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Critique Beetlejuice Beetlejuice : une suite mortelle ?

36 ans après ses premières aventures, le bio-exorciste Beetlejuice reprend du service devant la caméra de Tim Burton. Pur produit nostalgique ou suite d’enfer ? Critique.

La fin du coup de mou pour Tim Burton ? Depuis près d’une décennie, le cinéaste autrefois acclamé pour sa créativité et son esthétique gothique semblait avoir perdu de sa superbe. De Big Eyes à Miss Peregrine et les enfants particuliers en passant par Dumbo, le papa d’Edward aux mains d’argent paraissait essoré par l’exercice des super-productions. Cinq ans après sa dernière apparition dans les salles obscures, il revient à l’univers qui l’a fait connaître auprès du grand public, à un classique d’Halloween qui a bercé des générations de spectateurs fascinés par la mort et l’étrange. Beetlejuice n’a pas pris une ride (si…) et le public n’attendait que son retour.

Plusieurs décennies après sa première rencontre avec le bio exorciste, Lydia Deetz utilise ses dons pour communiquer avec l’au-delà et anime une émission de télévision à succès. Elle est désormais mère de famille, mais sa relation avec sa fille n’est pas des plus simples. L’adolescente ne croit pas aux fantômes, voit sa mère comme un charlatan. Lorsqu’une tragédie réunit Lydia, Astrid et Delia, il ne faut pas attendre très longtemps avant que le nom de Beetlejuice ne soit prononcé trois fois et que les portes qui mènent vers l’au-delà ne s’ouvrent à nouveau…

Beetlejuice Beetlejuice Michael Keaton
© Warner Bros

La mort nous va si bien…

Dès le début du tournage, Warner Bros et Burton ont mis l’accent sur la part non négligeable d’effets spéciaux, décors réels et artifices que cette suite convoque. On a reproché au réalisateur d’avoir trop misé sur le numérique pour faire éclore certains de ses univers, Alice aux Pays des Merveilles et Miss Peregrine et les enfants particuliers en premier lieu, la firme veut insister sur ce retour aux sources. Pour le cinéaste, il en va de la confiance du public.

Beetlejuice Beetlejuice a ainsi largement été pensé comme un hommage à l’artisanat du septième art. Comme le premier film, cette suite devait convoquer la stop-motion, d’abord dans le vide qui abrite le ver de sable, mais aussi et surtout pour appuyer les gags visuels qui ponctuent le récit. Si cet art a été quelque peu délaissé par les super-productions, force est de constater qu’il fait toujours recette. Grâce à lui, Burton renoue avec une esthétique faite de bric et de broc (en apparence seulement puisque le film a coûté la bagatelle de 100 millions de dollars).

Willem Dafoe Beetlejuice
© Warner Bros

Grâce à cette facture plus importante, l’univers de Beetlejuice Beetlejuice devient encore plus riche, la copie du cinéaste fourmille de belles idées et de trouvailles enthousiasmantes. On retrouve avec plaisir le coup de crayon de celui qui s’amuse à tordre les lignes, jouer avec la perspective et le regard des spectateurs pour faire éclore un microcosme gothique, fantomatique et ludique. Burton multiplie les effets de textures, de couleurs et de lumière, et ça marche.

Des prothèses qui donnent vie à ses sbires aux têtes réduites, jusqu’au maquillage qu’arbore Willem Dafoe, Beetlejuice Beetlejuice est deux fois plus gourmand en effets pratiques que son aîné. Ce n’est pas pour nous déplaire. Si le terme CGI semble être devenu un gros mot à Hollywood (merci Marvel) cette suite nous rappelle que les effets numériques peuvent être mis au service de la créativité pour inviter l’audience à plonger dans un univers riche et esthétisé. Après une apnée créative d’une décennie, Burton trouve en Beetlejuice une bouffée d’oxygène. Comme son prédécesseur, le film est une course contre la mort qui ne manque pas de vie.

Beetlejuice Beetlejuice Michael Keaton Costume
© Warner Bros

Le pouvoir des trois

Le propre de l’univers de Burton est sans conteste d’ajouter de la poésie au macabre et à la tragédie. En 1988, à partir d’un scénario de Michael McDowell, il questionne ce qu’il y a après la mort, avec tendresse autant qu’ironie. Il confronte une adolescente qui veut en finir avec la vie à un couple qui donnerait tout pour la retrouver. Des années plus tard, Lydia est devenue mère et doit composer avec le deuil d’un père, une relation conflictuelle avec sa fille et la relation toxique qu’elle entretient avec son compagnon et producteur. Il n’y a qu’avec sa belle-mère, l’excentrique Delia Deetz, que les relations sont apaisées.

Comme pour le premier film, c’est à travers le regard de Lydia que la narration évolue. Tiraillé entre les deux mondes, le personnage est confronté à ses propres fantômes. La crainte de voir Beetlejuice ressurgir dans sa vie l’empêche de voir un mal encore plus sournois qui s’est invité à ses côtés, qui nécrose ses relations et qui l’emprisonne. Cette fois-ci, Burton s’attarde sur les vautours qui entourent les personnes en deuil, sur la manière dont la perte rend vulnérable.

