Il convient, en préambule, de faire taire les mauvaises critiques qui jugeraient a priori ce Furiosa : une saga Mad Max comme un objet opportuniste ne devant son existence qu’au succès de Fury Road. Rien n’est moins vrai puisque dès les premières images de ce dernier dévoilées, George Miller chantait les louanges d’un univers bien plus vaste qui ne demandait qu’à s’exprimer à l’écran, d’une manière ou d’une autre. Le réalisateur et scénariste australien venait de remettre les pieds dans son Wasteland et il semblait avoir repris goût au sable, aux cendres et au bitume.
Plusieurs changements de direction et de mises en sommeil (temporaires ?) plus tard, c’est donc d’un opus servant de préquel direct à Fury Road dont accouche la saga Mad Max. Premier volet sans la présence de celui à qui la franchise doit son nom, comme pour entériner le passage de témoin entre Max Rockatansky et Furiosa dont nous étions les témoins dans le précédent volet. Le personnage campé alors par Charlize Theron était le vrai moteur du film et c’est tout naturellement que cette nouvelle pièce à la machine lui est dédiée.
On y découvre une jeune Furiosa, enfant de la Terre Verte arrachée aux siens par les hommes de Dementus, un meneur d’hommes arriviste et prêt à tout. Celle-ci va bientôt être placée entre les mains d’Immortan Joe et elle va devoir se frayer un chemin par ses propres mains pour survivre à ce monde apocalyptique et à ces fous qui le dirigent, tout en cherchant à accomplir son but : se venger et rentrer chez elle.
Celles et ceux qui chercheraient, dans Furiosa : une saga Mad Max, un Fury Road 2, peuvent déjà renvoyer leurs attentes au vestiaire. Si ce préquel touche plusieurs fois du doigt son aîné, notamment lors d’une impressionnante séquence d’attaque de convoi ou par la présence toujours euphorisante des partitions de Junkie XL, il entend marquer rapidement sa différence. Comme pour prendre à contre-pied les avis faciles ayant trop simplement comparé Fury Road à une course dans le désert, ce Furiosa met sa narration au premier plan, dévoilant une route aux multiples embranchements.
Neuf ans à t’attendre
D’un côté, il y a une histoire d’origine autour d’un personnage brillamment incarné par Alyla Browne d’abord, et Anya Taylor-Joy ensuite. L’actrice, dont la popularité grandissante va de pair avec une filmographie bien choisie, parvient à habiter la rage de l’héroïne tout en donnant un surplus de chair à chacun de ses traits, à l’image d’un silence parfois bien plus meurtrier que ses actes. Furiosa est aussi proche d’un Max par sa fureur qu’elle s’en éloigne par une volonté de ne pas se laisser complètement envahir par le désespoir et le nihilisme qui habitent ces terres désolées. Là où Max est un fantôme cherchant une sorte de rédemption, Furiosa déborde de vie, elle incarne une forme d’espoir.
En face, Miller a l’idée géniale de confier les habits du méchant de service à un Chris Hemsworth méconnaissable. Dans un rôle à contre-emploi (sauf pour qui a vu Sale temps à l’hôtel El Royale), l’acteur flirte avec le surjeu et le cabotinage pour nous offrir un Dementus impérial, personnification ultime de ce que Wasteland peut produire de pire. Entre raison et folie, l’homme a pris la direction inverse de Furiosa, se laissant chaque jour atteindre davantage par la folie de ce monde. Miller entend presque le placer en agneau sacrificiel aux Dieux de ce nouveau monde, dont l’esprit va venir s’écraser face au mur de la réalité. Sauveur blanc, conquérant rouge, seigneur noir… il est le fou corrompu, celui qui a tout perdu, si ce n’est un ours en peluche lui rappelant qui il était. Immortan Joe est un survivant de l’Apocalypse, Dementus en est une victime.
Et si Miller entend conter ses figures centrales, il y a dans Furiosa un rappel à son formidable 3000 ans à t’attendre en plaçant son goût pour l’histoire et les légendes sur le même plan d’importance. Le film n’est pas simplement un nouveau témoignage de la folie du Westeland, il en raconte l’histoire, la mythologie. Le réalisateur utilise des procédés propres aux contes avec un découpage en chapitre ou l’utilisation d’un narrateur pour brouiller la frontière entre les faits et la fiction.
