Il y a cinq ans, Aquaman s’invitait dans un océan de productions très sérieuses chez DC. La proposition cinématographique de James Wan avait l’ambition de submerger les spectateurs par la légèreté de son propos et sa généreuse part d’action. Face aux très académiques, pour ne pas dire sinistres Batman et Superman, le personnage campé par Jason Momoa s’illustrait comme le rigolo de la bande au même titre que Flash. Il ne se prend pas au sérieux et met le divertissement au cœur de sa démarche, DC et Warner Bros semblaient s’inspirer de la recette Marvel pour s’inscrire durablement au panthéon des productions super-héroïques les plus plébiscitées par le public, amateurs de comics et surtout néophytes. Le premier volet était ainsi une “origin story” dans le sens le plus strict, une occasion d’instaurer une mythologie au personnage longtemps raillé par les lecteurs.
Un an après le naufrage Justice League, les aventures d’Arthur Curry n’ont eu aucun mal à rencontrer leur public. La tendance à la surenchère amusante du cinéaste et l’apparent plaisir qu’avait Jason Momoa à jouer les gros bras, ont suffi à faire d’Aquaman le premier— et le seul — film milliardaire du DCEU. Fort de ces résultats, le roi de l’Atlantide est passé de héros de seconde zone à monstre du divertissement super-héroïque. Warner Bros n’a donc pas hésité très longtemps avant d’annoncer une suite.
Toujours sous la direction de James Wan, ce second volet devait investir nos écrans en décembre 2022, face à un autre mastodonte aquatique réalisé par James Cameron. Sans doute effrayée par la concurrence, l’entreprise décidera finalement de repousser la sortie, par deux fois. C’est donc ce mercredi 20 décembre que sort Aquaman et le Royaume Perdu au cinéma, prêt à noyer les spectateurs sous un déluge d’effets numériques et de bastons sous-marines.
Plusieurs années après le premier film, Arthur coule des jours heureux avec sa femme Mera. Il est devenu papa et navigue entre sa vie de super-héros, de chef de famille et de roi d’Atlantis. Cet équilibre est néanmoins menacé lorsqu’un étrange phénomène fait monter la température dans les océans et à la surface. Bien décidé à assurer la survie des deux peuples auxquels il appartient, Aquaman doit s’associer à son frère Orm pour affronter l’homme à l’origine de tout cela : Black Manta.
Nager Ă vue
Le développement d’Aquaman et le Royaume Perdu n’a pas été un long fleuve tranquille. Annoncé à une période faste pour DC, le métrage a dû assister impuissant à la fin imminente de l’univers auquel il appartient. Les nombreux reports lui offrent d’ailleurs la place de clôture, de dernier voyage au cœur de la licence imaginée par Snyder en 2013. Ce sont sans doute des responsabilités dont se serait bien passé le personnage campé par Jason Momoa, lui qui avait plutôt cultivé sa singularité au sein du lore.
Dans le même temps, James Wan et ses équipes ont dû composer avec des retours catastrophiques lors des projections tests. De nombreux spectateurs auraient quitté l’assemblée, outrés par les choix opérés par le scénario. C’est donc une version charcutée, délestée de tous les éléments qui ont fait débat et ayant profité de nombreux reshoots qui investit nos salles obscures. Les spectateurs commencent à en avoir l’habitude, ce procédé est rarement en la faveur d’un film. Aquaman et le Royaume Perdu n’échappe pas à cette règle. Le film semble avoir été repensé dans son intégralité, pour reproduire le petit miracle financier qu’a été son prédécesseur. Une question se pose désormais : est-ce toujours un film ?
James Wan, malgré son amour pour le cinéma de genre, n’avait sans doute pas l’ambition d’offrir une relecture du mythe de Frankenstein. Néanmoins, comme le scientifique de Mary Shelley, il est dépassé par sa création. Son film ressemble trait pour trait à l’œuvre d’un savant fou, tentant de piocher ici et là sans jamais donner corps à ces nombreuses idées. Entre drame, comédie et bon film d’action, cette suite ne choisit jamais. La greffe ne prend pas, le récit est vide de sens. Le divertissement bébête qu’était le premier volet se mue peu à peu en un amas d’enjeux narratifs, une succession de quêtes sans queue ni tête.
