux ou pire que ses prédécesseurs, il se contente de faire la même chose comme s’ils trônaient déjà au sommet du thriller d’action à la française et, du coup, indépassables. Or, même les fans de la saga s’accorderont à dire que l’amplitude d’amélioration est particulièrement large.

Largo Winch (1)
© PAN Cinema

C’est peut-être ce qui dérange le plus avec ce Largo Winch 3, cette sensation d’assister à un film correct du dimanche soir sur TF1, mais qui nous crie qu’il est autre chose. Une chose plus grande, plus ambitieuse, qui veut aller titiller des fleurons du genre outre-atlantique (la présence de Sharon Stone et James Franco dans la saga n’est pas anodine). Cette volonté perceptible alors qu’il n’a pas le talent de ses envies rend l’objet trop souvent comique malgré lui. À trop vouloir en faire, Le Prix de l’argent n’arrive pas à trouver sa propre énergie, son identité.

Là encore, un reproche qui pouvait être fait à ses aînés. Alors on en est là, Largo Winch est maintenant une trilogie et son succès pourrait même lui valoir un quatrième opus. Sauf que, hormis pour les six fans de la licence dont un qu’on connaît bien, cette trilogie aura échoué à rentrer dans les mémoires. De sorte que si un reboot se préparait dans une poignée d’années, on parie que peu y trouverons à redire. À l’avenir de nous donner tort ou raison.

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Notre avis

Que Largo Winch : le prix de l'argent parvient à trouver le chemin des salles alors que les plates-formes de streaming rachètent plus facilement les vieilles licences restera un mystère. Pas foncièrement mauvais, avec un Tomer Sisley investi, ce troisième volet n'est pas non plus particulièrement bon, mais il est surtout oubliable. À l'image des deux précédents films finalement. Mécanique et déjà-vu, le film propose peu alors qu'il déborde d'une confiance mal placée. Rends l'argent Largo !

L'avis du Journal du Geek :

Note : 4 / 10
3 commentaires
  1. Vas-y, fait tourner le Winch…

    On sait un peu comment ça se passe quand le cinéma français produit des films d’action basés sur un modèle éprouvé par les richissimes américains. Les films d’aventures et d’espionnage exotiques ayant souvent un arrière-goût de sous-James Bond, en général on salut quand-même l’effort quand un film français traite le genre avec suffisamment de premier degré (où en le détournant habilement, dans le cas des “OSS 117…”).
    Et pour leurs adaptations de BD franco-belges, c’est encore autre chose (un festival de cosplays, et de recasts à chaques suites).

    Le Largo Winch de 2008 – après une série télé fort sympathique – devait faire avec un matériau BD d’origine qui émulait déjà Bond mais aussi le Business-Thriller, genre narratif qui peut vite devenir très chiant si on n’est pas capable de doper les dialogues, plein de jargon réservé aux initiés.
    Ces films “Largo…” ont finalement choisi de ne pas trop se focaliser dessus… forcément, qui est-ce que ça fascine de voir du blabla financier de ronds de cuir ? Même Aaron Sorin aurait du mal à en tirer un truc excitant – ou alors faut que ça soit hyper cynique, comme dans “Succession”.
    De succession il sera surtout question dans les films de 2008 et 2011, mâtinés de quelques bonnes scènes d’action brutales, avec un Tomer Sisley très impliqué, ainsi que l’idée de se focaliser principalement sur l’entourage non-européen de Largo… et, heureux hasard, en racontant une histoire proche d’une autre adaptation de bande-dessinée, arrivant au même moment sur grand écran : “Iron Man”.
    Un diptyque (par un même réalisateur – Jon Favreau ou Jérôme Salle) autour d’un milliardaire super débrouillard et intelligent, philanthrope, écrasé par son hérédité et les rapports compliqués avec son père, et se demandant quoi faire du pouvoir qu’il a maintenant entre les mains. Le deuxième film avait même de l’avance sur Marvel Studios en révélant qu’il avait lui-même un héritier à choyer plus que tout au monde… Bref, des opus qui se caractérisent plus par leur émotion que par leur côté pétaradant.

