Avec Dexter, tout avait si bien débuté. En 2006, Michael C. Hall, qui avait brillé dans Six Feet Under, ne savait pas encore qu’il allait incarner un personnage futur icône du petit écran. Presque vingt ans plus tard, lorsqu’on entend le prénom de Dexter, on pense davantage à un tueur en série attachant qu’à un jeune garçon dans son laboratoire. Cette série pilotée par le showrunner James Manos Jr. a définitivement marqué sa génération.
Pourtant, on ne peut pas dire que Dexter nous aura rendu tout l’amour que l’on avait pour lui. La série principale n’aura eu de cesse de sombrer qualitativement parlant à partir de sa cinquième saison jusqu’à se terminer dans un final que la majorité d’entre nous juge complètement ratée. Que cela ne tienne, notre cher sociopathe, voulant se faire pardonner, revenait dans une mini-série revival, New Blood, en 2021, toujours avec C.Hall, mais cette fois sous la coupe de Clyde Phillips. Sauf que là encore, c’est la douche froide et le personnage ne parvient toujours pas à nous offrir des adieux corrects. Au point où on finit par préférer se souvenir de Dexter, que de le revoir une énième fois. Alors autant dire que lorsque Showtime a annoncé mettre en projet deux nouvelles séries, une qui ferait suite à New Blood et l’autre sous forme de préquel au show original, on soufflait fort en craignant ENCORE deux nouveaux désastres.
Et si on ne saurait juger de la suite de New Blood qui n’a pas encore été pondue, on peut néanmoins désormais nous faire un avis sur Dexter : Les Origines dont la saison arrive sur Canal+ après des débuts remarqués sur Showtime et Paramount+ US en décembre dernier – la série ayant réalisé l’une des meilleures audiences de l’histoire des deux services. Avec six épisodes mis à disposition sur les dix que comportera la saison, cela a pu nous rassurer – ou non – sur la direction prise par ce préquel.
Dexter, préquel ou remake ?
Dexter : Les Origines se déroule au début des années 90, lorsque le jeune D. Morgan, tout juste diplômé de médecine, intègre la Miami Metro PD en tant que stagiaire. Une époque qui va nous permettre d’explorer les débuts de tueur en série du jeune homme alors qu’il n’a pas encore eu l’occasion d’appliquer le code mis en place avec son père. Harry Morgan, lui, doit jongler entre sa vie de flic, les pulsions meurtrières de son fils et une fille qui se sent de plus en plus mise de côté.
Dès le générique réutilisant les notes et l’imagerie de son aîné, on comprend que la série veut faire amende honorable. Cette fois, on n’est pas perdu au milieu de l’Alaska, pas de bouleversement majeur, on est sur de la nostalgie pure et dure. On retrouve le soleil de Miami, les bureaux du commissariat, la maison des Morgan, Dex et Deb qui se considèrent (heureusement pour nous) toujours comme frères et sœurs. Bref, Les Origines entend renouer à la lettre avec l’esprit de son modèle à ses débuts.
Si vous nous lisez souvent, vous savez qu’il peut nous arriver de critiquer tout autant une production s’affranchissant un peu trop de son inspiration première (Paris Has Fallen par exemple), que de son extrême opposé qui ne proposerait rien de neuf. La réussite se trouvant, à nos yeux, dans le difficile équilibre entre la fidélité et la nouveauté. Tout ça pour dire que nos deux premières heures en compagnie de ce préquel ne nous promettaient pas la lune, tant on ne parvenait pas à saisir la plus-value de cette série, autre que de surfer sur une licence toujours extrêmement populaire malgré les échecs narratifs.
Simplement car Les Origines se présente comme une resucée de Dexter tout en répondant à toutes les questions qu’on ne se posait pas sur le passé du personnage. Sa relation avec Harry ou Deb ? Explorée en long, en large et en flashbacks pendant huit saisons. Ses premiers meurtres ? Pareil. Sa première rencontre avec Batista, Masuka, LaGuerta et les autres ? Pas certain de la nécessité… Avec cette approche sous forme de mise en image d’événements déjà racontés, Les Origines nous donne surtout envie de relancer le visionnage de l’original. D’autant que la narration assurée par Michael C.Hall en personne n’aide pas à nous détacher du bonhomme pour apprécier son successeur dans le rôle.
