Une ambiance rétro et un secret caché dans une petite ville tranquille à la Twin Peaks, un humour noir à la Fargo et une Nicole Kidman sortie de Desperate Housewives, les premiers pas de Holland laissaient présager un thriller qui a ingurgité ses références pour nous recracher sa version Mister Cocktail avec l’envie d’avoir envie.
Les premières notes du film de Mimi Cave, dont l’esthétisme se dévoilait dans Fresh, laissaient entendre qu’on en aurait pour notre argent, au milieu des habitants d’Holland, commune du midwest américain dont la culture vient des Pays-Bas. Moulins à vent, tenues traditionnelles et les sourires habillés d’appareils dentaires des petites têtes blondes, les amateurs de thriller le savent, ce genre d’ambiance est un terreau fertile aux mystères, petites cachotteries et paranoïa. Bref, le terrain idéal pour y voir éclore une grande histoire.
On va y suivre Nancy Vandergroot (Nicole Kidman), enseignante, mère et épouse modèle. Soupçonnant son mari (Matthew Macfadyen) d’infidélité suite à des séminaires un peu trop réguliers à son goût, elle va enquêter sur lui en compagnie de son collègue Dave (Gael Garcia Bernal). Ils ne sont pas prêts pour ce qu’ils vont découvrir.
La Tom de promesses d’Holland
Les apparences sont au cœur du long-métrage qui s’ouvre sur un événement qui donne le ton. Nancy accuse la baby-sitter de son fils, Candy (Rachel Sennott en caméo) de lui avoir volé une boucle d’oreille. Le mensonge et la vérité sont immédiatement moteurs du récit, mais la banalité de l’acte et l’absence de preuves laissent supposer que Nancy cherche surtout à pimenter un peu son quotidien.
Holland parvient à attiser d’emblée la curiosité sur la suite de l’intrigue. Dans un décor trop hors du temps pour être vrai, au milieu de personnages à la routine confondante, on se met à chercher la future petite bête. Est-ce que la ville est factice à la façon The Truman Show ? L’obsession de Nancy est-elle justifiée ou lui fait-elle chercher un complot inexistant à la manière de The Game ? Les longs plans de Cave sur la ville miniature construit par son mari laissent traîner un certain malaise ; quelque chose va mal se passer, mais quoi ? Quelque chose sonne faux, mais quoi ? La proposition du métrage est belle, celle de nous faire miroiter qu’il faut s’attendre à tout, spécialement à l’inattendu.

Avec Holland, le changement ce n’est pas maintenant
La réalisatrice et son chef opérateur font de leur mieux pour nous maintenir dans ce brouillard, mais leur talent est malheureusement au service d’un scénario qui prend l’eau de toute part. Comme si celui-ci était passé directement d’un premier jet à la phase de tournage sans passer par de la réécriture. Pendant une heure, on va assister Nancy et Dave dans leur enquête qui semble mener nulle part hormis dévoiler leurs propres envies, leurs propres failles. On tourne en rond et beaucoup trop d’éléments sont installés pour ne jamais servir plus tard. Bavardages inutiles dans la construction des protagonistes, scènes de remplissage… le récit a sorti les rames et transpire fort jusqu’à son rebondissement central.
Une révélation qui prête à rire ou à soupirer tant elle est en deçà des attentes et semble surprendre le film lui-même. Personne ne paraît être prêt à la deuxième phase de l’intrigue, ni le casting ni l’équipe technique et il y a comme un vent de panique qui souffle sur le moulin. Holland faisait du surplace, le voilà désormais à courir dans une direction qui ne lui convient pas. On pouvait jusqu’alors espérer un retournement étonnant, on doit finalement se farcir un twist paresseux qui va enchaîner les passages clichés. La première partie du film finissait par être ennuyeuse, la seconde est aussitôt ratée.

Tous les éléments auparavant intéressants ne servent jamais et aucune promesse n’est tenue. La ville elle-même, dont le paysage hollandais semblait si crucial dans les enjeux, aurait pu être remplacée par n’importe quelle autre cité. D’autant que tout ce qui aurait pu tourner autour, comme le racisme latent de sa communauté ou l’époque de l’histoire – début des années 2000 – ne sera le sujet que d’une scène, deux maximum, puis on oublie. Le principal concerné dans l’affaire est ce pauvre Gael Garcia Bernal. Son rôle est au centre de plusieurs sous-intrigues au point où il pourrait presque devenir l’élément essentiel du scénario. Pourtant, il est mis sous le tapis dès que le récit va voir plus loin, malgré le fait… qu’il soit toujours concerné. On est face à un parfait exemple de film voulant courir plusieurs lièvres à la fois et qui finit par rentrer bredouille.
Kidman surnage dans un film aux gros sabots
On se demande bien ce que Nicole Kidman vient faire dans cette galère, elle qui reste la seule bonne raison de tenir les 105 minutes du film. Personne ne lui reprochera de ne pas s’investir et elle joue les différentes facettes de Nancy avec une certaine délectation. Dans un projet qui multiplie les genres, elle parvient à les incarner tous, passant d’une paranoïa sérieuse à une candeur naïve en une fraction de seconde, d’un cauchemar tendu à un regard d’enfant amusé devant une scène de Madame Doubtfire. Elle maîtrise tous les tableaux autour d’une héroïne pourtant bien mal écrite, à l’image du reste. Kidman est à la hauteur de tous ses rôles, dommage que tous ses rôles ne soient pas à sa hauteur.

Holland est-il un film raté ? Oui, mais on dira qu’il est avant tout un film frustrant, car pris séparément, par son ambiance, son casting, des morceaux de son scénario, sa réalisatrice, il avait tous les éléments pour, si ce n’est de faire quelque chose de grand, au moins de hautement appréciable. À la fin, on a le sentiment d’avoir vu un paraplégique tenter d’opérer une tumeur au cerveau avec un tournevis. En l’état, on a l’impression d’une production qui devait se faire et non qu’elle le pouvait. Holland est un gâchis ronflant et banal, les deux successivement, sautant sur les épaules de sa star principale en hurlant « advienne que pourra ».
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