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Critique Captain America Brave New World : mais… pourquoi ?

Pour commencer son année riche en séries et en films, Marvel mise sur son emblématique Captain America. Brave New World est-il le début d’une nouvelle ère pour la Maison des Idées ? Critique.

Il y a maintenant six ans, Captain America raccrochait son bouclier devant la caméra des frères Russo. Après une décennie de bons et loyaux services, Steve Rogers s’offrait une retraite bien méritée. Chris Evans passait tout de même le relais à Anthony Mackie, avec la promesse d’une nouvelle ère pour le justicier et symbole de l’Amérique. Cette idée était d’ailleurs à l’épicentre de la série Falcon et le Soldat de l’Hiver sur Disney+.

La deuxième série du MCU préparait l’intronisation de Sam Wilson en qualité de chef de rang des Avengers nouvelle génération, autant que le retour à la vie pour son acolyte Bucky Barnes. Avec Brave New World, l’écurie super-héroïque entérine son importance tout en formulant une promesse. Chez Marvel, un nouveau monde s’apprête à sortir de terre. Mais est-il mieux que l’ancien ?

Deux ans après les événements décrits dans Falcon et le Soldat de l’Hiver, Sam Wilson se familiarise avec son rôle de Captain America. Lorsqu’il est approché par le nouveau Président des États-Unis, Thaddeus Ross, le justicier y voit une opportunité de contribuer à façonner un monde plus juste. Mais lorsqu’un de ses proches se retrouve au cœur d’une vaste conspiration, Sam Wilson ne sait plus à qu’il doit se fier. L’impitoyable Ross, qui a traqué les Avengers renégats après les accords de Sokovie, a-t-il vraiment changé ? Et lorsque la situation géopolitique s’envenime, une question demeure… qui tire les ficelles ?

Un nouveau monde qui manque de courage

Dès les premiers instants, le film de Julius Onah veut s’assurer qu’aucune confusion ne sera possible. Sam Wilson n’est pas Steve Rogers. Outre un changement de registre musical et de ton, ce quatrième volet de la saga se démarque par son approche des dilemmes inhérents aux productions du genre. Tandis qu’il s’agissait pour Rogers de composer avec sa force surhumaine et son décalage avec son époque, son successeur doit à l’inverse se battre sans les bénéfices du sérum et à une époque qu’il ne comprend que trop bien. On retrouve tout de même cette notion de mentor, avec Joaquin Torres alias Falcon. Du reste, les premières minutes sont aussi et surtout une manière de planter le décor, de raccrocher les nombreux wagons. Car le dernier film du MCU a moins à voir avec ses prédécesseurs que des productions plus discrètes, voire carrément oubliées (parfois à raison) de la licence.

Captain America Anthony Mackie
© Marvel

Pour construire son intrigue politique, Brave New World pioche aussi bien du côté du Hulk de Louis Leterrier (2008) que des Éternels (2021) de Chloé Zhao. L’approche quant à elle, rappelle plus Captain America et le Soldat de l’Hiver, le film des frères Russo qui marquait d’ailleurs la première apparition de Sam Wilson au sein de la franchise. Mais voilà, outre l’évidente compilation de recettes et d’éléments ayant plus ou moins fait leurs preuves, Brave New World doit aussi remplir de nombreux objectifs. Entre l’importance de faire de Sam un leader pour les prochains Avengers, la nécessité de préparer un peu plus le terrain pour Doomsday et de conclure des arcs narratifs laissés à l’abandon, le film ne sait vraiment plus où donner de la tête. Et là… c’est l’indigestion.

La présence d’Harrison Ford permet d’offrir un peu de lumière dans cette intrigue politique convenue. On peut aussi souligner la jolie performance de Shira Haas, que l’on avait découverte dans Bodies sur Netflix. Elle doit néanmoins jouer des coudes avec une galerie de personnages massive… Certains sont d’ailleurs largement sous-exploités, à l’image du Sidewinder de Giancarlo Esposito.

Cap ou pas cap ?

Si l’introduction a ce quelque chose de prenant, force est de constater que jamais le film ne parviendra à donner corps à ses enjeux narratifs, qu’il s’agisse d’explorer la manière dont Sam ne peut pas compter sur des superpouvoirs ou lorsqu’il se retrouve malgré lui au cœur d’une guerre pour la gestion de l’adamantium. À ce jeu d’ailleurs, Black Panther faisait beaucoup mieux.

La faute à une structure narrative chancelante, qui n’est jamais rien d’autre qu’une succession de révélations et de retournements de situations peu inspirés. On savait déjà que Marvel avait l’habitude d’avancer en terrain balisé, mais ce nouveau projet souffre d’un manque évident de cohérence autant qu’une écriture indigente de ses dialogues. “Le passé ne définit pas ce que vous êtes”... oui c’est une réplique et une manière assez peu subtile de réhabiliter un protagoniste.

Dommage, les échanges entre les personnages ne serviront jamais à rien d’autre que de livrer (sur un plateau d’argent) des éléments du récit qui seront exploités quelques secondes plus tard… quand il ne s’agit pas tout simplement d’appuyer la progression des héros. De la même manière, la mise en scène aurait pu traduire bien des idées dans son immortalisation de deux symboles d’une Amérique fantasmée..