Le duo principal, ici Arthur et son frère Orm, voyage de lieux en lieux gratifiant ici et là les spectateurs de quelques séquences “comiques”. Même ce volet plutôt maîtrisé dans le précédent film tombe à l’eau. Rien dans Aquaman et le Royaume Perdu ne sonne comme un film, même dans la catégorie série B. Il s’agissait pourtant de raconter comment Atlantis doit pour la première fois collaborer avec la surface pour assurer sa survie, explorer la relation fraternelle d’Arthur et Orm, suivre à nouveau la quête vengeresse de Black Manta autant que préparer le retour d’une ancienne civilisation zombifiée. En n’ancrant jamais son point de vue, le récit donne le tournis. Pire, les accents dramatiques sont finalement plus risibles que le reste du propos. La seule consolation dans cet océan de ratés se trouve sans doute dans la promesse de “cet ultime film avec Jason Momoa”, jamais plus un tel affront ne devrait être fait aux spectateurs, du moins au sein du DCEU.
Pas les truites les plus oxygénées du ruisseau
Si l’on n’a pas vraiment adhĂ©rĂ© au parti pris de James Wan avec le premier volet, on peut reconnaĂ®tre une certaine gĂ©nĂ©rositĂ© du cinĂ©aste dans sa mise en scène autant que dans l’intĂ©rĂŞt qu’il portait Ă ses hĂ©ros. Jason Momoa pouvait Ă©galement ĂŞtre saluĂ©, lui qui avait fait transparaĂ®tre son plaisir Ă enfiler le costume Ă chaque seconde. Ă€ renfort de contraction de muscle, de ralenti et de regards sombres, il avait sans peine icĂ´nisĂ© son protagoniste qui Ă©tait pourtant assez ridicule sur le papier. MĂŞme lorsqu’il chevauchait un hippocampe, l’amĂ©ricain le faisait avec entrain.
Cette suite le montre plus en retrait, troquant son rĂ´le d’ivrogne notoire pour celui de papa dĂ©bordĂ© et de roi lassĂ© par les responsabilitĂ©s qui lui incombent. Pris entre deux feux, il ne peut plus compter que sur son capital sympathie pour faire recette. Patrick Wilson ne s’en sort pas mieux, pris au piège dans une partition qui manque cruellement de nuances. Enfin, Yahya Abdul-Mateen fait ce qu’il peut pour Ă©viter le piège de la parodie, pas franchement aidĂ© par un scĂ©nario qui tente dès qu’il en l’occasion de l’enfermer dans un rĂ©cit sans nuances, pĂ©tri de clichĂ©s et d’idĂ©es rassies.
Tout y passe, à l’instar d’un dialogue face à un miroir qui rappelle le Bouffon Vert de Dafoe, moins le talent d’écriture de David Koepp et James Vanderbilt. On terminera par la quasi-absence d’Amber Heard, pourtant à l’épicentre du précédent film. Après le très médiatisé procès qui l’opposait à Johnny Depp, l’actrice semble avoir été mise au ban. Au moyen d’un ressort scénaristique attendu, elle est écartée au profit de Patrick Wilson. Alors même que la logique voudrait qu’elle soit partie prenante de cette aventure, l’impression dérangeante d’un bâillonnement dans les règles de l’art ne quittera pas le spectateur. On apprécie en revanche beaucoup la petite pieuvre qui accompagne le duo principal, malheureusement trop peu présente à notre goût.
Quelques belles idées en surface
La pandémie est l’une des raisons évoquées par Warner Bros. pour justifier cet important retard d’Aquaman et le Royaume Perdu. Pour soulager les équipes créatives, et leur offrir le temps nécessaire à l’éclosion de ce monde aquatique, le studio a ainsi misé sur une sortie au cinéma en 2023 plutôt que face au monstre technologique qu’a été Avatar : La Voie de L’Eau. Si le film n’avait pas l’ambition de jouer dans la même cour, force est de constater qu’il aurait fait pâle figure. Pour peu que l’on aime les effets numériques désuets, le premier film était une plutôt bonne surprise. Au milieu d’une multitude de VFX qui prête à sourire, James Wan misait sur quelques idées de mise en scène au mieux malignes, au pire divertissantes. L’on pouvait espérer que cette suite soit faite du même bois, mettant l’action et les scènes de combat au cœur de son procédé. C’est râpé.
LĂ oĂą son prĂ©dĂ©cesseur pouvait compter sur quelques dĂ©cors terrestres enthousiasmants, et autant d’idĂ©es de mise en scène, cette suite se retrouve entraĂ®nĂ©e vers les Abymes d’un monde aquatique d’une fadeur sans nom et aux opportunitĂ©s de coup de sang cinĂ©matographiques rĂ©duites Ă nĂ©ants. La copie de James Wan se contente de quelques effets capillaires numĂ©riques et bulles façon Ă©cran de veille Windows pour rappeler aux spectateurs qu’ils Ă©voluent bien dans les profondeurs d’un ocĂ©an habitĂ© par les Atlantes.
