Cet été, on voit la vie en rose et en plastique. Dans la droite lignée de ce que fait Hasbro depuis Transformers par Michael Bay, Mattel planche sur un univers cinématographique dédié à ses jouets les plus célèbres. La firme américaine entend utiliser le grand écran pour promouvoir ses joujoux, mais la réciproque fonctionne également. L’aura de ses figurines promet déjà de déplacer les foules. Pas moins de 45 projets autour des licences les plus emblématiques de l’entreprise seraient actuellement en développement. Les voitures Hot Wheels devraient prochainement faire crisser leurs pneus dans l’obscurité des salles du monde. Mais avant, c’est la poupée blonde créée en 1959 qui prend vie devant la caméra de Greta Gerwig.
Écrit en collaboration Noah Baumbach (Marriage Story), la nouvelle proposition de la cinéaste entend dépoussiérer le mythe et un peu le malmener. Avec Margot Robbie et Ryan Gosling dans la peau du couple, Barbie s’annonçait comme une chronique pop, comique et critique.
Barbie a la vie rêvée. Aux côtés de ses alter egos, et de quelques Ken, elle évolue dans une matriarchie idéale. “Tu peux être ce que tu veux”, le slogan de l’entreprise prend tout son sens. Barbie présidente, avocate ou encore physicienne, les poupées dirigent le monde. Cette carte postale va néanmoins être égratignée lorsque Barbie se réveille avec une mauvaise haleine, prend une douche froide et découvre avec horreur que ses pieds sont devenus atrocement plats. Pour sauver son utopie, le personnage incarné par Margot Robbie va devoir se confronter au “vrai monde”. Débute alors pour elle un voyage initiatique sur fond de crise existentielle.
Plastique chic
L’univers de Mattel est un terrain de jeu idéal pour Greta Gerwig. Loin de la sobriété de son adaptation du roman de Louisa May Alcott, Les quatre filles du docteur March, la cinéaste explore un monde aux dominantes de rose. Après une séquence citant explicitement 2001, l’Odyssée de l’Espace, le métrage nous plonge au cœur d’un Barbie Land qui multiplie les références aux jouets commercialisés depuis la fin des années 1950.
Cette esthétique léchée, qui joue avec les couleurs autant qu’avec les textures, fait rapidement naître une sensation d’irréalisme qui constitue sans doute le principal atout du film. Grâce à un travail d’orfèvre, aussi bien pour les costumes que les décors, Barbie encapsule la force imaginative des enfants. Les maisons de rêve ne sont pas dotées de cloison, la poupée vole d’une pièce à l’autre et son réfrigérateur se limite quelques items en plastique sur une toile peinte. Le métrage multiplie les fulgurances artistiques et donne vie à un Barbie Land des plus convaincants. Mais la caméra de Greta Gerwig n’ambitionne pas seulement de donner vie à la licence Mattel, elle veut aussi appuyer le sous-texte féministe que les spectateurs attendaient.
“C’est tellement mieux d’être une fille”
Greta Gerwig a fait du “coming-of-age” sa marque de fabrique. En seulement deux films, la cinéaste s’est illustrée comme l’une des meilleures narratrices de l’adolescence. Son Lady Bird, à la sensibilité folle, avait fait date dans l’histoire du genre. On pouvait donc espérer que cette maîtrise soit mise au service de l’exploration des aventures de Barbie.
Néanmoins, avec Mattel aux commandes, sa marge de manœuvre semblait assez réduite. Reste que s’attaquer à la poupée sans interroger les questions sociétales qu’elle soulève aurait pu avoir l’effet d’un pétard mouillé. Fort heureusement, Gerwig ponctue son récit initiatique de quelques répliques acerbes à l’égard du patriarcat. Barbie n’évite d’ailleurs aucun sujet féministe, du culte de la minceur au plafond de verre en passant par le harcèlement sexuel, cette adaptation enfonce de nombreuses portes ouvertes.
Le récit ne s’embarrasse pas de subtilité, préférant faire évoluer son message au travers de gags bien sentis et de tirades poignantes. Après tout, l’entreprise n’avait pas non plus fait dans la dentelle au moment de la réinvention de ses poupées il y a quelques années.
En 2016, et pour la première fois en 56 ans, la mythique poupée s’affichait avec des kilos supplémentaires et quelques centimètres en plus ou en moins. Accusée d’avoir longtemps participer à la promotion d’une beauté irréaliste, Mattel faisait un pas de plus vers l’inclusivité. Ce renouveau, bien que louable dans une volonté de représentation, était aussi une manière pour le géant de redorer son image et d’engranger des billets verts au passage.
Si Barbie moque doucement cette approche mercantile, tout en abordant frontalement la manière dont la poupée a conditionné des millions de fillettes à travers le monde, le film n’ébouriffe pas les spectateurs pour autant. Avec le logo Mattel en guise d’ouverture, difficile de ne pas (un peu) brosser les producteurs dans le sens du poil. Cette approche, qui aurait pu être particulièrement frustrante, fonctionne essentiellement grâce à la tendresse que nous inspirent les personnages. La nostalgie fait son œuvre, et même lorsque qu’un protagoniste enchaîne les lieux communs pour livrer sur un plateau d’argent le message féministe du récit, on se surprend la larme à l’œil.
