Passer au contenu

Critique Joker : Folie à deux, une folie d’en faire un 2 ?

En 2019, le Joker de Todd Phillips a fait l’effet d’un petit électrochoc en transformant le clown tueur ennemi de Batman en véritable personnage de cinéma. Joker : Folie à deux met fin à la blague.

Todd Phillips et les pontes de Warner ne s’en cachaient pas en 2019. Loin des univers partagés de super-héros, ce Joker est et sera un film unique qui n’a aucune vocation à avoir une suite. Mais vous savez ce que c’est. Un milliard au box-office par ici, onze nominations dont deux récompenses aux Oscars (pour ne citer que cette cérémonie) par là, forcément, ça aide à avoir soudainement des idées pour un Joker : Folie à deux. La magie d’Hollywood. Alors, on ne dit pas que ce second opus a une dimension plus marketing qu’artistique, on dit juste si Phillips pouvait réitérer l’exploit, ça arrangerait tout le monde, public compris.

Deux ans après le meurtre Murray Franklin, personne n’a oublié Arthur Fleck, alias Joker. Un téléfilm lui a été consacré et son futur procès promet d’être un véritable événement alors qu’ils sont encore nombreux à soutenir « sa cause ». Loin de cette effervescence, ce dernier croupis dans des geôles insalubres, aux mains de gardes violents qui lui réclament chaque jour « une blague ». Plus mort que vivant, il va retrouver l’étincelle lorsqu’il croise une co-détenue, Lee Quinzel, qui voit qui il est vraiment. Leur amour pourra-t-il élever des montagnes ?

Clown triste

Peu de temps avant une interview avec un célèbre présentateur, l’avocate d’Arthur, Maryanne Stewart (Catherine Keener) lui glisse ces mots : « Tu n’es pas Joker, tu es Arthur Fleck ». Des mots qui raisonnent dans notre esprit alors que les 132 minutes du film s’achèvent et que les lumières se rallument. En flirtant grossièrement du côté de Martin Scorsese, Todd Phillips et Scott Silver parvenaient à nous éblouir en 2019 en transformant une figure pathétique en prince du crime lorsque Fleck embrassait enfin son subconscient. Après avoir tué trois hommes, celui-ci, maquillé en clown, entamait des mouvements de danse lents, symbole d’un homme qui se muait sous nos yeux. Une métamorphose accomplie lors de la fameuse scène où il descendait les escaliers, plusieurs minutes plus tard, au son de Rock and Roll Part 2.

Joker 2 (2)
© Warner

Arthur Fleck n’avait pas de double personnalité, il ne faisait qu’épouser qu’il était réellement, il se découvrait. Le maquillage du Joker intervient comme une libération. Un état de fait que Phillips décide de dynamiter dès l’introduction sous forme de cartoon où Fleck et son ombre machiavélique s’affrontent pour le contrôle du clown.

Tout l’enjeu de ce film réside dans le fait de savoir qui a réellement commis les crimes, Fleck ou Joker ? Son avocate plaide le dédoublement et donc la maladie mentale lui évitant la peine de mort alors l’assistant du procureur Harvey Dent le voit comme l’unique responsable.

Un retour en arrière pour Fleck, redevenu ce symbole de misérabilisme. Phillips et Silver signent un scénario où le Joker n’est littéralement qu’une ombre pour l’un, fantasme pour d’autres. Un développement de personnage qui n’en est pas un, comme si le duo de scénaristes faisaient du surplace en jouant sur un monstre qu’ils ont inventé, mais qu’ils n’assument plus.

Joker 2 (1)
© Warner

On se souvient que l’idée d’un psychopathe crée par la société avait provoqué de nombreux débats à l’époque du premier film et le tandem semble ne plus vouloir de polémique, se contentant d’un bout d’homme écrasé et un clown imaginaire qui, même lorsqu’il redevient enfin réel, n’a plus aucun impact sur son existence. Ce Folie à deux n’a rien de fou, un long-métrage sans risque et sans éclat sur un protagoniste à nouveau démaquillé.

Clown chanteur

Le problème est que Todd Phillips est, lui, persuadé de tenir encore quelque chose, notamment par sa réutilisation du genre. Car oui, c’est confirmé, Joker : Folie à deux est bien un musical. Sur le principe, pourquoi pas, d’autant que la psyché du clown et d’Harley Quinn se prête à toutes les extravagances et qu’il n’y a pas meilleure façon de sous-ligner les émotions. Les numéros musicaux sont d’ailleurs les plus réussis du métrage. Sauf que Phillips n’a absolument pas compris comment se servir de cet atout.

Hormis quelques séquences oniriques où l’imagerie musicale intensifie les sentiments, le reste ne fera que les surligner encore et encore au point de ne plus rien raconter. Sage partout ailleurs, le film se veut exubérant, non exaltant, sur la chansonnette et on frôle rapidement l’indigestion.

Joker 2 (4)
© Warner

Joker : Folie à deux tourne en rond autour de sa seule ambiance lyrique au point où, si l’on attendait de voir ce que donnerait Lady Gaga en Harley Quinn, la réponse ne se fait pas attendre : Lady Gaga a été embauchée en tant que Lady Gaga. Celle dont on espérait une prestation digne d’A Star is Born n’a rien à jouer, seulement à chanter, et son personnage sonne creux dès les notes achevées. Un faire-valoir de luxe pour un Joaquin Phoenix toujours excellent au demeurant.

Raté, le musical du film en est-il pour autant inutile ? Non, car on peut compter sur Todd Phillips pour avoir la subtilité d’un adolescent dragueur dans un bar alors qu’il est à trois grammes. Pourquoi la chansonnette ? Parce que c’est un genre de l’imaginaire. Il n’y a rien de moins réel que de voir un groupe de personnes chanter soudainement leurs espoirs et leurs rêves en pleine rue. Tout comme il n’y a rien de moins réel que de voir un homme déguisé en chauve-souris combattre un clown prince du crime.

Le réalisateur veut passer un message : il n’y a pas de Joker, il y a juste un homme misérable. Il n’y a pas de super-vilain, juste un criminel déguisé. En prenant à contre-pied son origin story de 2019 avec une forme de prétention, Phillips détruit deux genres, le film de super-héros et le musical ; l’un volontairement, l’autre par incompétence. Sauf que, se faisant, il prend un trop malin plaisir à démolir nos attentes et notre amour pour cet imaginaire. Non seulement Joker : Folie à deux n’est pas ce qu’on attendait, mais il ne semble même pas nous respecter. Et pourtant, ici et là, Phillips retourne malgré tout à l’univers de Gotham en glissant de nombreuses références. Comme s’il voulait nous faire une blague. Une blague pas drôle qui ne fait plus rire que lui.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Notre avis

Joker : Folie à deux est une curiosité. Une curiosité parce qu'il réussit parfois là où on ne l'attendait pas comme un aspect musical pas si déroutant dans son contexte et des numéros réussis, mais il montre un tel dédain pour sa propre histoire ou ses personnages qu'on finit par se demander qui est le plus fou des deux entre le Joker et Todd Phillips. Et pas dans le sens le plus amusant du terme.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 3 / 10
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Mode