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[Critique] Blade Runner 2049

Il aura fallu 35 ans d’attente avant de replonger dans l’univers de Blade Runner. Conscient de l’héritage qu’il porte, Denis Villeneuve accouche d’une suite qui dépasse…

Il aura fallu 35 ans d’attente avant de replonger dans l’univers de Blade Runner. Conscient de l’héritage qu’il porte, Denis Villeneuve accouche d’une suite qui dépasse nos attentes.

La renaissance d’une licence culte est semée d’embûches et ce n’est pas Ridley Scott qui dira le contraire. Si le retour du xénomorphe fut une jolie opération financière pour la Fox, la nouvelle franchise Alien n’a pas su convaincre la majorité des fans de la première heure. Le réalisateur britannique s’est donc cantonné à la production en laissant les rênes à Denis Villeneuve, devenu en quelques années l’étendard d’un cinéma grand public aux forts accents indépendants.

De Sicario à Premier Contact, le québécois a réussi à imposer sa patte graphique grâce à une mise en scène élégante, favorisant toujours la contemplation à l’action. C’était également la grande qualité de Blade Runner, auquel Villeneuve a voulu rendre hommage. Et il s’est bien entouré.

Blade Runner 2049 est un film visuellement superbe. Peut-être plus que son aîné. Bien que dominée par l’obscurité et le brouillard, la lumière perce enfin. Si Roger Deakins (le directeur de la photographie) n’a plus rien à prouver, il livre à bientôt 70 ans une œuvre en forme de requiem. Les plans prennent l’allure de tableaux dont la symétrie subjugue. Le Britannique s’emploie à jalonner les lignes de force de toute sorte d’éléments, avec une précision mathématique. Un arbre, un bâtiment ou un rayon de soleil viennent sans cesse se confronter à la silhouette trapue de Gosling, souvent filmé via des plans panoramiques somptueux.

La scénographie de Villeneuve sert avant tout le récit. Avec la même dualité qui opposait les êtres tentaculaires de Premier Contact à leur propre vaisseau, il confronte sans cesse l’organique au minéral. Malgré la présence écrasante de la pierre et du métal, un filet d’eau ou de lumière rappelle toujours l’existence du vivant. C’est notamment le cas dans les bureaux de Niander Wallace, un homme qui pense que ses robots peuvent devenir plus humains que leur modèle. Le réalisateur n’a pas simplement compris l’essence même du film original, il a réussi à véritablement la retranscrire à l’écran.

Perfectionniste, il perpétue ce contraste jusque dans la direction des acteurs. L’occasion de constater l’excellente composition du casting. Les replicants, d’habitude si froids, semblent éprouver des émotions que les humains ne ressentent plus. C’est ainsi qu’un tremblement de mains, un regard gêné ou le début d’une larme dénote avec l’aspect taciturne de l’agent K (Ryan Gosling). Même constat pour Luv (Sylvie Hoeks), qui étonne en androïde dévoué, presque touché par une jalousie qu’elle n’est pas censée connaitre. De son côté, l’implacable Robin Wright (House of Cards) prolonge ce paradoxe en campant une humaine aussi froide qu’un robot.

Ce règne du faux fait partie intégrante du film, et se répand évidemment sur le scénario. Sans rentrer plus dans les détails, Villeneuve laisse longtemps planer le doute sur la nature de l’agent K, un blade runner prenant peu à peu conscience qu’il élimine des gens qui lui ressemble. Face à un secret qui remet l’ensemble de la société en cause, le réalisateur fusionne la petite histoire à la grande, et conclut une bonne partie de l’arc narratif débuté en 82. Il prend même son temps pour le faire, ce qui pourrait déplaire à ceux qui s’attendaient à une suite plus explosive et portée sur l’action. Ils seront néanmoins maintenus en éveil par la tonitruante bande-son d’Hans Zimmer, toutefois moins distinguée que celle de Vangelis.

Mais la force du film est ailleurs, hors du sentier scénaristique principal si important pour les fans du premier opus. Villeneuve opère différentes digressions assez poétiques sur la vie des replicants. Utilisés comme des objets de services, ils ont eux aussi droit d’utiliser une IA de compagnie, nommée JOI (interprétée par Ana de Armas). Paramétrable à souhait, cette “replicante” de replicant représente une présence salvatrice dans la solitude supposée de ce gigantesque périmètre urbain.

