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[Critique] Good Time

Après un passage remarqué à Cannes, Good Time sort enfin dans nos salles. Plongée au cœur d’un New York qu’on n’avait pas vu depuis longtemps au…

Après un passage remarqué à Cannes, Good Time sort enfin dans nos salles. Plongée au cœur d’un New York qu’on n’avait pas vu depuis longtemps au cinéma.

Plus que tout autres villes, New York jouit d’une aura cinématographique particulière dans le monde. Romancée, fantasmée, anéantie… la métropole a toujours su se réinventer pour continuer à fasciner l’Amérique et ses voisins. Si Leone, Scorsese, Lumet ou Allen en ont fait le théâtre de leur plus grand succès, Big Apple reste insaisissable. Comme Paris ou Tokyo, elle se résume pour beaucoup à une collection de bâtiments et de clichés.

Nés dans le Queens, Joshua et Ben Safdi ont voulu montrer l’envers du décor. Sans bouger de leur quartier natal, finalement peu exploré dans les films, les deux frangins réalisent ici leur premier film d’envergure après l’attachant Lenny and the Kids. L’occasion de poser un regard neuf sur une Amérique oubliée des romcom.

Connie est un jeune vagabond qui ne supporte pas que son frère handicapé mental Nick soit séparé de lui. Alors que ce dernier aurait besoin d’un suivi spécialisé, Connie l’embarque dans un braquage assez audacieux, qui va finalement mal tourner. Nick finit en prison, mais Connie est bien décidée à tout faire pour le libérer.

Mené tambour battant, le film des frères Safdie s’impose avant tout comme un exercice de style. Filmé quasiment exclusivement en très gros plans, la caméra tire le portrait des laissés-pour-compte de la société. La peau abimée des drogués et des truands défile devant nous, simplement éclairée de la lumière phosphorescente d’un néon ou de la blancheur d’un écran de portable. Joshua Safdie filme des jeunes, des vieux, mais surtout des pauvres. Sans tomber dans le pathos, bien qu’il guette parfois, le réalisateur laisse transpirer son affection pour ces gens à qui chaque jour suffit sa peine. Le rouge domine, et souligne la propension de ces hommes et femmes à sombrer dans leur passion.

À la manière d’un After Hours sous amphétamine, Good Time fait du Queens une fête foraine sinistre, mais fascinante. Cette mise en scène épileptique ne plaira pas à certains, qui auraient tort d’y voir une pâle copie de la photographie acidulée d’un Refn.

L’épopée de Connie ne laisse aucun répit au spectateur qui regarde médusé un homme prendre toutes les plus mauvaises décisions possibles. Pattinson est toujours juste, et fait naitre un sentiment paradoxal d’amour-haine envers son personnage, qui détruit sa vie et celle de son frère avec la plus belle des volontés. Ben Safdie (qui se retrouve devant et derrière la caméra) étonne dans son rôle de Nick, géant placide dont l’avenir semble déjà tracé. L’amour inconditionnel qu’ils ont l’un pour l’autre est aussi la pierre angulaire d’une réflexion sur la fraternité qui aurait peut-être mérité plus de place dans le récit.

Ce duo Steinbeckien, qui fait penser à un Des souris et des hommes contemporains, se sépare assez rapidement pour laisser place à un imbroglio dont nous tairons les tenants et aboutissants. Les choix hasardeux de Connie prennent encore plus d’ampleur et forment une réaction en chaîne qui entraîne tous les personnages secondaires dans le même sillon. Cette atmosphère survoltée, soutenue par la musique hypnotique d’Oneothrix Point Never (tout de même primé au Festival) achève de faire de cette cavale urbaine une vraie expérience de cinéma.

Good Time n’est peut-être pas taillé pour le public cannois, mais il serait dommage de le snober. Animé par une folle énergie, le long-métrage des frères Safdie offre un beau rôle de composition à Robert Pattinson, décidément bien décidé à faire oublier Twilight. Portée par une mise en scène épileptique, cette épopée hallucinée parmi les exclus de la société new-yorkaise vaut vraiment le détour.

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