Le biopic historique est quasiment devenu un genre à part, et une bonne partie des grandes figures contemporaines ont subi un traitement filmique plus ou moins réussi. Si Hitler et Staline ont forcément fasciné plus que la normale, les figures alliées ont marqué durablement l’imaginaire politique et social des pays concernés. En témoignent encore aujourd’hui les nombreux élus français se réclamant du Général de Gaulle, presque cinquante ans après sa mort.
Soldat, écrivain, peintre et politicien redoutable, Winston Churchill fut l’incarnation du personnage bigger than life et jouit encore d’une popularité très vive en Angleterre et dans le monde. Le simple passage en revue de sa carrière laissait donc la porte ouverte à une biographie héroïque et grandiloquente, particulièrement appréciée par les studios hollywoodiens.
Jonathan Teplitzky ne tombe pas dans cet écueil, et s’intéresse à un moment particulier de la vie du Britannique. Évidemment mis au courant du débarquement américain sur les plages de Normandie, Churchill n’avait pourtant pas partagé l’enthousiasme de ses collègues américains et russes pour l’opération. Grâce à un long passé militaire, composé de victoires mais aussi de lourdes défaites, il avait plaidé pour une campagne beaucoup plus axée sur l’Italie. Conscient du désastre humain qui attendait les soldats, il s’était finalement rangé sous les ordres des Américains. Le récit se focalise sur son refus d’écouter le général Eisenhower, cristallisant ainsi son caractère bien trempé.
Teplitzky livre un film lent et classieux bien qu’assez linéaire. L’image est soignée et les plans n’englobent jamais plus de trois ou quatre personnages à la fois. Un léger filtre jaune vieillit l’aspect des couleurs et renforce l’impression d’un documentaire. Churchill est souvent pris sur un plan de demi-ensemble, qui accentue l’impression du défi gigantesque qui pèse sur sa silhouette courbée. Ces derniers permettent de segmenter les différentes phases de dialogues qui composent l’intégralité du film. Théâtral, voire un peu poseur, Brian Cox donne surtout vie au personnage dans ses élocutions.
Le Britannique livre ici une très belle prestation. Certes grimé, on sent qu’il a tout de même effectué un travail colossal, notamment au niveau des expressions de son modèle. L’impression de voir le politique est vivace, et on croit à ces poussées de colère tant évoquées dans l’histoire. Le reste du casting ne brille pas, mais tient son rôle. On pense à John Slattery, dont la ressemblance avec Eisenhower est assez frappante ou à Miranda Richardson qui incarne Clementine Churchill.
Cette relative furtivité des acteurs secondaires semble voulue. Elle permet de mieux se concentrer sur Winston, mais paradoxalement, nous empêche de plonger plus loin dans l’intimité du personnage. C’est dommageable, d’autant que l’homme avait une vision du monde extrêmement tranchée, qui paraîtrait parfois choquante aujourd’hui.
Une remarque similaire pourrait être formulée sur la première partie du récit. Le film reste évasif sur l’époque de débarquement, s’accordant (à raison) que ce fait historique est connu de tous, mais aura du mal à contenter en anecdotes les véritables férus d’histoire. D’autant qu’elle est ici légèrement romancée, Churchill s’étant finalement rapidement plié aux exigences militaires américaines.
La suite est nettement plus enlevée, puisque Teplitzky choisit de mettre en scène un dilemme personnel. Celui d’un homme qui n’arrive pas à admettre qu’il a changé de statut. Habitué au front, sa vision est celle d’une guerre plus ancienne, comparable à celle d’un Clemenceau chez nous. Et si son action fut prédominante dans le conflit, c’est aussi en tant que politicien. C’est dans la description de cette lente passation interne que le film réussit à retomber sur ses pattes. À un âge pourtant avancé, Churchill entame sa dernière mue, celle de la figure symbolique et des discours radiophoniques exaltés. C’était celle qu’on connaissait, mais sa transposition à l’écran reste convaincante.
Churchill est un film qui ne réussit pas tout ce qu’il entreprend. Porté par la prestation habitée d’un Brian Cox méconnaissable, il réhabilite la figure légendaire du « bulldog anglais », mais a des difficultés à nous en apprendre plus sur l’homme. Teplitzky à la bonne idée de choisir un instant T de la guerre pour cerner un personnage en plein doute quant à son rôle. On ne peut qu’apprécier cette approche différente du biopic, tout en regrettant qu’il ne s’adresse ni aux néophytes, ni (vraiment) aux amateurs d’histoire. Reste à savoir si Darkest Hour, second film à paraître cette année sur le personnage, changera vraiment la vision qu’on avait de lui.
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Du film de propagande naïf et idéologique.
La guerre est finie depuis 72 ans maintenant. A ce niveau là on ne parle plus de propagande mais de vérité.
développe un peu, parce que comme dit Kevin Lenoir, la guerre est finie depuis un moment déjà…! je dirais pas que ce film est une vérité (d’autant que je ne l’ai pas vu, mais aucun film ne saurait être exact) mais quand on regarde la bande annonce, j’y vois pas de propagande naïf et idéologique !
CHURCHILL était violent/arrogant/ il préférè les porcs au être humains/ Sans cœur pour les combattants. Un homme formidable, tout comme Gandhi que l’on idolâtre alors qu’il battait sa femme. Bref ce genre de biopic c’est surtout du flan.
Je n’ai pas dit que cet homme était un saint (que se soit l’homme privé ou l’homme publique/politique, etc…). En revanche il a joué un rôle certain dans la guerre, que le film doit forcément romancer, mais ça mérite quand même d’être raconté.
J’ai lu ses mémoires (seulement la partie sur la seconde guerre mondiale) il y a quelques années déjà, c’était assez intéressant, il y explique ses choix stratégiques (parfois très discutables). Quoi qu’il en soit, je vois pas le rapport avec une quelconque propagande concernant ce film…
Oui aucun doute sur le stratège qu’il était. Pour la propagande je suppose qu’il parle du fait que les jeunes enfants doivent s’inspirer de cet homme que l’on nous présente comme un “Grand Homme”. Il a joue un rôle dans la guerre en criant tout fort et en insufflant du courage dans le cœur des hommes, ou même avec sa façon de voir certaine bataille. (je n’ai pas parle d’homme saint non plus 🙂 ).
Après j’avoue que moi il me dégoute mais je ne peux pas contredire le fait qu’il était un bon stratège. Pour le film j’espère qu’il montre le vrai visage de cet homme et pas juste le visage que l’on veut nous montrer.
Je sais pas si je suis très clair, je n’est pas trop le temps de bien écrire 🙂
A partir du moment ou l’on devient héro de guerre, l’histoire oublie la partie “de guerre” pour ne se rappeler que du Héro.
Un personnage super intéressant qui a une vie digne d’un roman ! Quoique certains en disent on lui doit beaucoup !
Tu sais les ont dit. On doit plus aux hommes qui sont mort sur les champs de bataille qu’aux dirigeants.