Mais une nouvelle fois, cette entité aspire à être plus que ce que sa nature lui autorise. Un paradoxe qui se conclut par une des plus belles scènes d’amour de la SF de ces dernières années. Sans jamais perdre de vue l’esthétique de son modèle, Blade Runner 2049 prolonge sa vision d’une manière que n’aurait pas reniée Philip K.Dick.

Blade Runner 2049 rend un formidable hommage à l’oeuvre de Ridley Scott. Visuellement sublime, le film de Denis Villeneuve utilise d’abord l’image pour faire surgir la réflexion principale de la saga, opposant toujours humanité et robotique. Les spectateurs recevront une bonne partie des réponses qu’ils sont venus chercher, mais quitteront la salle avec de nouvelles interrogations. Une passation de relais aussi élégante que puissante, qui confine au tour de force.

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30 commentaires
    1. C’est un film SF / Policier pas un Transformers made in Mickael Bay ( bien que j’apprécie les deux films pour ce qu’ils sont ). Je ne vois pas l’intérêt de trahir l’oeuvre originale fait par Mr Scott en 1982. On peut donc raisonnablement penser qu’il aura un rythme lent, fait d’intrigue et d’enquête plus que d’action.

      1. Je pense que noox fait référence aux scènes totalement inutiles qui ralentissent encore plus le rythme du film comme Rick Deckard qui monte des escaliers, quand il campe dans sa voiture sans rien faire ou les séances d’interrogation qui duuuuuuuuurent…
        Après un bon film n’a pas besoin d’action, donc je te rejoins sur fait de ne pas dénaturer le film en gardant un rythme relativement lent.

        1. je n’avais pas compris son commentaire dans ce sens là, alors oui effectivement la vie de deckard dans ca voiture ou si il a lâché un pet sur les marche de l’immeuble n’ont que très peu d’intérêt.

    2. Oui.
      C’est une excellente suite au premier Blade Runner, mais si t’as pas aimé (comme moi) tu n’aimeras pas celui là.
      Mais le film est super bien réalisé… mais c’est mou.

      Les scènes sont vraiment trop longue pour moi, même pour du contemplatif.

  1. Blade runner est pour moi un chef d’œuvre absolu, autant dans la forme que dans le fond. Un des meilleurs films de tous les temps, qui dépasse le carcan de son support pour devenir une ôde métaphysique et philosophique…
    Une suite n’était vraiment pas nécessaire, et pour moi ce n’est pas une suite, je n’irai pas le voir comme cela. Blade Runner sera pour moi toujours unique.

  2. Blade Runner est une pure merveille pour les yeux (merci Mr. Scott et les acteurs), pour les oreilles (Merci Mr. Vangelis) et pour le cerveau (Merci Mr. Dick), j’ai dû voir à peu prés toutes les versions et je ne m’en lasse pas.
    J’irai voir cette “suite” tout en sachant bien qu’il y aura des choses que je n’aimerai pas en commençant par Ryan Gosling (zéro charisme) …

  3. Une vraie gageur que de trouver les acteurs qui vont succéder à ceux du 1er opus avec, on l’espère, autant de brio.En effet comment égaler Rutger Hauer ou Daryl Annah, comment retranscrire ce que l’on a ressenti lorsque que nous sommes allez au cinéma voir ce film ?
    En 1982, le contexte et l’état d’esprit étaient totalement différents d’aujourd’hui, pour les amateurs de S.F., ce film était une merveille technique, esthétique et narrative, sans “branlette intellectuelle” (pour reprendre la remarque de Nicolas Opk), il a sacrément marqué une génération.
    Pour ma part, dans ce registre, seul 2 autres films m’ont impressionnés autant, le 5ème élément et interstellar.

    1. Qu’on se ne se méprenne pas sur ce que je veux dire. J’ai conscience de l’impact qu’il a eut, et de la qualité incontestable du film.
      Peut être suis-je un tout petit peu trop jeune pour ne pas en avoir conscience a 100% vu que le film est plus vieux que moi ?Mais je trouve que parler d’un film (même si il a pas trop mal vieilli) de la sorte, et le sacraliser alors que ça reste une adaptation, c’est un peu tout much.
      Qu’on dise que Dick a révolutionner la SF je suis d’accord, mais pas que Scott là fait, Scott lui a simplement donner une autre envergure (visuelle), mais vous connaissez tous ses succès comme ses ratés, qui montrent que c’est un “illustrateur” comme j’aime le dire, hors paires, mais a mes yeux ça s’arrête là.
      Donc Blade Runner est une oeuvre fondatrice oui, mais sortir des mots comme métaphysique etc je trouve ça simplement un peu prétentieux.

