Passer au contenu

Critique Aquaman et le Royaume Perdu : quand DC boit la tasse 🌊

C’est la fin d’une ère. Dix ans après les premiers pas d’Henry Cavill dans Man of Steel, DC prépare un reboot complet de sa licence. Mais avant, Aquaman et le Royaume Perdu fait office d’adieux aux anciennes idôles. Quand le navire prend l’eau, que reste-t-il à sauver ? Critique.

Il y a cinq ans, Aquaman s’invitait dans un océan de productions très sérieuses chez DC. La proposition cinématographique de James Wan avait l’ambition de submerger les spectateurs par la légèreté de son propos et sa généreuse part d’action. Face aux très académiques, pour ne pas dire sinistres Batman et Superman, le personnage campé par Jason Momoa s’illustrait comme le rigolo de la bande au même titre que Flash. Il ne se prend pas au sérieux et met le divertissement au cœur de sa démarche, DC et Warner Bros semblaient s’inspirer de la recette Marvel pour s’inscrire durablement au panthéon des productions super-héroïques les plus plébiscitées par le public, amateurs de comics et surtout néophytes. Le premier volet était ainsi une “origin story” dans le sens le plus strict, une occasion d’instaurer une mythologie au personnage longtemps raillé par les lecteurs.

Un an après le naufrage Justice League, les aventures d’Arthur Curry n’ont eu aucun mal à rencontrer leur public. La tendance à la surenchère amusante du cinéaste et l’apparent plaisir qu’avait Jason Momoa à jouer les gros bras, ont suffi à faire d’Aquaman le premier— et le seul — film milliardaire du DCEU. Fort de ces résultats, le roi de l’Atlantide est passé de héros de seconde zone à monstre du divertissement super-héroïque. Warner Bros n’a donc pas hésité très longtemps avant d’annoncer une suite.

Jason Momoa Aquaman Et Le Royaume Perdu
©

Toujours sous la direction de James Wan, ce second volet devait investir nos écrans en décembre 2022, face à un autre mastodonte aquatique réalisé par James Cameron. Sans doute effrayée par la concurrence, l’entreprise décidera finalement de repousser la sortie, par deux fois. C’est donc ce mercredi 20 décembre que sort Aquaman et le Royaume Perdu au cinéma, prêt à noyer les spectateurs sous un déluge d’effets numériques et de bastons sous-marines.

Plusieurs années après le premier film, Arthur coule des jours heureux avec sa femme Mera. Il est devenu papa et navigue entre sa vie de super-héros, de chef de famille et de roi d’Atlantis. Cet équilibre est néanmoins menacé lorsqu’un étrange phénomène fait monter la température dans les océans et à la surface. Bien décidé à assurer la survie des deux peuples auxquels il appartient, Aquaman doit s’associer à son frère Orm pour affronter l’homme à l’origine de tout cela : Black Manta.

Nicole Kidman Aquaman 2
© Warner Bros

Nager à vue

Le développement d’Aquaman et le Royaume Perdu n’a pas été un long fleuve tranquille. Annoncé à une période faste pour DC, le métrage a dû assister impuissant à la fin imminente de l’univers auquel il appartient. Les nombreux reports lui offrent d’ailleurs la place de clôture, de dernier voyage au cœur de la licence imaginée par Snyder en 2013. Ce sont sans doute des responsabilités dont se serait bien passé le personnage campé par Jason Momoa, lui qui avait plutôt cultivé sa singularité au sein du lore.

Dans le même temps, James Wan et ses équipes ont dû composer avec des retours catastrophiques lors des projections tests. De nombreux spectateurs auraient quitté l’assemblée, outrés par les choix opérés par le scénario. C’est donc une version charcutée, délestée de tous les éléments qui ont fait débat et ayant profité de nombreux reshoots qui investit nos salles obscures. Les spectateurs commencent à en avoir l’habitude, ce procédé est rarement en la faveur d’un film. Aquaman et le Royaume Perdu n’échappe pas à cette règle. Le film semble avoir été repensé dans son intégralité, pour reproduire le petit miracle financier qu’a été son prédécesseur. Une question se pose désormais : est-ce toujours un film ?

