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Critique Kraven the Hunter : on tire la chasse ?

On ne donnait pas cher de la peau de Kraven. Le film Sony est-il la catastrophe annoncée ?

“Donnez une chance à notre film”. Il y a quelques jours, J.C Chandor invitait les spectateurs à ne pas tenir compte des échecs de ses prédécesseurs. Conscient que la mauvaise réputation de l’univers Sony Pictures pouvait entraver la réussite de son métrage consacré à Kraven le Chasseur, le réalisateur insistait sur la singularité de sa proposition.

Preuve s’il en fallait une que l’écurie n’est pas solide sur ses appuis, les huit premières minutes du métrage ont été publiées sur les réseaux sociaux pour montrer de quel bois l’antihéros se chauffe. Plutôt rassurante, cette introduction laissait présager d’une aventure au mieux divertissante, au pire assez catastrophique pour devenir amusante.

Kraven Aaron Taylor Johnson
© Sony Pictures

Il faut dire que le chaos en coulisse n’était pas très engageant. Promis à une sortie au cinéma en 2023, le film a été repoussé à plusieurs reprises pour peaufiner la copie. C’est finalement plus d’un an après sa date de sortie initiale que Kraven le Chasseur investit les écrans du monde entier. Il est pressenti pour réaliser un démarrage bien pire que Madame Web, qui est déjà considéré comme l’un des plus gros bides de l’année 2024. Mais il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué… Que vaut ce film tant redouté ? Critique.

L’histoire suit Sergei Kravinoff, fils d’un baron du crime qui se retrouve après un accident de chasse avec des capacités extraordinaires. En quelques années, il a forgé sa légende et fait frémir la pègre. Tueur sanguinaire, homme mystérieux, il utilise sa capacité à communiquer avec les animaux autant que ces aptitudes pour défaire ses ennemis.

Kraven for chaos

J.C Chandor n’a pas menti sur un point, Kraven le Chasseur cultive sa singularité au sein de l’univers, limitant les références au tisseur de toile à de simples mentions de certains de ses antagonistes. Il s’agit là plus de le présenter comme grand méchant en devenir, de retracer son parcours. De l’apparition de ses pouvoirs à ce qui servira de rupture avec son passé et sa famille, le film coche toutes les cases de ce genre de proposition.

La scène d’introduction, dans les recoins austères d’une prison russe, sert d’avant-propos et immortalise la force brutale de son héros avant que le récit n’opère un important bond en arrière pour raconter sa transformation. Pendant une vingtaine de minutes, le film s’évertuera à dépeindre son personnage principal comme un enfant prêt à tout pour s’extirper du modèle viriliste et impitoyable de son paternel.

Kraven Le Rhinocéros Sony Pictures
“Mon fils, on va partir à la chasse à la galinette cendrée avec Beber” © Sony Pictures

Tout russe et outrancier soit-il, Russel Crowe ne parviendra pourtant jamais à dépasser le statut caricatural de son personnage, empêché par des dialogues que l’on dirait sortis tout droit d’un mauvais soap. Ces répliques risibles ne parviennent pas à offrir un tant soit peu de consistance aux enjeux qu’elles tentent de faire éclore. Avec des fondations aussi solides que celle d’un château de cartes réalisé d’une main tremblante, on ne donnait pas cher de ce projet qui évolue au sein d’une licence elle-même loin d’être solide sur ses appuis. Cette introduction est néanmoins un impair que l’on aurait pu pardonner au film, s’il avait quelque chose à raconter après cette “origin story” frelatée.

Sony Pictures Kraven Le Chasseur
© Sony Pictures

Mais le film, comme la plupart des propositions de Sony avant lui, apparaît rapidement n’être qu’une monstruosité scénaristique de plus. Les idées et enjeux se succèdent sans que jamais rien ne prenne forme. Le retard de production a sans doute été une occasion pour Sony Pictures de corriger sa copie, qui s’en retrouve charcutée de toutes parts pour finalement n’être rien d’autre qu’une succession de combats et de confrontations sans queue ni tête.

On en veut pour preuve une discussion entre Kraven et Calypso, qui fait intervenir des effets numériques pour modifier la labiale du personnage. Celle que l’on imaginait être le “love-interest” n’aura finalement rien d’autre à se mettre sous la dent qu’une présence utilitariste, les scénaristes ayant sans doute réalisé trop tard qu’ils n’avaient que faire de ce second couteau dans les comics. Ariana DeBose, dont le talent nous avait subjugués dans West Side Story par Steven Spielberg, méritait définitivement mieux. Sony Pictures ne sait toujours pas comment immortaliser ses protagonistes féminins. Au moins, on a échappé aux tenues d’écolières affligeantes (coucou Madame Web).