      Je précise que ça reste mon avis.

      1. Je partage aussi cet avis, concernant l’importance de l’age, j’avais 17 ans quand j’ai été voir ce film au cinéma, je voulais juste préciser qu’il est difficile de comprendre l’état d’esprit dans lequel nous étions à l’époque, ça a été une vraie claque intellectuelle et visuelle car, mis à part le fait d’avoir lu le livre, la surprise était totale.
        Pour mémoire, les technologies d’aujourd’hui n’existaient pas (Mon ordinateur était un Sinclair ZX81 avec 1Ko de RAM monté au fer à souder (oui, 1Ko), pas d’internet, pas de téléphones portables), les bandes annonces étaient rares et seulement diffusées dans les salles de cinéma ou via l’émission Monsieur cinéma de Pierre Tchernia le dimanche midi, le piratage ne concernait, au mieux, que les K7 VHS et l’Avenir était devant nous.
        Bon, je m’arrête là, ça fait vieux con 🙂

  4. J’avais 14 ans lors du premier opus. Donc je vous laisse faire le calcul pour mon age actuel -:) . Pour en revenir au film que je viens de voir cet après midi , je dirai que j’ai trouvé quelques longueurs mais j’ai aimé sauf le personnage de jared leto, trop surjoué.

  5. Vue Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve aujourd’hui et c’est magnifique , sublime . Certes un peu en deçà du Blade Runner de 1982 mais Ridley Scott avait mis la barre tellement haut . Mais qu’importe , l’ambiance du 1er opus est respecté tout en apportant des idées nouvelles et véritablement intéressante , on n’est pas dans un plagiat-remake à la Star Wars VII et ça c’est bien . On explore vraiment de nouvelles choses dans ce futur tellement incroyable et effrayant . Et chaque plan de se film est une oeuvre d’art emprunte d’une poésie mélancolique . Du teint ocre de certaine scène qui rappelle le Avalon de Mamoru Oshii à ces gratte-ciels dans une nuit perpétuelle , tout dans ce film n’est qu’art et tristesse . Blade Runner est une ode à une humanité qui a faillie et à une autre sur le point de naître à moins que les deux humanités ne se rejoigne dans un espoir insensé et s’élève vers les étoiles , miracle illusoires dans ce monde de claustrophobie ou une simple branche d’arbre a une valeur tellement grande , où plus personnes de se souvient de la sensation délicate de l’herbe entre les doigts , où tout n’est qu’artifice et réplique de l’ancien monde . Mais qu’importe car cette humanité défaillante peut produire des machines capable de poésie , des machines capables de pleurer et plus important encore d’éprouvé quelque chose d’aussi beau que l’amour et d’aussi terrible que la folie . Et à la fin de Blade Runner 2049 on ne peut que ce rappelé de ces paroles de Roy Batty dans le Blade Runner de 1982 :” J’ai vue tant de choses que vous , humains ne pourriez pas croire . De grand navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion . J’ai vu des rayons fabuleux , des rayons C briller dans l’ombre de la porte de Tannhauser . Tous ces moments se perdront dans l’oublie comme les larmes dans la pluie . Il est temps de mourir .” On ne peut que se rappeler de ces paroles et éprouver de l’espoir en se disant que l’humanité peut donner naissance à un être capable de dire des choses aussi belle de poésie , d’amour et de folie . Alors les Androïdes rêvent-il de moutons électriques ? Bien sur que oui et bien plus encore .

  6. Vu hier soir, Affreuse expérience. Insupportablement long. Faussement esthétique. Mal monté. Mal joué. Mal scénarisé. Mauvais dialogues. Le meilleur moment : l’apparition du générique de fin

      1. J’ai vu plus de 3000 films. Je ne fais pas partie de la cible des films insupportablement longs, faussement esthétiques, mal montés, mal joués, mal scénarisés avec de mauvais dialogues. En effet.