Le style visuel, l’humour noir, les clins d’œil… on sent que cette série ne veut plus prendre de risques, à tort ou à raison, et préfère marcher sur les chemins balisés qui ont fait le succès de son modèle. Une facilité qui se transforme en contrainte plus d’une fois pour le casting, obligé de coller aux mimiques de leurs homologues. Il n’y a rien de plus agaçant et désespérant que de voir Patrick Gibson ne pas jouer Dexter Morgan, mais jouer Michael C.Hall jouant Dexter Morgan. Même son de cloche pour Molly Brown en Debra Morgan ou tous les protagonistes secondaires ayant une version antérieure.
L’appétit vient en tuant
Cependant, cette approche un peu trop fidèle pour son propre bien finit par nous convaincre d’épisode en épisode. Déjà, parce qu’il faut reconnaître que cette fidélité appuyée est bien faite. Cela a beau être un peu trop ostentatoire, cela n’en reste pas moins très efficace pour nous replonger dans ce qui faisait le succès de Dexter. Et puis, simplement en parvenant, petit à petit, à prendre les espaces laissés par la série principale pour tracer sa propre voie. Certes, hors de question de sortir des clous, mais les scénaristes – dont un qui a participé à Dexter – parviennent à faire exister leur univers au-delà du simple hommage, permettant alors à chacun de s’exprimer davantage. Si Gibson peut déployer sa propre interprétation de Dexter dans ces « trous », le grand gagnant reste Christian Slater qui semble réécrire totalement Harry Morgan pour se l’approprier sans le dénaturer. Par moments, on se dit même que la série aurait gagné à faire de lui la star du show avec l’avènement de son fils adoptif en toile de fond.

Et puisqu’on parle du casting, la perche est tendue pour parler d’une certaine personne. Comme le dit si bien le générique : « Avec la participation spéciale de Sarah Michelle Gellar ». Il n’est pas compliqué de comprendre pourquoi l’ancienne star de Buffy contre les Vampires n’apparaît pas sur la même ligne de générique que ses camarades. Alors que son nom est l’une des raisons qui nous ont poussé à franchir à nouveau les portes du Miami Metro PD, celle-ci ne dépasse jamais les deux minutes d’écran pour autant de dialogues par épisode. Et ce, malgré une position centrale dans la nouvelle carrière du jeune Dexter Morgan en tant que responsable de la police scientifique. On ne sait pas quel sort lui réserve la suite de cette première saison, et on espère encore secrètement que cette présence minimum soit volontairement causée par un ultime rebondissement, mais en l’état, SMG aurait pu tourner toutes ses scènes de la saison en une journée. Que de talent gâché.
Un cas notable par rapport à l’attente autour de Sarah Michelle Gellar, qui touche en réalité la quasi-totalité du casting secondaire à des degrés variés et qui est symptomatique d’une série obnubilée par l’idée de faire cohabiter le neuf avec le vieux. Les Origines doit (ou veut) composer avec les versions rajeunies des personnages du show initial tout en intégrant pléthore de nouveaux protagonistes. Bilan des courses, une galerie de seconds couteaux trop chargée où aucun n’a la place d’exister. La série pense avoir trouvé la parade en parvenant à offrir à chacun un passage préférentiel avec notre serial killer en herbe tout au long de la saison, histoire d’en apprendre davantage sur eux. Sauf qu’on assiste davantage au jeu des chaises musicales et chaque gagnant disparaît ensuite de la scène pour laisser sa place au suivant. Ultime preuve d’une série qui se cherche encore un peu ?

S’il nous semblait important de revenir sur autant de petits détails, c’est parce que ce Dexter : Les Origines semble, pour ses débuts, partir sur le bon chemin à suivre que nous citions plus haut : un numéro d’équilibriste entre le scénario trop référencée et l’originalité. Ce qui est une très bonne chose en soit et c’est ce qui nous a permis d’avaler ces six premiers épisodes et d’avoir encore assez faim pour la suite. Oui, on a le sentiment d’assister à du Dexter à l’ancienne avec ses bons et ses mauvais côtés et oui, il y a du sang suffisamment neuf — cette fois — pour pouvoir réussir avec ses propres armes. Mais attention, l’équilibre est fragile et menace de s’écrouler à tout moment si le dosage n’est plus respecté.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.