Loin de n’être qu’un outil marketing, le sous-titre « une saga Mad Max » est révélateur de l’intention de Miller ; celle de nous placer devant un chapitre d’une Histoire bien plus vaste, plus riche que Furiosa ou Max. Un chapitre moins tourné vers l’action – qui n’en manque pourtant pas -, comme pour nous signifier que ces affrontements ne sont qu’un grain de sable, qu’un rouage de la machine. Une volonté que l’on retrouve symboliser par des ellipses parfois inattendues, voire un brin frustrantes, il faut l’avouer.
Furiosa Fury Road
Mais qu’on se rassure, si Furiosa : une saga Mad Max laisse davantage d’espace à son histoire, rappelant finalement plus Mad Max 2 que Fury Road, Miller reste un formidable faiseur de grand spectacle dès qu’il appuie sur la pédale. Bien que quelques fonds verts entachent légèrement l’aspect général, on a droit à une nouvelle démonstration de bruit et de fureur par un homme devenu maître en la matière. Comme à son habitude, rien n’est gratuit et Miller s’assure que chaque séquence d’action nous écarquille la rétine autant qu’elle sert au développement de celles et ceux qui la vivent.
D’autant que Miller n’a pas envie de jouer la redite et si Dôme du Tonnerre il n’y a pas, il transporte son conflit au sein de ces énormes « bases » dont on entendait parler précédemment sans les voir. De nouveaux terrains de jeux qui permettent au réalisateur d’imaginer de nouvelles façons de tout exploser avec une caméra qui se permet davantage de folie en misant sur une action sur plusieurs niveaux. Là encore petit rappel à Mad Max 2, le cinéaste trouve, par exemple, un nouveau plaisir pas coupable à utiliser les airs comme un espace propice à de nouvelles folies.
Furiosa : une saga Mad Max ne renouvelle rien tout en se réécrivant sous nos yeux. Il fonctionne autant comme un rappel de ce que cette licence, qui appartient plus que jamais à la plume et au talent de George Miller, apporte au cinéma grand spectacle. Si des films comme Terminator 2 pouvaient redéfinir la notion de suite, celui-ci donne ses lettres de noblesse à celle de préquel. Et même si on lui reconnaît quelques longueurs – le métrage est le plus long de la franchise -, ce n’est rien comparé à ce qu’il arrive encore à accomplir. Miller a imposé son tarif : une claque par décennie.
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wow bordel on a pas vu le même film. Entre les fonds bleu aux incrustation dégueulasse, le charisme 0 des acteurs principaux, la musique récupérée de sib ainé.. Euh.. comment dire, mais qu’on aime ou pas, Fury Road est simple, limpide et surtout une leçon de mise en scène, tandis que Furiosa est plat , insipide et creux. Un gâchis !
La musique récupérée de son* ainé
Tout à fait en phase, j’ai rarement vu des effets spéciaux aussi mauvais, les déplacements des motos sont tout simplement catastrophiques. Et ce n’est qu’exemple. Autre absurdité, le fait qu’on se cogne Elsa Pataki dans deux personnages différents sans que le maquillage ne permette de ne pas s’en rendre compte. En fait, je me suis fait la remarque en sortant (au delà de me féliciter d’être resté tout le film) c’est que les meilleurs 30 secondes du film sont à la fin, quand ils reprennent les images de Fury Road.
La vraie faute c’est d’essayer de nous faire croire qu’une tête d’alien (Anya Taylor-Joy) peut en “grandissant” devenir une des plus belle femme de la planète.
Non, ça n’est pas la Furiosa de Fury Road, c’est ce que me martèle mon cerveau à chaque apparition de la chose et ça m’empêche de regarder le film, je ne pense plus qu’à ça.
