Tout le monde ne sera certainement pas d’accord, mais la réalité nous rattrape tous : James Bond et Ethan Hunt ont beau nous prouver qu’ils en ont encore sous le capot film après film, nos espions vieillissent. C’est là que Matthew Vaughn débarquait en 2014, l’œil malicieux, pour dynamiter les standards avec Kingsman premier du nom, offrant au genre un fort accent pop jubilatoire. On ne le savait pas encore, mais une nouvelle franchise d’espionnage venait d’éclore.
Sauf qu’une suite et un préquel plus tard, si on a toujours envie de croire à un retour de Vaughn à son meilleur pour un troisième opus, force de constater que le cinéaste parodique a prouvé qu’il pouvait être aussi sa propre caricature. Quitte à remettre finalement en question notre estime pour le bonhomme dont le travail ne nous aura pas fait vibrer depuis une décennie. Jusqu’à Argylle ?
Argylle est un super-espion dont les capacités n’ont d’égales que son élégance. Aux côtés de son équipe, il compte mettre un terme aux agissements d’une organisation secrète d’espionnage, pour laquelle il travaillait. Sauf que tout ceci n’est que pure fiction, née de l’esprit d’Elly Conway, une romancière à succès dont la vie se résume à son chat Alfie. Ce dont elle ne se doute pas, c’est que ses écrits commencent à rapprocher dangereusement de la réalité. Et lorsqu’une véritable organisation tente de mettre la main sur elle, elle ne va pouvoir compter que sur Aidan, un espion renégat, pour sauver sa vie et celle d’Alfie. Mais où commence la réalité et où commence la fiction ?
Les mauvaises langues diraient que quand la presse voit un film en avance, mais n’a pas le droit d’en parler avant la sortie du dit film, c’est qu’il y a des décideurs pas très à l’aise dans leurs chaussettes quant à sa réception critique. Pourtant, pas de quoi être fébrile de prime abord, Argylle débute en mettant ses intentions au premier plan : on est dans une parodie de genre où James Bond et Ethan Hunt se rencontrent pour partir dans une exagération absolue des clichés. Un ridicule dont le faux premier degré ne laisse aucun doute sur sa volonté de nous tirer vers le second ; sauf peut-être pour un Vin Diesel prenant très sérieusement des notes pour de futurs Fast and Furious. Balle perdue, désolé.
Et qui de mieux pour incarner ce festival absurde qui reprend tous les poncifs des copains que celui qui à la fois joué dans Mission : Impossible, un agent secret dans Code U.N.C.L.E., et qui a vu le rôle de 007 lui passer juste sous la narine droite à l’époque ? Henry Cavill est la caution beau gosse d’action tiré à quatre épingles malgré un acte de terrorisme capillaire qui nous poussera toujours à aller en salle. On est faibles face à Superman. Et quand on lui adjoint l’expert en auto-dérision John Cena, évidemment qu’on signe. Un duo trop beau pour être vrai et sans doute la première trahison du film.
Entendons nous bien, on savait que Cavill n’était pas la vraie star du show, pour le coup même si les affiches promotionnelles pouvaient prétendre le contraire, les différentes bandes-annonces et le synopsis ne laissaient aucun doute sur le changement d’angle opéré par Argylle une fois que la réalité frapperait Elly Conway (Bryce Dallas Howard).
Sauf qu’Argylle joue parfaitement sa partition dans sa première moitié, s’amusant à inscrire Argylle dans une double parodie où l’exagération fictionnelle se confronte sans cesse à une réalité aussi absurde que violente. Des moments où Vaughn joue avec ses acteurs dans des scènes d’action où imagination et réel se superposent. On n’atteint pas le niveau de Kingsman, mais on ne peut nier le retour en force d’un réalisateur mauvais garnement drôle et généreux.
Écraser un crâne c’est comme danser le twist
Sur sa lancée, Argylle pouvait s’inscrire comme un divertissement jubilatoire bien qu’imparfait. Sauf que, à l’instar de Kingsman, le long-métrage tente le twist de milieu d’intrigue pour se donner une nouvelle dynamique. On va donc marquer une pause pour souligner un élément : Vaughn n’est absolument pas impliqué au scénario, confié à Jason Fuchs (Wonder Woman, Pan) pour leur première collaboration.
Alors on se gardera bien de pointer un coupable du doigt tant on a envie de partager les torts entre les deux hommes, mais Argylle se révèle victime de ses propres ambitions burlesques en poussant son exagération au-delà du point de non-retour. En jouant sur le contre-pied systémique pour parodier le film d’espionnage, le métrage multiplie les rebondissements à l’excès jusqu’à nous fatiguer irrémédiablement. Le premier twist est amusant, le quatre-vingt quatrième nous a usés. À vouloir rajouter couche sur couche, Argylle perd son rythme pour devenir un spectacle hystérique épuisant où la parodie se transforme surtout en parodie d’elle-même.
Un récit bien moins maîtrisé qui s’étale inutilement sur la durée, comme une blague dont on ne verrait jamais la chute, cumulant un nombre déraisonnable de séquences inutiles, répétitives, pour prolonger un plaisir qui a pourtant lâché l’affaire dix scènes avant. Une impression de remplissage qui culmine lors d’un tronçon dans la péninsule Arabique où Argylle nous oblige à fixer son vide dans les yeux.
D’autant que si certaines idées parviennent encore à sortir du lot lors du dernier acte, l’exécution de Vaughn a quelque chose de relativement fainéant, préférant l’usage de doublures numériques autant que faire se peut. On est très loin des chorégraphies auxquelles le cinéaste nous a habitué dans ses précédents films.
Surtout que si le tournage du film est terminé depuis un petit moment, il semblerait que la post-production soit, elle, bâclée tant le rendu des effets spéciaux manque cruellement de finition avec des séquences qui ne font même pas semblant de n’impliquer physiquement aucun acteur.
Un peu comme son héroïne qui n’arrive pas à distinguer le vrai du faux, on finit par ne plus savoir si le film quémande constamment notre suspension consentie de crédulité ou s’il ne se moque pas tout simplement de nous. Argylle n’est définitivement pas ce qu’il prétend et, passé la première heure, ce n’est plus une bonne nouvelle.
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