James Wan, malgré son amour pour le cinéma de genre, n’avait sans doute pas l’ambition d’offrir une relecture du mythe de Frankenstein. Néanmoins, comme le scientifique de Mary Shelley, il est dépassé par sa création. Son film ressemble trait pour trait à l’œuvre d’un savant fou, tentant de piocher ici et là sans jamais donner corps à ces nombreuses idées. Entre drame, comédie et bon film d’action, cette suite ne choisit jamais. La greffe ne prend pas, le récit est vide de sens. Le divertissement bébête qu’était le premier volet se mue peu à peu en un amas d’enjeux narratifs, une succession de quêtes sans queue ni tête.

Patrick Wilson Aquaman 2
© Warner Bros

Le duo principal, ici Arthur et son frère Orm, voyage de lieux en lieux gratifiant ici et là les spectateurs de quelques séquences “comiques”. Même ce volet plutôt maîtrisé dans le précédent film tombe à l’eau. Rien dans Aquaman et le Royaume Perdu ne sonne comme un film, même dans la catégorie série B. Il s’agissait pourtant de raconter comment Atlantis doit pour la première fois collaborer avec la surface pour assurer sa survie, explorer la relation fraternelle d’Arthur et Orm, suivre à nouveau la quête vengeresse de Black Manta autant que préparer le retour d’une ancienne civilisation zombifiée. En n’ancrant jamais son point de vue, le récit donne le tournis. Pire, les accents dramatiques sont finalement plus risibles que le reste du propos. La seule consolation dans cet océan de ratés se trouve sans doute dans la promesse de “cet ultime film avec Jason Momoa”, jamais plus un tel affront ne devrait être fait aux spectateurs, du moins au sein du DCEU.

Pas les truites les plus oxygénées du ruisseau

Si l’on n’a pas vraiment adhéré au parti pris de James Wan avec le premier volet, on peut reconnaître une certaine générosité du cinéaste dans sa mise en scène autant que dans l’intérêt qu’il portait à ses héros. Jason Momoa pouvait également être salué, lui qui avait fait transparaître son plaisir à enfiler le costume à chaque seconde. À renfort de contraction de muscle, de ralenti et de regards sombres, il avait sans peine icônisé son protagoniste qui était pourtant assez ridicule sur le papier. Même lorsqu’il chevauchait un hippocampe, l’américain le faisait avec entrain.

Aquaman Combats
© Warner Bros

Cette suite le montre plus en retrait, troquant son rôle d’ivrogne notoire pour celui de papa débordé et de roi lassé par les responsabilités qui lui incombent. Pris entre deux feux, il ne peut plus compter que sur son capital sympathie pour faire recette. Patrick Wilson ne s’en sort pas mieux, pris au piège dans une partition qui manque cruellement de nuances. Enfin, Yahya Abdul-Mateen fait ce qu’il peut pour éviter le piège de la parodie, pas franchement aidé par un scénario qui tente dès qu’il en l’occasion de l’enfermer dans un récit sans nuances, pétri de clichés et d’idées rassies.

Tout y passe, à l’instar d’un dialogue face à un miroir qui rappelle le Bouffon Vert de Dafoe, moins le talent d’écriture de David Koepp et James Vanderbilt. On terminera par la quasi-absence d’Amber Heard, pourtant à l’épicentre du précédent film. Après le très médiatisé procès qui l’opposait à Johnny Depp, l’actrice semble avoir été mise au ban. Au moyen d’un ressort scénaristique attendu, elle est écartée au profit de Patrick Wilson. Alors même que la logique voudrait qu’elle soit partie prenante de cette aventure, l’impression dérangeante d’un bâillonnement dans les règles de l’art ne quittera pas le spectateur. On apprécie en revanche beaucoup la petite pieuvre qui accompagne le duo principal, malheureusement trop peu présente à notre goût.

Aquaman Black Manta
© Warner Bros

Quelques belles idées en surface

La pandémie est l’une des raisons évoquées par Warner Bros. pour justifier cet important retard d’Aquaman et le Royaume Perdu. Pour soulager les équipes créatives, et leur offrir le temps nécessaire à l’éclosion de ce monde aquatique, le studio a ainsi misé sur une sortie au cinéma en 2023 plutôt que face au monstre technologique qu’a été Avatar : La Voie de L’Eau. Si le film n’avait pas l’ambition de jouer dans la même cour, force est de constater qu’il aurait fait pâle figure. Pour peu que l’on aime les effets numériques désuets, le premier film était une plutôt bonne surprise. Au milieu d’une multitude de VFX qui prête à sourire, James Wan misait sur quelques idées de mise en scène au mieux malignes, au pire divertissantes. L’on pouvait espérer que cette suite soit faite du même bois, mettant l’action et les scènes de combat au cœur de son procédé. C’est râpé.