Bref comment une erreur de casting peut rendre un film illisible.
pas du tout convaincu par cette Furiosa (l’actrice), il y a franchement des erreurs de casting dans ce film, dès la première apparition on ne vois QUE le faux nez de Chris Hemsworth, qu’il reste chez Marvel bon-sang!! ça m’a vraiment dérangé que les 2 personnages principaux ne colle pas du tout à l’idée qu’on se fait d’un MADMAX, fan de la première heure, j’avais eu la même impression dichotomique avec Tina Turner dans le 3.
Niveau rendu c’est un peu en dessous de Fury road, qualité plus “série” que 7ème art.
Que tu te fais d’un Mad Max….
l’interpretation de Anya et Hemsworth portent le film.
Vous avez le droit de ne pas aimer mais parler d’erreur de casting c’est juste drôle.
On es là pour donner son avis par pour un concours de kékétte pour savoir qui à raison, ne vous en déplaise, merci bisous 😉
Très déçu par le film et rassuré par rapport aux commentaires lus ci-dessus.
J’ai beaucoup aimé Mad Max 2 : de vrais décors; une ambiance apocalyptique avec des machines rutilantes, des hommes cabossés à l’esprit dérangé et déjanté.
Là je n’ai tout de suite par adhéré au jeux d’acteur de Chris H., alors qu’habituellement je l’apprécie dans ses autres rôles. Son nez est ridicule ainsi que que son accoutrement qui le desserre. Un drap en guise de cape avec un nounours dans le dos. Il manque de complexité et de crédibilité dans ce rôle de bad boy. Vraiment dommage pour un personnage aussi important dans le film.
Mis à part les premières minutes, avec une belle course poursuite, la 1ère partie est fouillis, la narration épaisse comme un carré de PQ, bref j’ai failli partir.
La 2e partie du film est plus intéressante, avec la construction du personnage de Furiosa qui devient centrale. J’ai bien aimé son jeu d’actrice.
Pour reprendre un commentaire, lu ci-dessous, remplacer une bonne partie des décors, tournés autrefois en extérieur, par des effets spéciaux, rend le film moins réaliste, moins crédible. C’est vraiment dommage. Le mal du moment.
Il n’est clairement pas à la hauteur de tout le patacaisse fait autour du film (applaudit en grande pompe au festival de Cannes …). Nous n’avons pas dû voir le même film. C’est un ersatz de Fury road.
Clairement un film pas bien compris, ce qui n’a rien d’étonnant quand les analyses d’œuvres se font maintenant en fonction de la tête de ceux qui sont aux commandes, et pas de ce que ça raconte (ni de comment).
Bien sûr, les Mad Max, leur statut précède de loin les blockbusters de références de beaucoup de commentateurs (Cameron, McTiernan, Spielberg). Lesquels sont un peu plus « propres » en comparaison, et conçus aussi comme des machines de guerre commerciales, avec une morale assez optimiste.
Rien de ça pour Max, qui n’est pas vraiment une franchise, et dont le statut est un peu plus adulte, plus rare et donc plus précieux. Tous ceux qui ont aimé les films de Miller sont passés à autre chose faute de mieux… et n’attendent rien de moins qu’une proposition radicale similaire, dans un paysage de blockbusters qui en manque.
Pas de bol, « Furiosa… » n’est pas ce genre de film. D’un certain point de vue, il peut même être considéré comme meilleur, demandant au spectateur de l’explorer plus en profondeur à chaque nouvelle vision.
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Déjà ça ne correspond à l’histoire archétypale qu’on associe généralement à un “Mad Max”, c’est à dire un solitaire errant, qui se retrouve au sein d’une communauté qu’il finira par aider malgré lui, avant de repartir seul de son côté. Un classique scénario de western, de lonesome cowboy.
Or ce genre d’histoire, George Miller n’a commencé à la raconter qu’à partir d’un deuxième film, celui qui fait référence. Avant de la décliner dans le troisième et quatrième film, à l’identique.
Tandis que le premier opus, que tout le monde a tendance à oublier (alors qu’il est assez essentiel à la Saga), décrit surtout un monde en déliquescence. Puis raconte une histoire de vengeance… et c’est vers cela que l’on revient dans “Furiosa…” Ce qui en fait un Vrai film “Mad Max”, qui a toute sa place dans la série de films.