Captain America Harrison Ford Anthony Mackie
© Marvel

Mais, comme l’écriture, la réalisation de Julius Onah se contente du strict minimum. Pourtant, l’idée d’opposer deux visions du monde avait de quoi nous faire rêver. On se contentera de deux scènes de combats aériens assez intéressantes, qui à défaut de nous surprendre, offrent un spectacle stimulant. Il y a une certaine énergie, on ne s’ennuie d’ailleurs pas une seconde, même si on peut regretter une utilisation assez minime de la morphologie du Céleste échoué dans l’Océan Pacifique.

Le film éprouve aussi quelques difficultés à rendre son Red Hulk vraiment redoutable. Un regard sur la scène de transformation de Bruce Banner dans Avengers en 2012 suffit à se figurer de la véritable menace que représente un tel colosse… qu’il soit vert ou rouge. La copie visuelle pâtit encore une fois d’une mauvaise gestion de ses effets numériques, comme avec l’incrustation hasardeuse de personnages sur fond vert. Red Hulk est réussi, l’antagoniste du film beaucoup moins. Après deux heures, une durée restreinte pour la Maison des Idées, une question demeure : à quoi bon ?

Captain America Leader
© Marvel

On voit rouge (et flou…)

L’idée est saugrenue, voire carrément inconsciente. Alors que l’on reproche souvent à Marvel de multiplier les ponts entre ses productions du grand et maintenant du petit écran, rendant la découverte d’un film carrément impossible pour qui n’aurait pas bien révisé ses classiques, le studio convoque cette fois-ci des personnages et événements que l’on n’avait pas vus depuis 2008 devant la caméra de Louis Leterrier.

Si Thaddeus Ross s’était invité dans Civil War et Infinity War, un autre personnage semblait avoir été sacrifié, comme le Hulk d’Edward Norton. Mais She-Hulk, qui avait fait revenir Emil Blonsky, laissait entrevoir un avenir où les pistes abandonnées par Marvel au début des années 2010 pouvaient enfin prendre vie. On n’en révélera pas trop pour préserver le peu de suspense que propose ce projet, mais le moins que l’on puisse dire c’est que la démarche ressemble à un rapiéçage contraint et forcé, pour une écurie en mal d’inspiration.

Captain America Combat
© Marvel

Se pose alors la question de la place des metteurs en scène et scénaristes, qui doivent travailler avec les ambitions de la firme pour un avenir meilleur au cinéma, comme sur Disney+. Comme rarement auparavant, Captain America : Brave New World apparaît comme un film de prétexte, une pièce d’un immense puzzle qui ne semble jamais prendre forme. Le renouveau n’est finalement pas vraiment là.

Dans les motifs comme dans le ton, le premier film de l’année 2025 nous rappelle que les véritables succès chez Marvel, comme Deadpool & Wolverine ou encore Les Gardiens de la Galaxie, ne sont désormais plus que des exceptions qui confirment la règle d’une licence à bout de souffle.

Marvel en fin de course ?

Si quelques baisses de régime étaient à déplorer avant 2019, force est d’admettre que Kevin Feige a su mener sa barque pendant plus d’une décennie au cinéma. Jusqu’à Endgame, la firme semblait avoir fait éclore une licence surpuissante et inarrêtable, un pan essentiel de la pop culture pour des générations de spectateurs. Pourtant, alors que les têtes d’affiche s’en allaient avec perte et fracas, Black Widow, Iron Man et Captain America, la Maison des Idées se confronte à la difficulté de poursuivre le voyage sans ses héros adorés des spectateurs.

Plus que jamais, il est question d’héritage pour ce film qui doit acter un passage de relais. Anthony Mackie ne démérite pas, naviguant comme il le peut dans ce projet qui a de lourdes responsabilités sur les épaules. Car oui, si Captain : Brave New World est une réussite, ce sera une occasion pour la firme de prouver qu’elle peut survivre au départ de ses icônes et que le voyage pourra se poursuivre aussi longtemps que possible. On serait tenté de dire que cette première tentative n’est pas couronnée de succès.

Red Hulk Captain America
© Marvel

Au delà de la difficulté à se renouveler et à faire éclore de nouveaux chefs de file, Marvel se confronte aussi à son empreinte sur la pop culture. Les ingrédients de ses succès d’antan ont été détournés à maintes reprises, parodiés comme chez The Boys ou plus récemment The Franchise. La parodie est toujours une étape cruciale dans l’avenir d’un genre, il change la manière dont le public perçoit les estampilles célèbres et leurs mécanismes.

Comme la comédie romantique est moquée pour son recours à des héroïnes citadines transportées dans des petites villes, les superhéros sont source de raillerie pour leurs postures solennelles au combat ou leurs sens du bon mot en pleine échauffourée. Si voir Steve Rogers répéter “I could do this all day” à longueur de journée avait quelque chose de plaisant, ces “catch phrases” sonnent différemment à une ère où les superhéros sont omniprésents et s’écartent un peu plus des sentiers battus. Et c’est sans doute la principale difficulté que Captain America : Brave New World n’arrive pas à surmonter : ses idées ont déjà été mâchées et recrachées des dizaines de fois.

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Notre avis

Le nouveau monde chez Marvel ressemble beaucoup à l’ancien. La quatrième itération de Captain America peine à s’illustrer comme le second souffle attendu, pâtit d’une intrigue qui doit en raconter trop et trop vite, sans prendre le temps de digérer ses idées qui sur le papier avaient de quoi nous séduire. Pourquoi donc la Maison des Idées s'est-elle lancée dans un tel projet ?

L'avis du Journal du Geek :

Note : 5 / 10

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