“Le bon chasseur, c’est un gars, il a un fusil…”

Mais revenons à ce qui motive la création de ce film, la naissance d’un antagoniste de taille à affronter Spider-Man dans un avenir plus ou moins proche. Comme Venom avant lui, Kraven le Chasseur est surtout une occasion de préparer un hypothétique combat avec le tisseur de toile. Là encore, le film ne touche pas sa cible.

Alors même que le parcours de l’antagoniste repose sur la crainte du légendaire chasseur, redouté de tous, jamais le film ne s’attardera à présenter son sujet ainsi. Les mauvaises langues diront sans doute que Kraven le Chasseur est le fruit d’une expérimentation IA ratée, pour être honnête, les outils de machine learning auraient sûrement fait mieux. Difficile de ne pas éprouver une once de compassion pour les acteurs de talent invités à prendre part à cette aventure, à commencer par Aaron Taylor-Johnson. Malgré toutes ses bonnes intentions, l’acteur britannique pâtit de l’écriture anarchique de son personnage autant que du je-m’en-foutisme évident des équipes créatives.

Rhino Kraven Le Chasseur
© Sony Pictures

Il ne sera jamais rien d’autre qu’un justicier caricatural et bourrin. Même sa relation avec les animaux, censée être le cœur du récit, ne sera pas véritablement explorée. Il faut dire que l’idée de voir un personnage se battre aux côtés de créatures sauvages à quelque chose de ridicule, Kraven le Chasseur limitera donc leur participation à quelques scènes impliquant des buffles ou un ours revanchard. On aurait préféré que le film embrasse l’outrance du lore, qu’il capture les capacités de Kraven à traquer ses proies. Sa particularité de chasseur se limitera à son accoutrement, avec une dent de requin au cas où la ringardise de ce projet n’aurait pas immédiatement sauté aux yeux des spectateurs.

Évidemment, les effets visuels étant ce qu’ils sont au sein de l’univers de Sony Pictures, on n’a pas affaire à des créatures d’un réalisme saisissant. L’absence de la faune chère à Kraven était sans doute une manière de limiter la casse. Plus largement, une seule scène d’action se démarque d’un Gloubi-boulga indigeste. C’est l’introduction, dommage pour le reste du film.

L’apogée de ce cirque sans fin de deux heures (ressenti huit) intervient lorsque l’identité du grand méchant est enfin révélée. La narration navigue entre les différents points de vue et personnages, précipite sa fin et le combat qui doit conclure (ENFIN !) ce joyeux bordel. On aurait même beaucoup de mal à résumer le dernier acte, tant il multiplie les retournements de situation incohérents. Et quand enfin une bonne idée semble pointer le bout de son nez, le scénario s’en cogne royalement et se contente d’introduire quantité de nouveaux clins d’œil à des personnages que l’on aura sans jamais l’occasion de voir prendre vie.

Il faut s’arrêter maintenant…

Officiellement, Kraven the Hunter est le dernier film du SPUMC, l’univers Sony dédié aux personnages de Spider-Man. Madame Web, Morbius et même la dernière apparition de Venom au cinéma en octobre dernier, la licence multiplie les impairs. Financièrement, l’opération est loin d’être rentable et la firme semble prête à arrêter les frais. Au cours des prochaines années, seuls Miles Morales (dans sa version animée) et Peter Parker sont promis à un retour sur nos écrans. Outre ces deux sagas, Sony Pictures n’a jamais réussi à faire honneur à ces personnages. L’absence de Spider-Man est trop latente. Les héros de fond de tiroir dégoté par Sony Pictures n’ont séduit qu’en de très rares occasions.

Il est temps d’en finir, de se résoudre à voir ces maigres propriétés intellectuelles prendre la poussière en attendant que la fièvre des superhéros reprenne du poil de la bête et que le public soit moins regardant sur les films qui leur sont proposés. Depuis la pandémie, les écuries autrefois reines du box-office peinent à réunir des adeptes à chacune de leurs apparitions. Même le MCU a connu quelques impairs, difficile d’imaginer qu’une licence installée depuis moins longtemps, et avec un lourd passif, puisse faire mieux.

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Notre avis

Kraven est-il un bon ou un mauvais chasseur ? On y croyait pas, on espérait se tromper mais Kraven : le Chasseur va exactement là où on l’attendait… dans le fond du panier des films de super-méchants.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 1 / 10

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