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L’histoire fait une boucle : ça commence par une traque dans le désert par la mère. Et ça finit idem avec sa digne fille.
Miller a choisi pour incarner sa mère une interprète mannequin (comme souvent dans ses derniers films) avec un certain charisme… pas une cascadeuse. D’où la scène avec la doublure numérique.
Une mère qui est quand-même moins masculinisée que Ripley et Sarah Connor.
Mais si on se rappelle de « Mad Max 2 », là aussi il y avait des accélérations avec les personnages (l’enfant sauvage, quand il rattrape son boomerang). Doublures numériques ou non, on retrouve aussi ça avec des acteurs de « Furiosa… » dans des scènes où il n’y a pas de moments d’action dangereux.
C’est sûrement le Cinéma Muet qui a inspiré Miller, parce que ce type de mouvements rapides ou saccadés, on le trouvait dans ces films-là… on peut donc supposer qu’il s’agit d’un parti pris esthétique.
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Mais c’est aussi une fiction probable, puisque racontée du point de vue du History Man – comme pour Korg dans le tout aussi incompris « Thor : Love and Thunder » : c’est le point de vue biaisé de celui qui raconte une histoire de morts et de renaissances. Ce qui justifie encore plus le côté ouvertement factice dans la facture visuelle du film.
Et une mauvaise interprétation des effets spéciaux chez les analystes, ces dernières années : une image réaliste n’est pas une garantie automatique de qualité – le manque de force de « Dune », ou bien le vide de « Civil War », devenu une mauvaise référence en matière de dystopie.
Tandis qu’une image artificielle n’est pas forcément nulle, quand elle trouve sa justification grâce à sa narration.
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Quand à ce qui est de l’expressivité de Furiosa, tellement décriée, il s’agit quand-même d’une fille impénétrable et impitoyable, parce qu’elle semble entraînée par sa mère pour être une guerrière, vouée à la protection de leur foyer, voila pourquoi elle tente de saboter les motos avant que les tarés fouillent un peu plus loin… et qu’elle ne révèle jamais le chemin jusqu’à chez elle…
Elle est déjà formée pour être une débrouillarde et s’adapter aux situations… Elle est donc bien plus en avance qu’un Conan le Barbare – certains recherchent vainement la comparaison entre les deux.
Elle semble avoir été marquée sur la nuque dès son enfance, quand on en a fait une promise Et un tribut, créant du lien avec le gang de Dementus. Comme elle a les cheveux longs, on ne la voit évidemment pas – d’ailleurs avez-vous remarqué que sa coupe de cheveux est quasiment la même que Immortan Joe ? Scellant son destin de successeur.
Quant au faux crâne que met George Miller à Joy (c’est quand-même bien bombé), bien entendu le tournage ne se fait pas dans l’ordre chronologique, surtout quand les scènes les plus spectaculaires sont souvent réservées à la fin (en cas d’accident). Peut-être que si Miller n’a pas privilégié un crâne rasé avec une perruque dessus, c’est pour éviter qu’elle risque régulièrement de se décrocher à cause de la rudesse des cascades… et pour avoir un peu de mouvement de cheveux naturel.
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Et ça servirait à quoi d’en faire un clone de Theron, au lieu de laisser faire Joy (bien plus talentueuse que la Theron caricaturale de maintenant, il n’y a qu’à comparer leurs derniers rôles) ?.. alors qu’elle joue le personnage jeune, avec d’autres forces, pas encore expérimenté à ce point – donc qui joue correctement la partition qui correspond au personnage à ce moment de sa vie.
Anya Taylor-Joy, cette actrice que personne n’aime plus aujourd’hui, étrange non ?
Alors qu’il y a pas longtemps, « Le Jeu de la Dame » etc… Tandis que quand elle est dans une production avec un point de vue plus féminin, là c’est un échec – « Last Night in Soho » (grâce auquel Miller va l’engager), et ici.
