On en a encore eu la preuve ces dernières semaines avec des séries comme Citadel : Diana ou Like A Dragon : Yakuza, sur Prime Video, on aime bien les shows tendus à base de personnages taciturnes, abîmés, qui subissent les rebondissements – souvent des trahisons – comme on fait nos courses. Espions, héros de jeu vidéo, ancien militaire, flic… le thriller policier prend de nombreux embranchements, mais le tronc reste commun. Et dans un genre extrêmement concurrentiel, notamment au sein du propre catalogue de la plate-forme de streaming, voilà que Cross débarque.
Découvrir Cross sur Prime Video
Alex Cross est un personnage issu de la plume de James Patterson qui a eu droit à près d’une trentaine de romans et trois adaptations au cinéma : Le Collectionneur et Le Masque de l’araignée, alors incarné par Morgan Freeman, et Alex Cross en 2012 avec Tyler Perry. Douze ans après, il était donc grand temps de ressusciter le bonhomme pour sa première sous format série.
Alex Cross (Aldis Hoge, le Hawkman de Black Adam), un inspecteur de la criminelle de Washington et psychologue judiciaire décoré, doit faire face à un tueur en série sadique qui laisse une série de corps éparpillés dans la ville. Alors qu’Alex et son partenaire, John Sampson (Isaiah Mustafa), traquent ce tueur, une mystérieuse menace issue du passé d’Alex revient pour détruire tout ce qu’il a fait pour préserver sa famille en deuil, sa carrière et sa vie.
Sur le papier, le portage est facile. Les histoires existent, Cross a une notoriété bien établie depuis des années et les séries du genre ont prouvé l’engouement du public. La prise de risque semble minime pour Prime Video. Néanmoins, on aurait tendance à prendre l’idée avec des pincettes. À l’image de l’adaptation de Cruel Intentions autour de l’adolescence cruelle qui débarque ce mois-ci sur le service de streaming, le nombre de shows jouant dans la même catégorie que Cross ne se compte plus et la possibilité de marquer sa différence se réduit à chaque nouvelle production du style. Pour un Reacher plaisant par son aspect régressif, combien de séries policières aussitôt vues aussitôt oubliées ? L’embouteillage n’est pas loin et on ne peut rajouter du sel sur la plaie en précisant que les films cités précédemment n’ont pas été d’immenses succès…
Un Cross au carré
… et il est facile de comprendre pourquoi. Malheureusement, Cross n’est pas un personnage particulièrement remarquable dans la longue liste des flics habités par un trauma personnel qui réussissent là où tous les autres échouent par leur pugnacité, leur instinct et leur sens de la déduction. Le truc d’Alex, c’est son talent de psychologue capable de le mettre dans la tête des tueurs qu’il pourchasse. Une compétence mise en avant par le show qui privilégie l’enquête à l’action.
Le créateur Ben Watkins (Burn Notice) et ses scénaristes ont fait leurs devoirs et le côté cérébral du policier n’est pas qu’un effet de style. Alex réfléchit constamment et il est facile de deviner sa réflexion derrière chaque décision, même les plus émotionnelles. Froid de prime abord, on découvre rapidement qu’il est au contraire une figure très humaine, comprenant les sentiments de ses interlocuteurs. L’écriture du personnage brille particulièrement lorsqu’il se retrouve face à des enfants (les siens ou ceux des autres), avec lesquels il parvient toujours à trouver le mot juste avec simplicité et maturité. Cross est une série où l’intrigue passe avant tout par le dialogue et l’écoute de l’autre, criminel ou non. Un fait avec lequel la mise en scène joue beaucoup, puisque c’est lorsque toute communication est rompue ou impossible que l’action se déploie.
Et puisqu’elle se fait rare, cette action a d’autant plus d’impact, car elle n’est jamais gratuite ou inutile. Elle permet de faire avancer le scénario d’une autre manière en cherchant à rester le plus réaliste possible. La puissance physique des acteurs aidant à rendre l’ensemble crédible.
Un casting de belles gueules
En parlant de ces derniers, il faut avouer que c’est le point fort du show de Prime Video. Aldis Hoge a un charisme indéniable et une capacité à communiquer beaucoup d’émotions en peu de mots. Le deuil se lit sur son visage autant que l’espoir et la résolution. Néanmoins, cette première saison ne manque pas de nous présenter peut-être trop de rôles secondaires au point où chaque épisode nous présente une nouvelle figure, rendant par moment la série mal équilibrée avec trop de personnages à faire exister dans un laps de temps trop court. Oui, cela contribue à nous présenter un univers vivant, mais cela nous rend incapable de nous attacher à la moitié du casting.
Et si Isaiah Mustafa, alias John Sampson, le partenaire d’Alex, en souffre pendant la moitié de la saison, ce sont étonnamment les antagonistes qui tirent leur épingle du jeu. La folie maîtrisée de Darnell Bartholomew (Phineas Carter) apporte une touche de chaos à l’ensemble là où le visage de gendre idéal de Ryan Eggold colle parfaitement avec son rôle de tueur en série. Un intérêt loin d’être égal pour les personnages féminins qui, au mieux, naviguent dans l’ombre de leurs homologues masculins, et au pire, n’existent que pour permettre des transitions entre les intrigues.
Des intrigues particulièrement captivantes tant on mange les épisodes dans l’attente d’en découvrir leurs dénouements. Chaque épisode va nous offrir son lot de réponses et son rajout de mystères afin de maintenir en haleine. Et si on prend de l’avance parfois sur le héros, le gouffre ne se creuse pas assez pour que l’on ressente le poids du décalage entre notre savoir et le sien. Au contraire, on est plutôt curieux de connaître les événements et ses déductions qui le mèneront à ce point précis.
Découvrir Cross sur Prime Video
Une réussite totale donc ? Minute papillon. Si Cross est une très bonne série policière avec un thriller ficelé digne du personnage, on retombe sur ce que nous disions en amont de notre avis. Beaucoup de shows empruntent cette voie, parfois moins réussis, parfois davantage, mais à part son héritage, Cross n’a pas ce petit quelque chose de vraiment exceptionnel qui lui permet de sortir de la masse. Il n’est pas les pouvoirs de Lucifer, il n’a pas le charme de Patrick Jane, il n’a pas les muscles de Reacher, il n’a pas l’imperméable de Columbo… Ceux qui se jetteront sur la série ne le regretteront pas, mais elle ne possède pas les armes pour se démarquer du catalogue Prime Video. Reste à savoir si c’était le but…
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