          1. Purée mais pourquoi tu te parles à toi même ??????? mr j’ai vu 300 millions de films (ce qui ne fait pas de toi un meilleur expert en la matière, 3 millions de Michael bay reste au final du Micheal bay)

  7. Vu hier, je ne connaissais pas le premier opus que j’ai découvert en début de semaine avant d’aller voir la suite de Villeneuve. C’est un très bel hommage, les plans sont sublimes, l’histoire est intéressante et fait réfléchir.
    En revanche j’avais pas forcément trouvé le premier film trop long, 2h ça allait, le rythme est bien plus lent que les films auxquels on nous a habitué ces 10 dernières années, mais la version de Villeneuve est beaucoup beaucoup trop lente (2h40) … on peut facilement raccourcir le film de 20 minutes je pense car malgré la qualité et la beauté du film, j’ai décroché à plusieurs reprises …

    Si vous avez aimé le premier, foncez, pour les autres qui n’ont pas aimé le premier, vous n’aimerez probablement pas celui-ci.

    1. J’ai adoré le 1er (et le jeu vidéo aussi, qui était juste excellent à l’époque), et n’ai pas du tout aimé celui-ci… à mon avis on peut raccourcir le film d’une bonne heure plutôt que 20 minutes…

  8. Je l’ai vu aujourd’hui, et c’est comme un emballage design et parfaitement plié. Manque de pot, on a mis un carton vide dedans, et au final l’emballage est mal scotché, du coup on se rend compte un peu trop vite de l’arnaque…
    J’ai du mal à comprendre une critique aussi positive : tout ce qui faisait la force du 1er a disparu. Purée, l’histoire des nexus 6 était prenante, on assistait médusés à un revirement puissant, plein de mélancolie et de réflexions sur la création de la vie, le rapport à la mort et à l’identité… aujourd’hui la finalité est bien futile, et pour autant le film est bien long et bien chiant !

  9. La première image est l’oeil du Héro qui s’ouvre. Exactement, le même
    principe que dans Alien Covenant, à ceci près est que David était plus un
    anti-héro qu’autre chose. Cependant, tous 2 sont des Androïdes.

    Dès le début du film nous sentons que Ridley commande le fond du film et qu’il
    n’a laissé que la forme à Villeneuve.

    Pourtant, c’est une réussite sur les 2 tableaux.

    En effet, sous des airs de polar SF atmosphérique avec une intrigue tout au
    plus correct, se cache l’oeuvre d’un Ridley Scott en plein questionnement sur
    l’humanité. C’est pourquoi sera clairement traité dans l’oeuvre une réflexion
    sur l’Amour, la Création, l’IA, l’Art et la Religion. En gros…Strictement les
    mêmes sujets de fond qu’Alien Covenant..La similitude ne s’arrêtant pas la car l’humanité
    a encore une fois, flingué la planète, et est en majorité obligée de vivre dans
    des colonies en dehors de la terre.

    L’ambiance est celle des mornes plaines, d’un règne des Hommes passé, du
    monochrome et des natures mortes.

    Pour les connections directes avec Covenant, outre ce fameux Oeil, il y a en
    premier lieu le passage avec des statues de simili-Ingénieurs enfermées dans du
    verre que l’ont voit au même moment où la secrétaire de Wallace raconte que
    l’Humanité c’est installée dans des colonies en dehors de la Terre.

    Ensuite, la connection avec Ozymandias de PB Shelley quand le héro va chercher
    Deckard et marche seul dans le désert, avant de se trouver face à face avec une
    tête de statue à moitié cassé, puis, finir plus loin entre les jambes tronquées
    par la caméra d’une statue féminine.

    Pour le reste les liens ne se font réellement que sur le fond des sujets
    traités par les 2 films.

    Cependant, la quête de Wallace à retrouver l’enfant Replicant, cache
    grossièrement son désir de ressembler à ses créateurs, en voulant absolument
    obtenir le secret de la création en copiant le système de reproduction humain.
    Plus loin que cela, on ressent une détresse énorme des Androïdes dans leur
    incapacité à trouver l’Amour. Que ça soit celui d’un Père, d’une Mère, d’un
    Enfant, ou celui du Couple.

    Wallace comme David de Covenant est frustré de ne pouvoir ni se reproduire, ni
    aimer et être aimer. Il se contente simplement de recréer ce qui lui est
    accessible en tant que Robot évolué, donc créer des machines sans âmes qui ne
    peuvent au mieux que simuler des émotions. Seul les anciens modèles, donc les
    Replicants semblent en avoir le secret et ont été mis à mort par les Hommes
    pour cela.