N’est ce pas une possibilité que ce sont des réactions majoritairement masculines qui rejettent ce film, pendant que des voix plus féminines ou plus ouvertes (mais qui je se font pas du tout entendre) ont compris comment fonctionnait ce film ? – outre le fait qu’il s’agit aussi d’un récit picaresque, et pas du tout du sempiternel (et assez réac) « parcours du héros à la Joseph Campbell »…
Sans occulter le fait que ça manque quand-même de scènes bouleversantes et opératiques, pour mieux lier chaque segments les uns aux autres – en gros, c’est du « Bon. la Brute et le Truand » que ce film s’inspire, sans réussir à atteindre le même niveau du premier coup.
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Peut-être aussi que le public cible (plus sensible à ce type d’histoire) n’y est pas allé à cause de sa violence et ses grosses cylindrées, et peut-être un rejet des vieux auteurs, et Artus a aspiré plein de spectateurs avides de bienveillance légères…
C’est un Tout. Qui peut se rattraper en faisant carrière sur la longueur, façon « Fight Club ».
À comparer aussi avec le diptyque « Kill Bill » : le premier est très Action, très Geek, ne raconte rien mais le fait avec virtuosité. Le deuxième n’essaie pas de l’égaler, ça serait absurde… mais il est plus grave, et raconte vraiment quelque chose à propos de l’histoire affective contrariée de deux antagonistes.
La Thèse, et l’Antithèse.
Souvent c’est la deuxième qui est plébiscitée par le public (« L’Empire contre-attaque » par exemple)… Mais quand le premier volet est constamment trépidant, le deuxième ne peut pas rivaliser et doit explorer d’autres directions.
Tarantino avait néanmoins réussi à créer plus d’émotion dans le deuxième… mais ça, personne n’en parle jamais, comme pour « Furiosa… » : seule compte la réputation – Hélas.
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C’est un peu la même chose ici – mis à part pour le temps d’attente entre les films : le premier volet est trop évident, il attire l’attention notamment en créant une identité iconique redoutable…
Même si faussement original : le Tarantino sample génialement un max de références, dont un look de Bruce Lee pour les connaisseurs. Mais aussi pour ceux qui… n’ont pas vu beaucoup de films de Bruce Lee (soit ils vont se mettre à les voir, ainsi que Sony Chiba, le Frelon Vert etc, soit ils ne se contenteront que des ce film).
Et l’écrasante majorité des fans de « …Fury Road » n’a pas vu « Le Mécano de la Générale », ni aucun films muets, influence principale de George Miller… Donc pour eux, ce film fait référence aux « Mad Max » précédents, et surtout aux jeux vidéos de courses de voitures, de Mario Kart à GTA.
Pourtant c’est dans les films suivants que les auteurs ont vraiment plus de trucs à dire : dans « Kill Bill », La Mariée y retrouve un vrai nom, une identité, sa fille… et on comprend qu’on est en fait dans une histoire d’amour tordue entre deux super-vilains (le monologue de Bill sur Clark Kent, typiquement un point de vue de méchants).
Et pour Miller, ça sera l’histoire d’une enfant perdue qui refuse d’avoir un père de substitution… pourtant, c’est bien ce qu’est Dementus pour elle. Mais comme ça se passe à rebours, il manque un détail particulier, capital pour lier les deux films : Chris Hemsworth aurait dû intégrer des traits de caractère de Charlize Theron à son jeu, pour signifier l’influence implicite qu’il devrait avoir sur Furiosa.
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Au final le parcours de cette anti-héroïne ne va pas dans une direction fixe, puis demi tour complet – ça, ça sera son acte ultime, dans “…Fury Road”.
Pour l’instant elle est donc coincée dans une boucle, comme tous ceux vivants sous le joug des divers chefs barbares. Elle va accumuler les victoires trop brèves, et les échecs (idem pour sa mère, au début), ce qui nous donne un récit reposant beaucoup sur la frustration, les actes manqués, et ça ce n’est pas du tout appréciable pour le spectateur lambda – vous n’avez qu’à comparer avec les films Pixar de ses 5 dernières années, et ainsi vous comprendrez ainsi pourquoi ils sont moins populaires.