Aucune des scènes de combats aquatiques ne se dĂ©marque, il faudra attendre d’être sur la terre ferme pour que nos encĂ©phalogrammes plats ne reprennent du poil de bĂŞte. Tout n’est effectivement pas Ă jeter ici, surtout lorsqu’il s’agit pour James Wan d’immortaliser l’environnement mĂ©tallique d’un vaisseau millĂ©naire ou de faire naĂ®tre des monstres mĂ©caniques qui rappellent les rĂ©cits de Jules Verne. Dans ce sombre tableau, il trouve parfois un peu de lumière et l’on s’y accroche. Sa manière de consacrer quelques scènes Ă des morts-vivants est rĂ©jouissante, quoique particulièrement fugace. C’est sans doute ici, dans ce qui pioche du cĂ´tĂ© des premières amours du cinĂ©aste, qu’Aquaman et le Royaume Perdu trouve son salut. James Wan, qui n’aura finalement pas eu l’occasion de dĂ©velopper son spin-off Trench, aurait sans doute Ă©tĂ© plus Ă l’aise de ce cĂ´tĂ© du prisme, les sĂ©quences qui le rappellent Ă ce ton horrifique compte parmi les plus rĂ©ussies. En revanche, les ralentis…
Reste désormais à souhaiter à l’écurie DC un avenir meilleur, loin des dérives du DCEU. On peut espérer que sous l’impulsion de James Gunn, Batman, Superman et leurs compères bénéficient enfin de l’adaptation et de l’univers qu’ils méritent. Le public pourra toujours se consoler à la perspective de retrouver prochainement The Batman et Joker, respectivement de Matt Reeves et Todd Philipps, seules propositions solides de ces dernières années.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.
Je s’en que se film va faire un vĂ©ritable flops.
MĂŞme si Amber est a l’image que quelque secondes c’est dĂ©jĂ trop.
Je n’irai pas le voir.
Pas envie de payer un place pour un film qui vaut pas la peine.
Ă€ quoi bon si le spectateur a perdu son plaisir ?
Ce n’est pas Que la faute des films, ceux qui les voient auraient dĂ» aussi prendre sur eux, et mieux regarder, sans rĂ©pĂ©ter du prĂŞt-Ă -penser tout rance…
Comme il y a 5 ans : le premier “Aquaman” y Ă©tait alors un divertissement d’aventure très gĂ©nĂ©reux, courant autour du monde, faisant accepter un hĂ©ros de papier au look et au Lore plutĂ´t ridicule (“le poisson ça pue, l’Ă©cologie ça gonfle”), en mettant de cĂ´tĂ© tout ce qui faisait doublon avec Superman ou mĂŞme Tarzan (noble enfant de deux mondes).
Le tout Ă©tant plein de rebondissements, visuellement très net, assumĂ© comme “poseur” et plein de bons sentiments, compensant le fait que les sujets sur l’Ă©cologie, l’amour Ă©ternel, la responsabilitĂ©, la vengeance etc ne restaient qu’en surface (!)…
Et c’Ă©tait bon. Très bon pour des fĂŞtes de fin d’annĂ©e, aussi colorĂ© qu’un arbre de NoĂ«l.
Eh bien sa suite, c’est exactement la mĂŞme chose.
Avec un rĂ©sumĂ© express, qui rattrape les annĂ©es passĂ©es hors-champ – sans surprises, mais confirmant heureusement que rien n’a Ă©tĂ© annulĂ©, que tous les prĂ©cĂ©dents arcs narratifs s’assument toujours.
Une impressionnante scène d’exploration lorgnant sur du Lovecraft, comme une relique de ce qu’aurait pu ĂŞtre le spin-off “The Trench”.
Une bande de sous-mariniers sortis tout droit des annĂ©es 50/60 (pensez Ă l’Ă©quipage de Cousteau, ou surtout Ă la sĂ©rie d’animation avec des marionnettes, “Stingray”).
Une enquĂŞte aux quatre coins du monde, course-poursuite Pulp sans restrictions… dans la ville d’Atlantis, dans une prison des sables, dans un repaire de hors-la-loi, sur une Ă®le aux monstres volcanique, dans un tombeau de glaces.
Un méchant super fort, obsessionnel et damné.
Plein plein plein de crĂ©atures marines, dont des monstres Ă©normes (c’est la seule marotte thĂ©matique du rĂ©alisateur James Wan, et on sent son enthousiasme), et une armĂ©e malĂ©fique semblant sortir du Seigneur des Anneaux.
