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Critique Kill : le gros film bien bourrin de la rentrée

Remarqué à chaque festival où il a été projeté, Kill est un film d’action indien bien énervé qui s’applique à faire ce qu’on attendait de lui, déchaîner les enfers.

Si vous suivez un peu, vous savez qu’ici, on aime quand le cinéma transforme des figurants en morceaux de bidoche juste parce qu’ils ont cherché des poux à la mauvaise personne, au mauvais moment. Un cinéma représenté aujourd’hui par l’omniprésent John Wick, mais dont on sait que le véritable renouveau nous vient d’Indonésie en 2012 lorsque Gareth Evans réécrivait les codes du genre avec The Raid. Peu avare en bonnes idées et en générosité, le septième art indien entend prouver avec Kill que lui aussi, il peut faire dans le bourrin, simple et efficace.

Kill est un peu à la croisée des influences. Certes, le film d’Evans est en ligne de mire, autant que des œuvres comme Snowpiercer ou les productions hong-kongaises, mais il n’entend pas renier sa nature hindi sans avoir l’exubérance des grosses machines maisons comme RRR ou Baahubali (qu’on adore). Un film qui sait d’où il vient, quel but il veut atteindre et quelle forme il va prendre.

Amrit Rathod est un membre des commandos de la garde nationale qui a hâte de retrouver sa petite amie Tulika après plusieurs semaines de service. Sauf que celle-ci vient d’être fiancée malgré elle par son père, puissant patron d’une entreprise ferroviaire. Dans l’idée d’empêcher ce mariage, Amrit embarque avec son frère d’armes Viresh dans un train en partance pour New Delhi avec Tulika et sa famille à son bord. Malheureusement, le convoi est bientôt attaqué par un gang de braqueurs.

Kill (2)

S’emparant d’une mésaventure qui lui est réellement arrivée (le braquage dans un train, pas le commando), le réalisateur et scénariste Nikhil Nagesh Bhat a décidé de signer une œuvre qui tient autant du trauma que du fantasme à ses yeux avec cette idée de glisser, au milieu d’un fait divers, un mec passablement en colère qui a, lui, les compétences pour faire le ménage. Un scénario qui sent bon le film d’action régressif dont le marché vidéo américain continue souvent de nous abreuver sans envie ni talent. Heureusement pour nous, Kill a les deux.

Licence to Kill

Lorsque le titre du film surgit à l’écran, il prend tout le public par surprise. Sans qu’on n’y fasse attention, celui-ci s’était écarté du générique introductif pour arriver bien après. Il attendait son moment, celui de sa propre justification. Car, si Kill ne perd pas de temps pour lancer les hostilités, s’accordant dix, quinze minutes maximum de mise en contexte (l’anti-The Crow 2024), le métrage se montre pas si sage, mais étonnamment pas si fou que ce qu’on pouvait en espérer.

Les acteurs – qui ont subi un entraînement intensif de trois mois pour coller aux personnages – font immédiatement parler leur physicalité, néanmoins sans sortir des clous de ce qu’on a déjà aperçu auparavant dans d’autres productions. On tape dur, mais on ne tape pas fort. De sorte qu’on ait le sentiment d’assister à un nouvel ersatz d’un film de baston classique qui n’irait pas au bout de son potentiel. Sauf que Nikhil Nagesh Bhat est le maître des horloges et il sait parfaitement maîtriser son rythme.

Kill (1)

Loin d’un film qui mettrait toutes ses cartes sur la table dès la première séquence en prenant le risque énorme de s’essouffler avant la fin, Kill préfère faire monter la sauce crescendo afin que chaque acte surpasse le précédent en intensité, en violence et en hémoglobine. On commence par la commotion, on conclut sur la décapitation. D’où l’apparition tardive du Kill qui n’est pas tant un titre de film qu’un état d’esprit.