Lydia Deetz Beetlejuice
© Warner Bros

Le scénario d’Alfred Gough et Miles Millar porte souvent un regard acide sur ses personnages, exception faite du trio d’héroïnes qui brille par sa sincérité. Winona Ryder et Catherine O’Hara crèvent à nouveau l’écran, bien aidée par le tempo comique de la narration. Les deux actrices donnent de nouvelles couleurs à leurs protagonistes, se réinventent avec brio. Jenna Ortega n’est pas en reste, elle qui avait déjà fait la démonstration de son talent dans Mercredi. La série était en partie réalisée par Tim Burton et cette nouvelle collaboration permet au duo de gagner en pertinence et en efficacité. La jeune comédienne prouve qu’elle a ce qu’il faut pour devenir une icône du fantastique, comme Winona Ryder des années plus tôt.

Reste que si le trio principal convainc, la narration ne rend pas toujours hommage aux enjeux narratifs auxquels il est confronté. La mise en place, plutôt longue, ne suffit pas à donner corps aux différentes intrigues qui évoluent devant la caméra de Burton. En multipliant les lieux et les trames narratives, Beetlejuice Beetlejuice s’égare dans les limbes d’un imbroglio dont il lui sera difficile de s’extirper. C’est particulièrement vrai concernant le personnage de Dolores, présentée comme l’antagoniste principale, mais finalement cantonnée à quelques apparitions (inspirées certes) aux conséquences spectrales. Jamais l’histoire ne lui permettra d’être autre chose qu’un joli caméo, entré au chausse-pied dans une aventure qui multiplie déjà les errances. En deux coups de cuillères à pot, l’héroïne est balayée de l’échiquier.

Dolores Beetlejuice Monica Bellucci
© Warner Bros

C’est plutôt dans les détails que Beetlejuice Beetlejuice trouve sa force, dans la vraisemblance de ses scènes plus intimes. Lorsqu’une conversation entre Delia et Astrid encapsule leur complicité, autour de l’histoire d’amour chaotique de Lydia, on se dit que le film aurait eu tout à gagner à donner plus d’espace à ces moments suspendus, plutôt que d’approfondir la mythologie de Beetlejuice.

Michael Keaton se suffit à lui-même, renouant sans déplaisir avec son personnage exubérant, un brin hyperactif, mais toujours captivant. On dira même que sa place dans l’histoire de Lydia lui offre une occasion de s’extirper de sa position de monstre sans scrupules.

Vraiment nécessaire ?

Plus de trois décennies après le premier film, Burton avait-il réellement besoin de revisiter l’un de ses films les plus emblématiques ? À une époque où l’industrie recycle à tout-va, pour le meilleur comme pour le pire (coucou S.O.S Fantômes), on serait bien tenté de dire que non. Le cinéaste avait jusqu’ici mis un point d’honneur à ne pas faire dans la suite ou le remake, à faire cultiver sa créativité pour la mettre au service de nouveaux projets.

Reste que ces dernières années, Burton semblait dans l’impasse. Depuis ses premiers pas comme animateur chez Disney, il a fait éclore des univers captivants, des contes enchanteurs où se conjuguent goût pour le macabre et poésie. Ces oxymores ont nourri son cinéma, mais paraissaient perdre en intensité face à un artiste écrasé sous le poids d’une machine hollywoodienne pour laquelle rentabilité est le maître mot. Si Mercredi a visiblement été une opportunité de renouer avec les origines de son imaginaire, de s’emparer d’un univers littéraire qui le passionne, c’est avec Beetlejuice Beetlejuice qu’il reprend des couleurs.

Jenna Ortega Winona Ryder Beetlejuice 2
© Warner Bros

De son propre aveu, la suite de Beetlejuice l’a sauvé, lui qui était prêt à prendre sa retraite après Dumbo en 2019. Pour le metteur en scène, comme pour le public, ce second volet des aventures du bio exorciste sonne ainsi comme une douce parenthèse. Tout le monde semble avoir pris un malin plaisir en coulisses, autant que les adorateurs du premier film en auront dans les salles obscures. La sincérité de la démarche suffit à faire dire que ce classique des années 80 n’a pas été profané. Résurrection réussie… Reste à voir désormais si le papa d’Edward aux mains d’argent et Sleepy Hollow se laissera séduire pas l’idée de revisiter un autre de ces métrages ou si sa créativité sera mise au service d’une nouvelle histoire.

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Notre avis

Tim Burton se la joue nécromancien et fait renaître Beetlejuice après plus de 30 ans. Si cette suite ne sait pas toujours où donner de la tête, multiplie parfois un peu trop les clins d’œil, elle nous en met plein les yeux avec un seul but : montrer qu’elle a du cœur.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 7 / 10
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