Et plutôt que de sortir de la boucle en se déportant vers l’extérieur, pour enfin retrouver son monde natal, Furiosa va s’enfoncer plutôt vers l’intérieur… ça devient donc une spirale, qui la rapproche de plus en plus de l’objet de sa vengeance – Dementus, dont le nom/pseudo est associé aussi bien à la Démence qu’au Démenti (c’est un manipulateur).
Et ça la rapproche aussi de Immortan Joe. Donc de la place de Grand Chef.
Conclusion : pour être libre, soit on sort du cercle vicieux, soit on en devient le centre (ce qui arrivera donc à la fin de “…Fury Road”).
Neuf (mille) ans à attendre, et la furie osa à nouveau surgir…
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Une Saga auto-régénératrice, sans épisodes planifiés à l’avance (des rôles ou acteurs peuvent y être interchangeables).
Et racontant exactement la même chose à chaque nouvel opus, via un narrateur plus ou moins caché – le monde court à sa destruction, ne restent plus que la survie du plus fort, des bribes de civilisations primitives séparées par routes et déserts à foison (en Australie en tout cas, ailleurs on ne sait pas trop)…
Un héros principal, qui n’en est pas vraiment un. Pas seulement parce que c’est un antihéros, maso, solitaire et sans but, mutique sauf nécessité : au bout d’un moment, il se fait un tantinet voler la vedette et gruger par absolument Tout le monde… au point que le titre de cette Saga devrait moins évoquer cet individu, et plus l’idée d’une “Folie Maximale”.
Et heureusement que ce personnage est joué par Mel Gibson, avec son charisme animal et d’intenses yeux clairs…
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Les fameux contes philosophiques de tonton George Miller (comme dans tous ses films), ici en forme de Westerns Leoniens mécaniques, remuants, violents, crades… et éminemment grotesques avec leurs hordes barbares dégénérées, qui ont toutefois de grandes velléités artistiques dans la fabrication de leurs apparences, leurs engins, leurs villes.
Plusieurs fois imité, jamais égalé, comme si ça avait été privatisé par son auteur, pourtant pas le premier créateur de films post-apocalyptiques.
Du superbe cinéma d’exploitation, au début. Puis, rançon du succès, se réinventant en blockbuster peplumique, plus Tout Public, à la conception pénible (le troisième garde quand-même son charme, même si ce sont les années 80).
Et depuis 2015, blockbuster pour festivals en quête régulière d’exploits radicaux, qu’ils soient poussifs ou non, en compétition ou non… et qui peuvent plaire aussi bien à des gens ouverts qu’à des sympathisants d’extrême-droite, mine de rien (beaucoup de trucs vikings, peu de diversité, passion pour la brutalité).
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C’est ainsi que “Mad Max: Fury Road” (présumé reboot) a secoué à jamais le Cinéma des années 2000, réussissant presque tout ce que Miller avait envisagé : refaire du Buster Keaton et “Le Mécano de la Générale” en version Rock Électro… Il aurait fallu plus de couleurs ocres, à la place de cet orange vif (pas moche tout de même). Et moins de facilités scénaristiques (ne jamais se réjouir d’avoir échappé à la mort trop vite), moins de dialogues didactiques… mais ça reste une expérience cinétique absolue, aussi galvanisante que épuisante (mais c’est de la bonne fatigue).
Également point d’orgue de deux acteurs en état de grâce, Tom Hardy (malgré le fait qu’il soit juste là pour donner à Max un corps intemporel) et Charlize Theron… avant que leur carrière devienne un gros portnawak.
Impossible à surpasser. Inutile de le dupliquer. D’ailleurs mettre en images et mouvements l’origin story du personnage de Furiosa, on pouvait s’en passer puisqu’on comprenait facilement d’où elle pouvait venir, ce qu’elle a vécu… et laisser dans l’ombre certains détails, cela crée aussi du Mythe.
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Pour raconter une autre histoire mythique, il faut accepter de ne pas trop faire bégayer la Forme, et essayer d’ajouter quelque chose au Fond… puisque de toute manière, on connaît déjà la finalité de cette histoire.