Mise En Scène Aquaman 2
© Warner Bros

Là où son prédécesseur pouvait compter sur quelques décors terrestres enthousiasmants, et autant d’idées de mise en scène, cette suite se retrouve entraînée vers les Abymes d’un monde aquatique d’une fadeur sans nom et aux opportunités de coup de sang cinématographiques réduites à néants. La copie de James Wan se contente de quelques effets capillaires numériques et bulles façon écran de veille Windows pour rappeler aux spectateurs qu’ils évoluent bien dans les profondeurs d’un océan habité par les Atlantes.

Aucune des scènes de combats aquatiques ne se démarque, il faudra attendre d’être sur la terre ferme pour que nos encéphalogrammes plats ne reprennent du poil de bête. Tout n’est effectivement pas à jeter ici, surtout lorsqu’il s’agit pour James Wan d’immortaliser l’environnement métallique d’un vaisseau millénaire ou de faire naître des monstres mécaniques qui rappellent les récits de Jules Verne. Dans ce sombre tableau, il trouve parfois un peu de lumière et l’on s’y accroche. Sa manière de consacrer quelques scènes à des morts-vivants est réjouissante, quoique particulièrement fugace. C’est sans doute ici, dans ce qui pioche du côté des premières amours du cinéaste, qu’Aquaman et le Royaume Perdu trouve son salut. James Wan, qui n’aura finalement pas eu l’occasion de développer son spin-off Trench, aurait sans doute été plus à l’aise de ce côté du prisme, les séquences qui le rappellent à ce ton horrifique compte parmi les plus réussies. En revanche, les ralentis…

Aquaman 2 Dc
© Warner Bros

Reste désormais à souhaiter à l’écurie DC un avenir meilleur, loin des dérives du DCEU. On peut espérer que sous l’impulsion de James Gunn, Batman, Superman et leurs compères bénéficient enfin de l’adaptation et de l’univers qu’ils méritent. Le public pourra toujours se consoler à la perspective de retrouver prochainement The Batman et Joker, respectivement de Matt Reeves et Todd Philipps, seules propositions solides de ces dernières années.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

Notre avis

Naufrage inévitable pour Aquaman et le Royaume Perdu, qui pâti d’une licence en fin de carrière autant que du chaos qui l’a fait éclore. La nouvelle aventure du super-héros est un film foutraque, dénué de sens et qui ne trouve son salut que dans quelques bonnes idées de son réalisateur. Adieu le DCEU.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 2 / 10
6 commentaires
  1. Je s’en que se film va faire un véritable flops.
    Même si Amber est a l’image que quelque secondes c’est déjà trop.
    Je n’irai pas le voir.
    Pas envie de payer un place pour un film qui vaut pas la peine.

  2. À quoi bon si le spectateur a perdu son plaisir ?

    Ce n’est pas Que la faute des films, ceux qui les voient auraient dû aussi prendre sur eux, et mieux regarder, sans répéter du prêt-à-penser tout rance…
    Comme il y a 5 ans : le premier “Aquaman” y était alors un divertissement d’aventure très généreux, courant autour du monde, faisant accepter un héros de papier au look et au Lore plutôt ridicule (“le poisson ça pue, l’écologie ça gonfle”), en mettant de côté tout ce qui faisait doublon avec Superman ou même Tarzan (noble enfant de deux mondes).
    Le tout étant plein de rebondissements, visuellement très net, assumé comme “poseur” et plein de bons sentiments, compensant le fait que les sujets sur l’écologie, l’amour éternel, la responsabilité, la vengeance etc ne restaient qu’en surface (!)…
    Et c’était bon. Très bon pour des fêtes de fin d’année, aussi coloré qu’un arbre de Noël.

