Passer au contenu

Critique Dumb Money : la revanche du geek ? 💸

Comme elle sait si bien le faire, Hollywood s’attaque à une affaire qui a tenu les bourses américaines pendant le confinement lorsque monsieur Toutlemonde décida de se rebeller contre certaines pratiques de Wall Street. Dumb Money, peut-être, mais loin d’être idiot.

Depuis le succès de films comme The Social Network ou encore Le Stratège, les studios se passionnent pour les histoires vraies de ces outsiders qui ont fait bouger les lignes établies par les puissants au point de devenir presque un genre à part entière, le « David contre Goliath ». Évidemment, le faible contre le fort n’a pas attendu les années 2000 pour émerger (Rocky, si tu nous entends), mais il a connu un véritable essor depuis et les longs-métrages se sont multipliés. Alors quand, en plus, on s’attaque à un milieu représenté dans la culture populaire comme un monde de requins où tout est permis pour écraser les autres grâce à des œuvres comme Wall Street ou le Loup de Wall Street, on peut presque parler d’argent facile pour Dumb Money.

Dm5
© metrofilms

La définition de Dumb Money est, en soi, déjà du pain bénie pour qui voudrait lancer la première pierre au géant. La Dumb Money est un qualificatif utilisé en bourse pour désigner l’argent investi par les particuliers, en opposition avec la Smart Money, investie par des spécialistes de la finance. En français dans le texte, on peut dire que pour les experts du milieu, si vous vous lancez dans l’achat ou la vente d’actions sans être de ce même milieu, votre argent ne vaut rien, il est idiot. De quoi donner une furieuse envie de mettre un coup de pied dans la fourmilière non ? Et c’est ce qui est arrivé alors que l’épidémie de Covid frappait le monde entier avec l’affaire GameStop.

Dm2
© metrofilms

Qu’est-ce que l’affaire GameStop ? Il faut savoir que si, dans la croyance populaire, un fond d’investissement fait sa fortune en misant sur la valeur grimpante de certaines actions, l’inverse est également possible. Des fonds peuvent s’enrichir en pariant sur la chute d’une action et ce fut le cas de GameStop, chaîne iconique de vente de jeux vidéo aux États-Unis qui traversait alors une crise menaçant de la faire disparaître selon les experts. Sauf pour Keith Gill, un analyste financier mineur travaillant au fin fond de sa banlieue qui croyait dur comme fer au potentiel de ces actions et qui est parvenu, grâce à ses vidéos sur internet, à convaincre des millions de particuliers d’investir, comme lui, dans GameStop. Chacun pouvait alors gagner beaucoup s’ils se montraient solidaires face à des jeunes loups de Wall Street qui n’avaient aucune envie de perdre gros face à cet afflux de « Dumb Money ».

Dm4
© metrofilms

Le mouvement de rébellion a fait la Une plusieurs mois durant aux États-Unis et si cette histoire n’a pas eu le même écho en France, l’arrivée du film de Graig Gillespie (Moi, Tonya) permet de remettre en lumière cette revanche du geek (insérez ici le mème de DiCaprio dans Once Upon a Time in Hollywood).

Robin des bourses

The Big Short peut en témoigner, il est parfois difficile d’intéresser un public de non-initiés à un domaine aussi hermétique que les flux financiers avec ses termes spécifiques et son nombre de personnes impliqués. Un milieu de connaisseurs qui n’hésite pas à laisser les autres à la porte. Pour transposer ça au sein d’un film grand public, il faut donc faire un effort de vulgarisation tout en maintenant l’attention du spectateur sans l’étouffer sous une montagne de chiffres et de statistiques.

Dm1
© metrofilms

Se basant sur l’ouvrage The Antisocial Network, le scénario signé Lauren Schuker Blum et Rebecca Angelo parvient immédiatement à nous captiver en jouant sur les termes de son titre. Avec une bonne grosse dose d’humour noir, Dumb Money s’amuse autant des puissants en les dépeignant comme des gamins pourris gâtés qu’il s’amuse avec les « petits gens » dépassés par les événements. Une volonté de rire avec associée à celle de rire contre qui permet au film de s’inscrire dans un registre comique et plein de bons sentiments.