Donc ne pas confondre, ne pas continuer à réclamer Mel Gibson (il est depuis longtemps passé à autre chose) et surtout ne pas espérer ce qui n’a pas lieu d’être : “Furiosa : Une saga Mad Max” n’est pas un “…Fury Road” bis – on ne le répétera jamais assez : vous n’êtes obligés à rien, et vous pouvez voir et revoir les versions originelles à l’infini.
Ici on a un film qui Mène à “…Fury Road “, nuance. Alors s’ils étaient similaires, ça annulerait le quatrième film puisque Furiosa aurait ainsi déjà accompli les mêmes exploits cruciaux, avant que son heure soit arrivée.
Les réactions de rejets d’une bonne partie des spectateurs devant ce (très) long-métrage seront plus naturelles que les réponses enthousiastes forcées de la Critique – parce que George Miller, parce que le Culte etc etc.
Car ce qui apparaît ici comme des défauts, ce sont simplement des parti pris, des choix narratifs qui soutiennent le film sans se soumettre à des normes dites “acceptables”.
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Opus aussi réactionnaire que ses protagonistes, ici envers le volet précédent :
L’un était condensé, précipité, faisait l’aller-retour et ne racontait rien à part l’instinct de survie humain.
Le nouveau est délayé, chapitré, fait littéralement tourner les personnages en rond (comme le lieu-dit “le Moulin à balles”), enfermés dans leurs quêtes de Liberté, ou de Pouvoir ou de Vengeance… mais n’est-ce pas justement la même chose ?
Voilà maintenant que George Miller se paye le luxe de vouloir étendre un récit sur un canevas au long cours (en guise de testament ? comme “Avatar”, son cousin bien propret ?). Et développer encore plus son univers, ses environnements, ses personnages principaux, les déployer au delà des confortables archétypes, créer un semblant de continuité qui était presque absente des anciens films – qui étaient des sortes de variations d’une même histoire.
Tout ça dans un contexte où les spectateurs ont oublié que les œuvres les plus ambitieuses ou les plus expérimentales portent quoi qu’il arrive des messages, qu’ils soient mis en avant ou non. Tant pis s’il y en a qui croient que la condition des femmes et l’écologie, ça passe pour un discours de donneurs de leçons.
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Alors Furiosa devient centrale à l’intrigue, et c’est maintenant la déesse geek Anya Taylor-Joy qui joue l’anti-héroïne maso, animale, solitaire (mais avec encore un but), mutique mais toujours expressive… et se faisant voler un tantinet la vedette par tout le monde (l’actrice n’apparaît qu’au bout d’une heure, sauf qu’en fait elle était déjà là, par la grâce des effets spéciaux)…
Une captive… aux yeux clairs – certes ce sont des lentilles. Certes il y a beaucoup d’artifices visibles, certes c’est souvent maladroit (les génériques de début et de fin), certes on se demande si c’est une bonne idée de développer le méchant principal d’un Mad Max puisque ce dont fondamentalement tous des cabotins, aussi bavards que bravaches. Et Chris Hemsworth s’y connait là dedans, c’est même là qu’il est le plus savoureux comme acteur, le moins “plat” en tout cas.
Tout a l’air d’une grande évidence, en phase avec ce projet : ces films ont toujours été brinquebalants, les coutures toujours à l’air, quel que soit le budget… c’est juste que comme ça allait vite, on le remarquait moins – à part le trop décrié “Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre”, qui précède normalement “Furiosa…” dans la chronologie générale (on y retrouve d’ailleurs un sifflet familier).
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Là on a un volet qui prend son temps, l’étirant ou le réduisant à volonté…
Qui ne se cache pas derrière la musique tonitruante et zimmerienne de Tom “Drogué extra-large” Holkenborg (et ça fait du bien)…
Qui joue ouvertement avec les accélérations de doublures numériques comme avec celle des véhicules (encore un legs des films muets d’antan)…
Qui multiplie encore les acteurs, corps au service du baroque – double Furiosa, double Lachy Hulme, double Elsa Pataky…
Qui met des prothèses partout, ce faux nez de Dementus (à la Anthony Quinn dans “Lawrence d’Arabie”) donnant l’impression de faire parti de la panoplie créée par ce vilain, flamboyant chef d’une armée de bikers, mais en vérité homme pathétique qui a vu la vérité de trop près.