Barbie n’est pas La Servante Écarlate et ce que le récit perd en subtilité, il le gagne en entrain et en sincérité. Le bonbon de Warner Bros n’est pas aussi acide que prévu. Cependant, il compense grâce à sa douceur et sa propension à tirer vers la pure comédie régressive.
“Tu peux être tout ce que tu veux”
À l’annonce du casting, difficile d’émettre des doutes quant au choix de Margot Robbie pour tenir l’affiche. L’actrice australienne qui s’amuse à déconstruire son mythe à chaque apparition fait une nouvelle démonstration de son talent devant la caméra de Greta Gerwig. Hypnotique, elle donne corps à ce personnage que de nombreux enfants ont rêvé, dont ils se sont emparés et qu’ils ont délaissé alors que l’adolescence pointait le bout de son nez. La sincérité de son affection pour l’univers devient ainsi rapidement le moteur du film. Sous son apparente perfection et sa naïveté chronique, la figurine cache un véritable potentiel comique.
Face à elle, Ryan Gosling ne démérite pas. Plus habitué aux partitions dramatiques, du moins récemment, l’acteur dévoile une nouvelle palette d’émotions et de couleurs. Elles lui vont à ravir. Véritable caution humoristique, Ken est exactement ce qu’il devait être. S’il avait déjà démontré sa maîtrise des performances chantées, Gosling livre ici certaines scènes qui promettent de faire date. Son interlude musical, qui pioche directement dans certains classiques de la comédie musicale comme Grease ou encore Chantons sous la pluie, promet de résonner encore longtemps dans nos cervelles en mal de propositions chantées au cinéma. Ce volet est d’ailleurs particulièrement maîtrisé, au point qu’on regrette que celui-ci ne prenne pas plus de place.
Enfin, Michael Cera est absolument hilarant dans la peau d’Allan, une expérimentation de Mattel qui a été produite dans les années 60. America Ferrera, Kinsgley Ben-Adir et Simu Liu ne déméritent pas même si leur temps d’écran ne leur donne pas toujours l’occasion de briller. Barbie convoque de solides artisans de la comédie et la recette fonctionne à merveille.
Après le matraquage publicitaire dont Warner Bros nous a gratifié, on pouvait légitimement s’interroger sur la réussite de cette transposition de la célèbre poupée sur le grand écran. Si Greta Gerwig ne nous a jamais déçu, même les réalisateurs les plus prometteurs peuvent aisément se retrouver écrasés sous les directives des mastodontes de l’industrie culturelle. Barbie s’impose donc comme un solide récit initiatique à l’esthétique rose bonbon et au message édulcoré. La chronique féministe reste en surface néanmoins cette plongée nostalgique et régressive est un coup de cœur immédiat. Barbie sait définitivement tout faire… Ah oui, et lui c’est juste Ken.
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Je nuancerais votre critique par le fait qu’il y a quand même quelques longueurs inutiles
Le film atteint rapidement la limite “comique” de son univers (plusieurs gags sont d’ailleurs lourdement répétés plusieurs fois) mais mis à part cela le film est franchement fun tout en traitant intelligemment les sujets de sociétés.
C’est moderne, c’est frais, et Margot Robbie et Ryan Gosling sont juste parfaits (et le reste du cast ne démérite pas)
Oh là là, Greta Gerwig, ce n’est pas Gus van sant non plus, faut pas pousser. Et même si Lady bird était tout à fait correct, on ne l’a pas attendu pour être la “référence du genre”.
Alors je ne suis pas un grand spécialiste du cinéma, ni des questions de société.
Juste que je suis ressorti assez mitigé, le film en lui-même est sympa. Il a des scènes de blabla trop longues sur des questions philosophique mais d’autres scènes sont vraiment bien comme la chanson de Ken.
Mon problème c’est que je ne suis pas sur d’avoir compris le message du film et je suis ressorti (sans vouloir spoiler) assez triste pour Ken.
Donc oui c’est juste Ken… et un scène m’a fait mal au cœur pour lui.
Le film met en avant les réussites de Barbie et remet en cause le patriarcat. On peut critiquer sans cesse ce modèle mais en fin de compte combien de Barbie on été acheté grâce à l’argent d’un père aimant?
Combien de femmes ont réussi à réaliser leurs rêves et à s’élever dans la société grace au travail et au soutient de ses parents et du père?
j’ai le sentiment que l’homme avec tous ses défauts on oublie aussi ses qualités et ce qu’il est prêt à donner pour voir sa famille heureuse, face à une Barbie indépendante, un homme effacé trop stupide que pour comprendre les enjeux et pouvoir apprendre l’espagnol.
Barbie finalement tu es indépendante mais n’oublie pas qui t’as payé tes études, maison, voiture, jet ski et garde robe.
Mais j’ai peut-être aussi rien compris au message du film.
Juste de la propagande néo-féministe sans aucun interêt comme toutes les dernières productions américaines.
Perso je ne regarde quasiment plus ce genre de production et me tourne vers le cinéma asiatique (coréen, chinois, japonais) qui véhicule des valeurs plus en phase avec le vrai monde, et qui a surtout la bonne idée d’être divertissant, pas un simple objet de progande idéologique.