Critique Dune : deuxième partie – en vers et contre tous ? 🪱

Denis Villeneuve nous l’avait promis, son Dune : deuxième partie allait être d’une ampleur sans commune mesure avec son premier chapitre. Et l’homme aime tenir ses promesses. Dune premier du nom pouvait s’apparenter à une introduction à son univers, à sa mythologie et à ses personnages, ne laissant d’ailleurs à ces derniers qu’un petit espace pour exister au sein d’un monde plus grand qu’eux. Tout ceci créant une frustration qu’on pouvait facilement comprendre. Ce second volet part presque dans une direction inverse pour nous livrer un spectacle plus imposant, plus profond, épousant l’oeuvre d’Herbert tout en restant cliniquement un enfant de son réalisateur.

Parce que malgré sa pluie de stars, s’il y a bien un nom à retenir de tout ça, c’est celui de Denis Villeneuve. Le cinéaste s’impose au-dessus de son casting, au-dessus du père original de Dune, s’emparant de chaque parcelle de sable pour y insérer sa vision.

La vision, la même qui dirige le metteur en scène et celle de ses personnages. Désormais membre des Fremen, Paul est assailli de visions prophétiques où son statut de libérateur va de pair avec celui de destructeur. Il se sait faux Messie, celui qui n’amènera pas la paix, qui apportera la guerre. Chani le sait aussi. Mais que peut l’amour face à un destin irrémédiable ?

On comprend facilement pourquoi certains comparent cette version de Dune avec la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Les deux ont en commun ce sens de l’appropriation, du respect du matériau, de l’épique, de nous emmener vers des territoires d’une ampleur inédite. Cette deuxième partie a un sens de la démesure à chaque échelle de son récit.

Le casting prend de l’ampleur, les personnages de l’épaisseur, et chacun joue sa partition avec la conviction des grands. Timothée Chalamet et Zendaya ont accompli leur mue et n’ont plus rien de stars en devenir. Austin Butler, maquillé, transformé, livre une prestation glaçante, volant l’attention dès qu’il apparaît à l’écran. Rebecca Ferguson, magnétique, continue de survoler ses camarades. Florence Pugh se rappelle à nous à chaque regard. On peut encore continuer longtemps la liste tant tous se mettent au service d’une œuvre qui existait avant eux et qu’ils leur survivra longtemps après, mais qu’ils auront sans conteste marqué de leur empreinte, peu importe la durée de leur présence.

Plutôt deux fois Dune

Nous le disions, le seul qui ne s’abandonne pas entièrement à Dune, c’est bien Villeneuve lui-même. Il préfère de loin s’en emparer en n’ayant jamais peur de laisser de côté ceux qui n’en auraient que faire. Si vous n’avez pas aimé le premier film, vous trouverez difficilement votre compte ici. Vous penserez peut-être le temps long, le film n’hésitant pas à s’arrêter pour admirer les dunes de sable infini d’Arrakis, prélude poétique au désastre cataclysmique.

Quant aux amateurs, ils trouveront dans Dune : deuxième partie toute la matière à maintenir le vertige. Chaque scène fonctionne comme une mise en bouche pour celle qui suit, le tout débouchant sur un climax qui excite tous les sens où le gigantisme se mesure autant en taille qu’en mètre qu’en pouvoir. La grandeur écrasante est écrasée.

Dune : deuxième partie transpire la beauté plastique, esthétique d’un Villeneuve maîtrisant son imagerie pour iconiser chaque moment de son œuvre. Dans les choix colorimétriques, des décors, rien n’est laissé au hasard et la caméra raconte constamment une histoire. Qu’on se trouve dans une caverne ou dans une arène de gladiateurs, la mise en scène joue sur l’échelle pour cloisonner ses personnages au sein de traditions plus anciennes qu’eux, avant que ces derniers s’en emparent, le lieu devenant à son tour victime de leur grandeur.

Dune : deuxième partie change son regard pour moins se porter sur un monde que sur ceux qui le font. On est baigné dans une atmosphère plus intime, plus introspective, plus sensible. Et si on continue d’explorer la culture Fremen ou même Harkonnen, l’approche est constamment humaine, comme si tout pouvait se voir à hauteur d’homme alors que, paradoxalement, chaque événement semble leur échapper.

Cette notion de dimension se retrouve dans le sens profond des thèmes abordés par Dune. Le long-métrage ne délaisse pas la politique et la religion au profit du grand spectacle, questionnant tout du long le fanatisme et l’ambition ; deux traits condamnés à ne faire que des victimes, que ce soit ceux qui les subissent ou ceux qui l’exercent. Comme le profère si bien la Révérende Mère Mohiam (Charlotte Rampling), « il n’y a pas de camps ».

Car, avant d’être un blockbuster, Dune : deuxième partie est avant tout un thriller où chacun manipule et chute, ou même les victoires possèdent un revers de la médaille. Si Star Wars peut-être vue comme une saga de science-fiction où l’univers s’efface face au poids de ses héros, Dune en est l’inverse, l’épice n’ayant aucun rival dans un monde où quiconque se leurre d’être le héros de sa propre histoire.

Denis Villeneuve avait déjà prouvé avec Blade Runner 2049 qu’il pouvait s’emparer de l’histoire de quelqu’un d’autre, s’en nourrir et se l’approprier. Il avait déjà prouvé avec Premier contact qu’il savait faire de la science-fiction sans avoir besoin d’aller parcourir les étoiles. Aujourd’hui, il semble détenir son magnum opus dont on ne saisira la portée réelle que lorsqu’il l’aura achevé. Dune : deuxième partie n’est qu’un nouveau chapitre, une nouvelle pierre à l’édifice, et il suffit d’observer les plans finaux pour frémir déjà à l’idée de ce qu’il nous prépare pour le prochain. Le plat s’annonce délicieusement épicé.

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