    “Ô vous les puissants, Contemplez mes oeuvres et soyez en affligé”
    dirait David, et le passage dans le désert n’est pas anodin à ce propos..

    On y trouve aussi un puissant message de la création au sens divin, car si
    Wallace ne peut recréer son créateur, il n’hésite pas à paraphraser la Bible en
    tentant clairement de se positionner en Dieu tout puissant dominant les Hommes
    et les Machines. Comme David, il y a un désespoir de ne pouvoir qu’entrevoir ce
    qu’est que d’être humain et de ne pouvoir créer et procréer.

    Si on devait tirer une conclusion du message sur la Création de Blade Runner
    et de Covenant, il est clair que l’auteur la voit comme l’échappatoire absolu
    face à la mort.. Qu’elle serve la reproduction de l’espèce, l’élaboration de
    technologies divers ou d’une oeuvre d’art, elle seule assure l’immortalité face
    à l’angoisse du néant et permet de projeter une partie de soi au delà de son
    temps de vie biologique.

    On pourrait même y constater le peu de trace de sympathie envers l’Homme que
    Ridley laisse entrevoir, qui fait comparer une oeuvre d’art à l’Homme. Mais ici
    et maintenant, l’art est devenu mauvais…

    Plus loin, c’est aussi à se demander si R.S. défie Freud qui soutenait que la
    Libido s’opposait principalement à la pulsion de mort, en lui répondant que ce
    n’est pas celle-ci qui contrecarre cette angoisse du néant, mais bien l’espoir
    de pouvoir pro-créer/créer.. Ne plaçant de ce fait la Libido qu’en simple
    vecteur de la Création. Le scénariste veut subtilement nous montrer que seule
    la Création nous donne accès à l’immortalité en s’opposant à la pulsion de
    mort.

    Au plus haut degré, la Création est détenu par les Dieux, d’où la volonté de
    Wallace et David de s’approprier et s’identifier à ceux-ci, car tout comme eux,
    la technologie a fait d’eux des éternels. Malgré tout, ils ne peuvent donner la
    vie autrement que par la création technologique et artistique. Il y a un
    paradoxe net qui se crée chez ces robots car si la Création sert de frein aux
    pulsions d’anéantissements, eux qui sont éternels (ou presque), n’ont dans
    l’absolu plus besoin de créer. Et pourtant..On retrouve ici une image du
    concept de sublimation des instincts qui est depuis fort longtemps considéré
    comme source de la création artistique chez l’Homme.

    Par ce message Scott, s’identifie un peu à ces 2 Droïdes à la folie créatrice
    sans limites, mais surtout invente une nouvelle mythologie plaçant l’Artiste
    absolu à l’égal de Dieux et faisant de Dieux un Artiste.

    La cité de Blade Runner est Los Angeles et tous les bâtiments sont
    rectilignes, il y a des symétries et lignes droites partout, aucune folie n’est
    présente dans ce New Angeles de 2049. Tout cela est clairement à l’image d’un
    système de pensée masculine où la rectitude règne en maître. Seul quelques
    hologrammes de femmes, au mieux, et des prostitués, au pire, sont présents
    anecdotiquement pour garder une trace de cette féminité manquante à l’équilibre
    de l’humanité.

    Nous retrouverons seulement les traces de cette fusion du masculin et du
    féminin dans l’architecture et les décors, au début du film, dans la maison du
    Replicant et à la fin chez Deckard avec nombre d’objets d’art présents à
    l’écran. Seulement on sent bien que ces endroits appartiennent au passé. Il y a
    comme dans Covenant un côté nihiliste très prononcé. L’Homme a détruit sa
    planète et son âme, et son salut semble ne pouvoir résider que dans l’anomalie
    d’une technologie qui peut-être les remplacera (les Replicants). Pourtant celui
    ci ne tient pas à se faire remplacer et comme les Ingénieurs, ils chercheront
    donc à détruire leur création trop similaire et humainement/technologiquement
    supérieure au modèle d’origine. Affront du fils envers le père. C’est un peu
    l’histoire d’un Oedipe avorté où la mère n’est plus de la partie.

    Au sujet de la référence à Ozymandias quand le Héro arrive dans le désert,
    nous voyons en premier lieu une statue de femme géante sur fond de pyramide et
    temple égyptien avec des statues de leurs divinités. Puis, quand le héro avance
    dans cette sorte de reprise visuel du sonnet de Shelley faite de statues de
    femmes géantes au corps nues et poses difformes pour finir face à des ruches
    d’abeilles, nous nous devons de nous poser la question du pourquoi.