Comme chez Fellini, ou comme la chute de Ronny Cox à la fin de “Robocop”, on devrait s’en ficher que ça ait l’air factice et bizarroïde, par manque de moyens ou de temps pour tout lisser. Ce qui compte ici, c’est ce qui se passe à l’écran, c’est la poésie (sauvage) qui en émerge, c’est le rythme…
C’est si ça compense en allant au bout de ce que ça raconte, sans être bête non plus. Et sur ce dernier point, on peut affirmer que le film ne tient pas toutes ses promesses.
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Car s’il y a un défaut très rédhibitoire là dedans, c’est dans la façon dont Miller créé les instants de bascule du récit, ceux qui sont les plus importants pour l’évolution de Furiosa.
Puisque ça n’est plus seulement un film d’action (de très bonne facture, bien que les gros tournages actuels pâtissent tous de lourdeurs industrielles)… il s’agit maintenant d’un récit d’aventures picaresque, où les évolutions du récit se font en fonction de rebondissements imprévus, ou des choix arbitraires qu’ont décidé ensemble faire les personnages. Pas beaucoup de monde connait ça, le cinéma commercial n’est pas très familier de l’Absurde.
Mais pour que ça marche, il faut déjà un fil rouge, des protagonistes qui puissent être attachants… et ça paraît compliqué dans un univers rempli de salauds, avec très peu de vertueux.
Dans “Trois mille ans à t’attendre”, on avait deux êtres en quête d’amour. Et ici on avait de quoi détailler une relation parentale de substitution (père/fille), tordue mais sincère, à sa manière… Et Miller loupe malheureusement le coche, ne retenant qu’une réflexion sur la transmission de la haine.
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On voit aussi apparaître des personnages véritablement héroïques, comme la mère de Furiosa (Charlee Fraser, aux faux airs de Camille Lou), ou Jack (Tom Burke ferait un bon Wolverine), mais ils ont plutôt l’air utilitaires dans le scénario.
Il y aussi un peu trop d’incohérences dans le fonctionnement de cet univers, et Miller semble lui-même s’enfermer dans la logiquement commerciale des suites et prequels, où il “faut” pouvoir relier les épisodes les uns aux autres (le bras de Furiosa, le caméo de…). Et où l’auteur se fait plaisir en misant sur la surenchère, appuyant certains dialogues, chargeant son scénario d’idées pouvant alimenter un tas de spin-offs – pendant qu’on y est, et si on racontait un jour l’histoire de Dementus ? Ou la Guerre des 40 Jours ? Et si en fait Toecutter/le Chirurgien avait survécu et s’était réinventé en Immortan Joe ?
Quant aux diverses morts cruciales, elles sont inexplicablement laissées hors-champ… et ainsi l’émotion n’arrive pas à émerger pleinement dans ce film, pas même l’épuisement à force de cavaler.
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Encore une fois, ça fait partie du projet, de l’idée de prendre à revers tout ce à quoi ont est habitué :
Les instants spectaculaires y sont généralement très bons, que ce soit une traque à motos, une attaque de camion customisé à mort, des raids sur des forteresses. Et Miller choisit de les déplacer dans les marges de l’histoire, et pas toujours au moment des climax…
Peut-être parce que c’est un récit avec une sensibilité plus féminine. Ça peut se vérifier en le comparant avec d’autres gros films d’action mettant en scène des femmes, qui ont souvent été qualifiés de nuls. Alors qu’ils ne font que raconter la même chose que lorsqu’il s’agit d’hommes… c’est juste fait en prenant un autre point de vue. Ce qui est un sacré exploit pour un réalisateur homme de presque 80 ans.
Film plus exigeant, moins immédiat, moins facile… Mais ne trichant jamais quand il s’agit de relater la folie éternelle des humains.
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It’s a Mad Mad Mad Max World.