    Eh bien sa suite, c’est exactement la même chose.
    Avec un résumé express, qui rattrape les années passées hors-champ – sans surprises, mais confirmant heureusement que rien n’a été annulé, que tous les précédents arcs narratifs s’assument toujours.
    Une impressionnante scène d’exploration lorgnant sur du Lovecraft, comme une relique de ce qu’aurait pu être le spin-off “The Trench”.
    Une bande de sous-mariniers sortis tout droit des années 50/60 (pensez à l’équipage de Cousteau, ou surtout à la série d’animation avec des marionnettes, “Stingray”).
    Une enquête aux quatre coins du monde, course-poursuite Pulp sans restrictions… dans la ville d’Atlantis, dans une prison des sables, dans un repaire de hors-la-loi, sur une île aux monstres volcanique, dans un tombeau de glaces.
    Un méchant super fort, obsessionnel et damné.
    Plein plein plein de créatures marines, dont des monstres énormes (c’est la seule marotte thématique du réalisateur James Wan, et on sent son enthousiasme), et une armée maléfique semblant sortir du Seigneur des Anneaux.
    Des gros combats aux poings destructeurs, annihilant toute gravité – dont un aux tridents en plan-séquence, renversant.
    Des séquences découpées pour toujours finir sur une “chute” (souvent gaguesque).
    Des femmes qui se battent comme des As, à défaut d’avoir quelque chose à jouer…

    Car si, comme dans le premier, on a à peu près deux tiers de l’histoire qui repose sur un duo de personnages conflictuels, le film évite encore de trop se disperser (sans être trop inélégant avec les actrices). Avant de se recentrer sur quelque chose de plus intime dans la dernière partie.
    On est avec les deux frères cette fois, apprenant à se connaître et assumant à fond le buddy movie de type “48 heures” – la grosse brute hirsute, qui cache ses insécurités derrière sa beaufitude (puisqu’il le dit lui-même), et son comparse sophistiqué et sarcastique, atterré devant ce mélange de balourdise et de lueur d’esprit. Après la romance, la bromance… celle des années 80/90, tout en muscles machos, souvent ringarde (ces remix de chansons !?), mais jamais arrogante envers le spectateur.
    Ça amène à la grande idée de ce film : scinder en deux la Persona du Aquaman des comics, nous présentant à la fois le pire et le meilleur du héros, pour arriver à un équilibre.
    À Patrick Wilson de prendre en charge le héros quand il était écrit de manière premier degré, un peu noble, un peu strict, souvent très ennuyeux (à divers moments, on a vraiment l’impression que c’est Arthur qu’on voit à l’écran, plutôt que Orm).
    À Jason Momoa de continuer à incarner le héros tel qu’il a été écrit plus tardivement, de façon plus sauvage, orgueilleux, miteux, incorrigible… mais aussi charmant, extrêmement habile et qui sait faire entendre sa voix avec autorité quand il le faut (même si à divers moments, c’est beaucoup trop Lobo qu’on y voit).

    C’est toujours un peu clichetoneux, ça ne va pas traiter vraiment des pères solitaires, de la difficulté d’être roi d’un Etat et aussi justicier du Monde entier, du prix moral à payer quand ses actions brisent des vies et entraînent de funestes conséquences, de la force des liens du sang, de l’union des peuples pour sauver la Nature du Capitalisme sauvage… C’est exposé, certes, mais en dehors de quelques phrases et autres métaphores, ce n’est pas complétement écrit.
    Ce qui aurait toutefois pu donner le risque de s’autoparasiter, tant les thématiques possibles s’y multiplient.
    Rien d’original (toutes les idées du film, on a déjà pu les voir ailleurs, y compris chez Marvel)… mais toujours Gé – né – reux. Aucune raison de suranalyser telle présence d’actrice, tel contexte de sortie au cinéma, tel ton désinvolte, ça serait une perte de temps réellement stupide, sans rapport avec le type de grand spectacle qu’on nous propose.
    Puisque, surtout, ça va droit au but, ça ne tergiverse pas, et c’est tant mieux : c’est ça qu’on devrait attendre des super-héros aussi bien que chez des pompiers… se jeter dans l’action, avec des costaud(e)s qui savent ce qu’ils font, et qui font ce qu’ils disent.
    In extremis on a eu ça cette année, ouf !

    Quoi de mieux qu’un héros qui émerge à temps pour sauver la situation ! 🌊

  3. @ Flo
    Merci pour votre longue analyse.
    Je partage votre sentiment sur le premier opus et vous m’avez donné envie de voir le deuxième 🙂

  4. Je sais si les français sont capables des films et des comics tel DC…
    Moi français, je sais : râlé, baisse, mangé, boire…sinon je suis nul

  5. Raz le bol du comique pré-ado pour les supers héros ! S’il faut courir après Marvel pour faire les zozos en capes, au secours !
    Le sinistre vous dites ? Mais qui fait le choix de faire sérieux ? Vraiment sérieux ?
    Avoir des héros incroyables comme Superman et gâcher ainsi la production par des scénarios pour un groupe débile de supers héros. Quel malheur.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Mode