    Pour ma part, je pense que c’est très clair, comme dans Covenant, Mister Scott
    se sert de ce poème pour pointer du doigt les courants dictatoriaux majeurs de
    la civilisation moderne. Si dans Alien c’était la religion et plus
    particulièrement le Judaïsme qui en prenait dans les dents, dans BD 2049 c’est
    bel et bien le côté obscur du féminisme qui est pointé du doigt.

    En effet, les statues des femmes à l’image de leurs homologues égyptiennes nous
    renseigne sur le fait que la civilisation antérieur avait divinisé la Femme ou
    du moins son apparat.

    Rappel : Ozymandias PB Shelley

    J’ai rencontré un voyageur venu d’une terre antique

    Qui m’a dit : « Deux immenses jambes de pierre dépourvues de buste

    Se dressent dans le désert. Près d’elles, sur le sable,

    À moitié enfoui, gît un visage brisé dont le sourcil froncé,

    La lèvre plissée et le sourire de froide autorité

    Disent que son sculpteur sut lire les passions

    Qui, gravées sur ces objets sans vie, survivent encore

    À la main qui les imita et au cœur qui les nourrit.

    Et sur le piédestal il y a ces mots :

    “Mon nom est Ozymandias, Roi des Rois.

    Voyez mon œuvre, vous puissants, et désespérez !”

    À côté, rien ne demeure. Autour des ruines

    De cette colossale épave, infinis et nus,

    Les sables monotones et solitaires s’étendent au loin. »

    Ici les visages sont inexpressifs au possible, seul le corps de ces statues
    de femmes semblent vivant de part le jeu des positions de nu alambiqué. Cette
    société passé vénérait donc, non pas la femme, en tant qu’âme mais bien son
    apparat uniquement. L’allégorie de la ruche, système matriarcale par
    excellence, confirme le “diagnostique” sur le fait que Ridley veut
    nous dire que la société précédente est tombée car elle remplaça Dieu par le côté
    purement utilitaire de la femme du point de vue de la sexualité. C’est un peu
    le pique de l’auteur vis à vis des dérives du côté obscur du féminisme qui
    ronge notre société dite moderne..Un féminisme hyper sexué encore trop
    dépendant du regard de l’homme..(cf les talons aiguilles, symbôle de la toute
    puissance de la femme..dépendante du pénis)

    On peut finalement constater que cette ancienne L.A. “Cité des Anges”
    était soumise à des divinités castratrices. Ce qui a engendré par effet rebond
    une société hyper-masculine qui a fini par marginaliser tout ce qui touche à la
    féminité sans trier le bon grain de l’ivraie. Nous le remarquons tant dans la
    mise en avant des prostitués que des hologrammes de Joy. D’ailleurs le dernier
    hologramme qui parle au héro prête à Joy les yeux d’un démon et le tente par
    ses artifices après qu’il se soit libéré de son 1er modèle et surtout libéré de
    lui-même…

    Malgré cette critique acerbe de la dérive féministe, le message n’est pas
    négatif bien au contraire. Le scénariste tient juste à remettre la hutte à
    sacrifice au centre du village.

    Et c’est grâce au miracle de l’Amour que la féminité réelle sera retrouver,
    celle-la même qui fît naitre la fille de Deckard obligée de vivre dans une
    prison dorée, isolée de ce monde désenchanté. Soi-disante malade, on comprend
    facilement qu’à elle seule, elle est porteuse de tout ce qui reste de la vraie
    féminité nécessaire à la fusion du principe masculin et féminin qui sera
    nécessaire au salut de cette humanité “augmentée ou non”. Mais l’air
    de son temps ne peut tolérer cette féminité et elle est donc obligée d’en être
    séparée pour le moment.

    Concernant sa naissance miraculeuse, n’aviez-vous pas fait le lien avec Jésus?
    Marie ne devait et ne pouvait pas être enceinte..Et pourtant..Nous ne voyons
    plus les étoiles et la Lune dans Blade Runner, le ciel semble avoir abandonné
    les Hommes qui eux mêmes l’ont abandonné pour des fausses divinités. Wallace en
    arrive même à s’autoproclamer en tant que tel, pourtant aveugle et ne devant sa
    vision qu’à la technologie des Hommes dont il est aussi issu.