Des gros combats aux poings destructeurs, annihilant toute gravitĂ© – dont un aux tridents en plan-sĂ©quence, renversant.
Des sĂ©quences dĂ©coupĂ©es pour toujours finir sur une “chute” (souvent gaguesque).
Des femmes qui se battent comme des As, Ă dĂ©faut d’avoir quelque chose Ă jouer…
Car si, comme dans le premier, on a Ă peu près deux tiers de l’histoire qui repose sur un duo de personnages conflictuels, le film Ă©vite encore de trop se disperser (sans ĂŞtre trop inĂ©lĂ©gant avec les actrices). Avant de se recentrer sur quelque chose de plus intime dans la dernière partie.
On est avec les deux frères cette fois, apprenant Ă se connaĂ®tre et assumant Ă fond le buddy movie de type “48 heures” – la grosse brute hirsute, qui cache ses insĂ©curitĂ©s derrière sa beaufitude (puisqu’il le dit lui-mĂŞme), et son comparse sophistiquĂ© et sarcastique, atterrĂ© devant ce mĂ©lange de balourdise et de lueur d’esprit. Après la romance, la bromance… celle des annĂ©es 80/90, tout en muscles machos, souvent ringarde (ces remix de chansons !?), mais jamais arrogante envers le spectateur.
Ça amène à la grande idée de ce film : scinder en deux la Persona du Aquaman des comics, nous présentant à la fois le pire et le meilleur du héros, pour arriver à un équilibre.
Ă€ Patrick Wilson de prendre en charge le hĂ©ros quand il Ă©tait Ă©crit de manière premier degrĂ©, un peu noble, un peu strict, souvent très ennuyeux (Ă divers moments, on a vraiment l’impression que c’est Arthur qu’on voit Ă l’Ă©cran, plutĂ´t que Orm).
Ă€ Jason Momoa de continuer Ă incarner le hĂ©ros tel qu’il a Ă©tĂ© Ă©crit plus tardivement, de façon plus sauvage, orgueilleux, miteux, incorrigible… mais aussi charmant, extrĂŞmement habile et qui sait faire entendre sa voix avec autoritĂ© quand il le faut (mĂŞme si Ă divers moments, c’est beaucoup trop Lobo qu’on y voit).
C’est toujours un peu clichetoneux, ça ne va pas traiter vraiment des pères solitaires, de la difficultĂ© d’ĂŞtre roi d’un Etat et aussi justicier du Monde entier, du prix moral Ă payer quand ses actions brisent des vies et entraĂ®nent de funestes consĂ©quences, de la force des liens du sang, de l’union des peuples pour sauver la Nature du Capitalisme sauvage… C’est exposĂ©, certes, mais en dehors de quelques phrases et autres mĂ©taphores, ce n’est pas complĂ©tement Ă©crit.
Ce qui aurait toutefois pu donner le risque de s’autoparasiter, tant les thĂ©matiques possibles s’y multiplient.
Rien d’original (toutes les idĂ©es du film, on a dĂ©jĂ pu les voir ailleurs, y compris chez Marvel)… mais toujours GĂ© – nĂ© – reux. Aucune raison de suranalyser telle prĂ©sence d’actrice, tel contexte de sortie au cinĂ©ma, tel ton dĂ©sinvolte, ça serait une perte de temps rĂ©ellement stupide, sans rapport avec le type de grand spectacle qu’on nous propose.
Puisque, surtout, ça va droit au but, ça ne tergiverse pas, et c’est tant mieux : c’est ça qu’on devrait attendre des super-hĂ©ros aussi bien que chez des pompiers… se jeter dans l’action, avec des costaud(e)s qui savent ce qu’ils font, et qui font ce qu’ils disent.
In extremis on a eu ça cette année, ouf !
Quoi de mieux qu’un hĂ©ros qui Ă©merge Ă temps pour sauver la situation ! 🌊
@ Flo
Merci pour votre longue analyse.
Je partage votre sentiment sur le premier opus et vous m’avez donnĂ© envie de voir le deuxième 🙂
Je sais si les français sont capables des films et des comics tel DC…
Moi français, je sais : râlĂ©, baisse, mangĂ©, boire…sinon je suis nul
Faut vraiment que vous arrĂŞtiez de faire des critiques… Vos arguments sont abyssaux…
Raz le bol du comique prĂ©-ado pour les supers hĂ©ros ! S’il faut courir après Marvel pour faire les zozos en capes, au secours !
Le sinistre vous dites ? Mais qui fait le choix de faire sérieux ? Vraiment sérieux ?
Avoir des héros incroyables comme Superman et gâcher ainsi la production par des scénarios pour un groupe débile de supers héros. Quel malheur.