Dm3
© metrofilms

Dumb Money s’empêche alors de sombrer dans la lourdeur de son sujet pour davantage porter un regard bienveillant sur cette révolution qui va prendre conscience d’en être une au fil des mois. On est moins au cœur des chiffres de Wall Street qu’au sein d’un élan de solidarité née et alimenté à distance. Cerise sur le gâteau, les images d’archives et les véritables mèmes qui ont pullulé, notamment sur les pages de Reddit, viennent renforcer cette sensation d’appartenance à cette masse.

Dm8
© metrofilms

Le film de Gillespie peut s’appuyer sur un casting imposant pour donner corps à cette réalité presque absurde où chacun s’amuse à correspondre à son personnage jusque dans la caricature. En tête de fil, Paul Dano est impeccable en underdog, cette figure du perdant sur le papier dont la détermination va provoquer l’espoir, à la fois révolté mais humble, sérieux mais sujet aux moqueries avec sa dégaine et son amour des chats. Il y a quelque chose de touchant et de drôle dans son regard. Une figure de proue aux allures de clown face à des clowns aux allures d’hommes d’affaires. Sa complicité avec sa femme (Shailene Woodley) et sa relation conflictuelle avec son frère (Pete Davidson) finissent par en faire un anti-héros attachant.

Dm7
© metrofilms

La suite du casting n’est pas en reste et c’est surtout chez ses nouveaux loups de la bourse qu’on retrouve les figures les plus connues. Seth Rogen, Nick Offerman, Vincent D’Onofrio et Sebastian Stan se régalent à forcer les traits de leurs personnages afin d’en faire moins des êtres détestables que des sujets de moqueries malgré eux, comme s’ils se voulaient maîtres du monde, mais que leur monde était une idiocracy. Une imagerie ridicule renforcée par le sérieux de leur entourage, bien conscient, lui, de l’absurdité de ces gens habitués à évoluer en vase clos et qui se retrouvent soudain face à la réalité du reste de la population.

Dm6
© metrofilms

Et si Dumb Money aurait pu se noyer sous ce trop-plein de personnages, c’est justement cette chorale qui lui permet de sortir la tête de l’eau en s’appuyant sur chaque histoire personnelle pour donner du rythme et de l’attention. On passe ainsi facilement d’une situation à l’autre, d’un cas à un autre, tous liés par le même fil rouge afin que jamais le film nous paraisse long malgré une histoire qui, finalement, ne parviendrait pas à tenir la distance sur ce seul coup d’éclat. Au final, le film est à l’image de la Dumb Money : il puise sa force dans son nombre.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Notre avis

On ne peut pas dire que Dumb Money restera dans les mémoires, car il n'a peut-être pas la matière, le talent ou la puissance de ses prédécesseurs, tout en se cantonnant à une affaire sûrement trop américaine pour nous, mais il n'en reste pas moins le solide exemple d'un David contre Goliath conçu avec beaucoup d'amour et d'humour. On passe un bon moment et parfois, on ne demande pas mieux.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 7 / 10
1 commentaire
  1. Très bon film, c’est dommage qu’il n’aient pas aussi parlé :
    – des interviews des magnats de Wall Street qui se plaignaient en disant que les petits n’avaient pas le droit de jouer avec le cours des actions comme ils le faisaient… car y avait que Wall Street qui en avait le droit.
    – les possibles problèmes auxquels auraient peu être confrontés Gill, car comme il avait beaucoup d’actions et partageait ses décisions avec tout le monde, s’il vendait ses actions quand le prix était haut, tout le monde l’aurait suivi, l’action se serait écroulé, et il avait été menacé de poursuites pour manipulation du marché (la même menace qui a poussé Musk a acheté Twitter après avoir annoncé comme une blague qu’il pourrait l’acheter)

    Poporn avait fait un très bon résumé de cette histoire, vous devriez le retrouver sur Youtube.

Les commentaires sont fermés.

Mode