    Il y a une conséquence lourde pour l’humanité à avoir voulu s’approprier le
    pouvoir divin de la création sexué. L’usage strictement utilitaire du corps des
    femmes qui sera suivi par l’appropriation de la création divine par la
    technologie a fini par faire fuir toute trace du divin. Le prix a payé en est
    la perte d’âme de l’humanité comme le montre Villeneuve par bien des aspects.

    Heureusement, le sauvetage de cette humanité en détresse est annoncé au début
    du film quand le Héro fait face à l’arbre mort “de la connaissance”.
    Il trouvera une fleur colorée pourtant sans racines, symbole de vie hors
    contexte naturel standard, qui volontairement choque dans ce paysage de nature
    morte. Celle-ci le guidera vers les (et ses) racines mortes où il découvrira
    l’indice qui l’emmènera au cheval et aux os de cette Marie 2.0. Le côté sacré
    du squelette est mis en évidence par le fait que ses os ont été lavé comme ont
    le fait avec ceux des Saints et à l’image d’une relique religieuse.

    Que les féministes se rassurent donc, ça fini bien pour la Femme car le concept
    de la femme réelle et de la féminité authentique est sauvé par un Jésus.. au
    féminin!

    Ridley Scott fait encore et toujours très fort avec son usage de la symbolique
    où il arrive en mêlant images, mots et musique à raconter plusieurs histoires
    en même temps. Avec ce film, il transpose une partie de la Bible dans un futur
    proche et crée comme dans Covenant une nouvelle mythologie.

    Pour le Héro, il sera principalement présent pour soulever la problématique
    de l’amour et de l’IA. Ainsi il connaitra les problèmes de l’amour avec un
    hologramme, qui n’est principalement que le reflet de sa volonté et de son
    anima. Et nous comprendrons plus tard qu’il ne connaitra que le vrai amour avec
    une autre Replicant ou Humaine (le doute est volontairement laissé) quand il
    perdra son amour virtuel et se délaissera des illusions de la volonté et de
    l’ego.

    On retrouve, à ce sujet, le côté égoïste et surtout nihiliste sur l’existence
    humaine qui nous dit que l’autre n’existe pas, que ce n’est qu’illusion et
    support à nos besoins primaires. Ainsi, son histoire d’amour avec son IA
    holographique est basé entièrement la-dessus, elle n’est que projection de ses
    désirs..La société encourageant cela en faisant de ce travers un business..

    Plus encore, c’est son désir de trouver une famille, un Père, une Mère qui le
    fera persévérer outre la raison dans sa quête.

    Et enfin, la question sur la conscience, l’âme via les souvenirs, qui sommes
    nous, qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes, l’authenticité… Ici, un
    souvenir implanté active l’affect du héro, pourtant ça n’est pas le sien, mais
    ce souvenir est réel, et donc sa réalité apporte l’authenticité de l’existence
    propre à l’être humain dans son esprit de robot. L’auteur semble soutenir que
    les souvenirs réels font notre personnalité futur contrairement à des souvenirs
    programmés. la conscience est pour R. Scott lié à la qualité des souvenirs et
    la capacité à les intégrer.

    Sieur Scott pousse ici le débat sur l’IA vers une direction de la conscience
    lié à l’affect et la création.

    Le cheval étant le véhicule de par sa symbolique qui le fera passé de
    “l’autre côté” et se trouver lui-même en trouvant la fille de
    Deckard.

    Pour la surface du film, rien à dire si vous acceptez le rythme lent et
    atmosphérique. La musique et les images sont d’une qualité exceptionnelle et la
    cohérence de l’intrigue est à la hauteur d’un bon polar SF. De plus, c”est
    aussi une excellente suite de Blade Runner premier du nom.

    Maintenant, comme ce film est lié sur le fond à Alien Covenant, je dirai que
    ces films sont indissociables pour en comprendre toute l’essence. Car si sur la
    forme, il faudrait logiquement regarder les 2 Blade Runner à la suite, il
    faudra surtout sur le fond se plonger dans Covenant et ce film pour cerner
    l’immensité de l’oeuvre de Ridley Scott. Villeneuve n’est que le messager de
    quelque chose de plus grand et je vous invite à lire mon analyse de Covenant
    afin d’y voir plus clair.

    Dans tous les cas, nous avons affaire ici à un chef d’oeuvre dystopique de très
    haut-niveau, à ne surtout pas manquer tellement cela se fait rare..

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