    Mais alors ce troisième film, très tardif, va-t-il se mettre carrément dans les pas d’un “Iron Man 3” ? Oui… et non.
    Parce que là aussi on a des similarités, à savoir que le héros doit gérer tout ce qu’il a créé en tant que personne publique, pour le bien de l’humanité, se faisant accompagner par une jeune personne joviale et émule potentiel. Tout en faisant face à des fantômes venus d’un lointain Passé, bien décidés à détricoter toutes ses réussites, par vengeance et traîtrise…
    Ça s’arrête là, le nouveau réalisateur Olivier Masset-Depasse est loin d’être comme Shane Black, qui amenait ses propres tropes et obsessions pour mieux dynamiter la franchise de l’intérieur (attention, ça tâche).
    Tout au plus on retrouve quelques thématiques communes à ses précédents films (la peur de perdre un enfant), et il saura se débrouiller un peu avec les scènes d’action obligatoires – il n’y en a pas beaucoup de marquantes, la plupart étant de classiques scènes de poursuites Bondiennes, et autres combats Bourniens au corps à corps contre un James Franco… dont le personnage semble lui aussi sortir d’un Bond (avec Pierce Brosnan).

    L’acteur américain s’en sort bien dans un rôle de némésis (jusque là le point faible des films Winch), portant une capuche qui lui donne une tête de cobra… mais sa présence fait le même effet que celle de Sharon Stone dans le 2 : ce sont des acteurs un peu tricards aux USA, c’est peut-être pour ça qu’on peut facilement se les offrir. Pire, ce vilain est logé à la même enseigne que les autres personnages quand il s’agit de faire de la mise en scène significative, c’est à dire avec pas beaucoup d’efforts – par exemple on a une scène en plongée où il marche sur le portrait de Nerio Winch, et la caméra passe ensuite à de banals champs-contrechamp, se gardant bien de composer un dialogue selon ce point de vue radical… dommage, c’était pourtant une image forte !
    De plus, il est bien trop invincible (physiquement, mentalement etc), empêchant même le film d’aboutir à une conclusion satisfaisante. Signe qu’il s’agit d’une histoire rognée pour éventuellement tenir en deux parties (après tout, ça s’inspire déjà d’un diptyque BD)… alors que rien dans la promo ne nous le laissait entendre. Après toute une chasse au dahu, et un empire financier qui se relève de toutes les calomnies grâce à l’influence de la jeunesse (!?), on reste forcément sur notre faim quand ça se termine.

    Le résultat nous donne un épisode un peu moins cinématographique que les deux précédents, moins ample (plus de Alexandre Desplat et sa musique – d’ailleurs plus aucun acteurs secondaires des précédents films, sans compter le remplacement de Miki Manojlović par François-Éric Gendron)…
    Les rebondissements scénaristiques ayant la fâcheuse tendance à débouler sans avoir été suffisamment préparés à l’avance, on a souvent l’impression d’être devant un téléfilm de luxe qui n’a pas conscience de ses limites – ça fait maintenant trois films qu’on passent beaucoup dans des territoires asiatiques… et avec la partie au Québec, on n’échappera pas à une dose de ridicule, la faute à des années de sketches se moquant des accents.
    La jeune Élise Tilloloy y échappe de justesse (précisons qu’elle n’est pas du tout québécoise), même si son arc narratif ne tient pas toutes ses promesses.
    Et Tomer Sisley a beau tenir le rôle avec ce qu’il faut de robustesse, de maturité, et
    d’une part de fragilité… il a néanmoins toujours son allure de jeunot décontracté, ainsi qu’une identité majoritairement liée à la télé, pour bien plus de rôles récurrents que Largo.

    Alors peut-être faudra-t-il qu’on ait l’histoire complète afin de mieux juger cet opus qui, pour l’instant, ressemble plus à la première partie d’un bon film d’action du dimanche soir.

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