Die Harder

Ce qui débuta par un échange de civilités musclé se transforme alors en décrassage des organes à corps ouvert et l’amoureux de cinéma nerveux en aura pour son argent, profitant des temps de respiration pour se préparer à la prochaine réjouissance. Encore une fois, le métrage ne cherche pas à renouveler le style, mais il le fait avec une efficacité et une simplicité qui lui vont bien au teint. On voulait une boucherie dans un train, et on a eu une fondue bourguignonne à volonté avec toutes les sauces et les frites.

D’autant que la violence graphique n’est pas un gadget, mais le moteur de l’histoire. Ce que l’on voit à l’image traduit également le ressenti des personnages. Bien que le réalisateur insiste parfois un peu lourdement sur le versant le plus mélo, l’action crescendo répond à l’évolution de celles et ceux qui vivent la situation. Comment le boy-scout de service se métamorphose en machine à broyer les os dès lors qu’on lui provoque quelques traumas. Comment le méchant gagne en extrémisme au fur et à mesure des rebondissements. Comment la peur et le courage naissent et changent de camp.

Kill
©

Malgré le huis clos, b. Ce qui participe à donner de la chair, des émotions autour des acteurs ou des spectateurs du carnage là où il aurait été facile de se contenter de robots distributeurs de baffes ou des figurants sans âme. Le réalisateur n’entend pas nous faire adhérer ou non aux agissements de son héros, mais il souhaite qu’on comprenne pourquoi il agit ainsi, et ça marche.

Le train tapera trois fois

Évidemment, le plus gros danger de l’actioner bourrin reste sa mise en scène. Il n’y a pas plus frustrant qu’un montage trop découpé ne rendant pas hommage à la chorégraphie par exemple. Heureusement, à ce niveau-là, aussi, Nikhil Nagesh Bhat reste au cœur de son sujet. Il sait pourquoi on vient et c’est bien ça qui transpire à l’écran. Le chorégraphe coréen Oh Se-yeong et Parvez Shaik, duo ayant fait leurs preuves dans de nombreuses productions exigeantes, accompagnent le réalisateur pour mettre en valeur le décor, concentré sur quatre wagons, et les mouvements des combats sans qu’on ait l’impression de répétition.

La violence des coups se voit, se ressent ; chaque élément du décor est pris en compte pour être au cœur des chorégraphies, que ce soit dans le mouvement, comme arme ou comme « finish move ». Tout est lisible, graphique et l’espace, dans ses contraintes comme dans ses possibilités, n’est jamais oublié. On ne cachera pas que dans son application presque scolaire de faire un bon film, Kill manque parfois un peu de cette folie, d’un surplus d’originalité pour se démarquer sur le long terme, mais n’en reste pas moins un métrage qui tient ses promesses et dont on aurait bien pris un peu de rab. Un gros plaisir pas coupable.

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Notre avis

Kill n'est pas là pour beurrer les sandwichs et ne perd pas de temps à nous prouver de quoi il est capable. Mieux, il va savamment jouer avec nos attentes en maîtrisant ses curseurs, transformant des petites escarmouches musclées en usine à cadavres. Il ne marquera peut-être pas le cinéma d'action, ni le cinéma indien, mais il nous met une petite claque qui saura réveiller un genre qui aurait tendance à ronronner.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 8 / 10
1 commentaire
  1. Vu en avant-première durant L’étrange Festival qui se passe en ce moment aux Forum des Images de Paris. Je m’attendais à un The Raid 1. Tout y était: un train rempli de méchant et un gentil qui file des coups… Et bah non, même si le film se réveille un peu quand le “KILL” apparait, ça reste ultra mou et très, mais alors très très bavard, avec le drama typique des œuvres indiennes. Plans à rallonge et ambiance musicale inexistante s’ajoutent à l’ennui caractérisant le film.

    Bref, 12 ans après (12 ans quand même) le génial The Raid, Kill ne s’en approche même pas. Même Ong Bak 1 n’a pas de soucis à se faire.

    Il aurait peut-être fallu faire appel à de vrais artistes martiaux et autres cascadeurs…

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