Certains puristes nous diront que Mike Flanagan a démontré qu’il allait devenir un nom sur lequel compter dès 2013 avec son The Mirror. Mais ne nous voilons pas la face, tout le monde connaît les qualités de la série Netflix The Hauting of Hill House. On peut dire que le service de streaming a eu le nez creux en signant le réalisateur-scénariste sur plusieurs projets, car il a continué de convaincre avec The Haunting of Bly Manor et Sermons de minuit – on passera sur The Midnight Club, un show de bien moindre importance. Des séries plus imparfaites peut-être, mais qui ont contribué à installer le bonhomme comme l’un des nouveaux maîtres du fantastique
Ce n’est pas pour rien que c’est à lui qu’on a confié la tâche de réadapter un roman de Stephen King et la suite non officielle du Shining de Kubrick : Doctor Sleep. Là encore, le résultat pouvait être amélioré, mais quelle élégance dans la forme et le fond ! Le genre de film qui mérite d’être réévalué en le regardant, non pas comme un nouveau Shining, mais comme une œuvre portant la marque Flanagan. On digresse, mais il nous semblait important de bien positionner le cinéaste, car celui-ci s’apprête à frapper un nouveau grand coup avec La Chute de la Maison Usher.
Roderick Usher est à la tête d’un empire pharmaceutique que le procureur Dupin tente de démanteler depuis des années en mettant en lumière les méfaits de leur médicament star. Impossible, Roderick, ses six enfants et sa sœur Madeline, semblent intouchables, comme si leur pouvoir et leur argent les protégeaient de tous les maux depuis des décennies. Néanmoins, subitement et par une étrange coïncidence, la tragédie frappe et menace toute la Maison Usher.
Mike Flanagan se lançant dans une libre adaptation d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe, cela tient presque de l’évidence. L’auteur n’est-il pas l’un des pères originels du fantastique et par déclinaison, de l’horreur ? Toutefois, il ne faut pas prendre la série comme une retranscription des écrits de Poe. Car oui, si le show porte le nom d’un conte, c’est bien au pluriel qu’il faut conjuguer l’inspiration. L’honnêteté intellectuelle nous oblige à avouer qu’on ne connaît pas suffisamment l’ensemble de l’oeuvre de Poe pour reconnaître toutes les sources mises en scène ici, néanmoins, il y en a une évidente puisque Le Corbeau s’invite allégrement à la fête Usher.
The Haunting of Usher House ?
Les huit épisodes de La Chute de la Maison Usher sont une évidence. L’évidence qu’il faut aujourd’hui arrêter de comparer les nouveaux enfants du metteur en scène avec son plus gros succès. Un conseil qui vaut pour chacun de nous, car il faut bien reconnaître qu’on tente vainement de retrouver du Hill House partout où le nom Flanagan se pose. Or, de notre point de vue, la barre est devenue peut-être trop haute, ne rendant dès lors pas justice à la personnalité propre de ce qui vient après. Non, La Chute de la Maison Usher n’est pas The Haunting of Hill House et si on y retrouve bien des accents horrifiques davantage prononcés que pour Bly Manor ou Sermons de Minuit par exemple, ils ne sont pas au cœur de l’intrigue, mais un outil de mise en scène ; une personnification visible de la laideur morale invisible des personnages.
Dans son application, on y retrouve tout le style de Flanagan avec son amour pour l’intervention surnaturelle au milieu d’un contexte banal, ou l’utilisation du second plan sur lequel le regard fait l’erreur de trop peu se poser. Mais le réalisateur n’est pas tant un maître de l’horreur graphique que de l’ambiance oppressante, préférant créer la peur pas par ce qu’il se produit, mais par ce qu’il pourrait se produire. Jump-scare ou non, il se passe toujours quelque chose d’effroyablement malsain à l’écran dès lors que le cauchemar commence. Chez n’importe qui, une conversation-confession aurait lieu dans un endroit propice à ce que le verbe supplante le lieu ; chez Flanagan, on préfère glisser ça dans une maison sombre et délabrée, avec un bruit grinçant en arrière-fond, paradis de tous les possibles et donc enfer pour un spectateur constamment sur le qui-vive. Du pur sadisme.
Succession cruelle
Le fil rouge de la filmographie de Mike Flanagan se retrouve chez les Usher : la famille est au cœur du récit et le décor n’est là que pour raconter quelque chose autour des liens qui la forgent ou la pervertissent. Un père tout-puissant qui joue au marionnettiste à chaque échelon de son empire, des enfants dont chacun a été consumé par l’argent et le pouvoir jusqu’à n’être que vice (drogue, sexe et autres), prêt à tout pour écraser le reste de la fratrie… La Maison Usher ressemblerait à la série Succession d’HBO si on avait poussé les curseurs de l’impunité à fond, engendrant des monstres à visage humain.
On y dépeint une lutte entre les enfants dont l’appétit les pousse à s’entre-dévorer même dans la tragédie, écrasant au passage tout ce qui ne porte pas le nom Usher. Une galerie de personnages égocentriques qui trouvent une raison d’exister qu’en éliminant les autres. Symbole d’un navire en train de couler, mais dont la vanité le pousse à crever les canots de sauvetage, car quitte à couler, autant qu’il n’y ait aucun survivant.
Des bêtes sauvages faussement civilisées incarnées par un casting de confiance puisque la très grande majorité a déjà travaillé avec Flanagan. On retrouve ainsi des visages connus comme Kate Siegel (la compagne du réalisateur), Henry Thomas, Samantha Sloyan, Zach Gilford, T’Nia Miller et bien d’autres. Chacun joue sa partition à merveille, dévoilant peu à peu l’animal derrière le vernis humain. Et il y a celle qui les vampirise tous : Carla Gugino. L’actrice, envoûtante, est impériale, comme à son habitude.
La Chute de la Maison Usher est sans doute la série la plus politique de Mike Flanagan, adjoignant à son discours moral un discours sociétal qui ne ménage aucune strate de notre réalité. Les puissants, les profiteurs, les lâches, les hypocrites, les corrompus, les idéalistes… Flanagan porte un regard sombre sur le monde capitaliste, comme un aveu d’échec dans notre incapacité à changer les choses face au tout-puissant argent. La série est une fable noire où la gentillesse doit s’incliner face à la barbarie, plus puissante ; ou les capacités humaines seules ne suffisent plus à créer l’équilibre. Seule la mort permet de remettre tout le monde sur un pied d’égalité.
La Chute de la Maison Usher peut se voir autant comme une revanche, un pamphlet libérateur face à un destin qui nous rattrape tous, peu importe notre position sur l’échelle. Mais également comme une fatalité, comme le portrait de la chute d’une civilisation où il n’y a aucun innocent. La nôtre.
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Ce que je préfère chez Mike Flanagan, c’est sa femme Kate Siegel, qui est dans toutes ses réalisations.
Une série qui ravira les adeptes de Edgar Allan Poe. Chaque épisode porte le titre d’une de ses nouvelles. Le corbeau, le chat noir et le scarabée d’or sont souvent mentionnés. Je trouve génial d’avoir su adapter à notre époque une nouvelle de 30 pages en y intégrant toutes les œuvres incontournables d’Edgar Allan Poe, le père d’auguste Dupin, bien avant Sherlock
Wow wow superbe série des personnages très convaincants des acteurs qui savent très bien jouer leur jeux et une histoire au goût du jour (2023). Le seul regret une série trop court mais qui nous tient en haleine jusqu’à la fin.