Oui, on sait, notre titre est peut-ĂȘtre un peu fort. Mais avouez qu’une histoire de vengeance en plein Paris qui sort sur grand Ă©cran une semaine aprĂšs un certain John Wick 4, le tout dans une ambiance de loi des gangs du dĂ©but du XXe siĂšcle, le double parallĂšle est facile. Et puis, si ça suffit Ă faire monter l’intĂ©rĂȘt autour du nouveau film de Romain Quirot, alors on assume pleinement notre choix tant Apaches mĂ©rite bien un coup de projecteur.
Une entrĂ©e en matiĂšre moins acadĂ©mique que d’ordinaire qui colle bien Ă l’idĂ©e du long-mĂ©trage lui-mĂȘme, rĂ©cit d’une jeune femme intĂ©grant les Apaches, un gang qui n’hĂ©sitait pas Ă voler et Ă tuer dans le Paris d’avant-guerre alors que la rĂ©volution industrielle change le visage de la Capitale. Une troupe vivant au jour le jour, l’esprit libre et la rage au ventre. Rage qui va animer notre hĂ©roĂŻne alors qu’elle se rapproche de plus en plus de l’homme qui a tuĂ© son frĂšre.
Colore ma vie du chaos des ennuis
Si on apprĂ©cie tant le jeune cinĂ©ma de Romain Quirot, c’est parce que malgrĂ© ses nombreuses faiblesses, c’est un cinĂ©ma qui s’accepte, ne cherchant jamais Ă se travestir ou Ă rentrer dans les cases. Au fond, c’est un cinĂ©ma anarchiste qui se retrouve ici parfaitement dans son sujet, ne prĂ©sentant pas moins ses Apaches comme un gang de criminels que comme des gens rĂ©unis par ce mĂȘme dĂ©sir de vivre loin des rĂšgles qu’on veut leur imposer ; et qui trouvent dans la violence un moyen d’exprimer leur colĂšre contre une sociĂ©tĂ© bourgeoise qui veut les museler.
DĂšs lors, on ne peut bouder complĂštement notre plaisir devant cet objet pop, colorĂ© qui se fiche des conventions, de la valeur historique, prĂ©fĂ©rant afficher ses anachronismes pour mettre en avant davantage l’idĂ©e que les actes. Mais Quirot ne fait pas pour autant des hĂ©ros de ses personnages, prĂ©fĂ©rant y voir une gĂ©nĂ©ration perdue se rebellant contre le changement. Au final, Apaches n’est pas tant un film de gangsters qu’une poĂ©sie hors du temps qui trouve toujours un Ă©cho une centaine d’annĂ©es plus tard. Ici, l’important n’est pas l’atterrissage, c’est la chute.
Une note d’intention qu’on retrouve finalement tout au long du mĂ©trage tant son action, comme sa fin, y est abrupte. D’une durĂ©e de seulement une heure et demie, le film ne prend que peu le temps d’installer ses scĂšnes. Comme s’il fallait rapidement passer Ă autre chose. C’est tantĂŽt dĂ©concertant, tantĂŽt dĂ©cevant, mais c’est toujours pertinent dans le propos gĂ©nĂ©ral. Du moins, on l’espĂšre.
Des Apaches restés en jachÚre
Parce que si on a envie de prĂȘter cette volontĂ© consciente Ă Romain Quirot d’exagĂ©rer parfois trop fortement son film pour le propre bien de celui-ci, c’est justement parce qu’Apaches ne se montre pas Ă la hauteur de nos espĂ©rances une fois son extrĂ©misme audacieux mis de cĂŽtĂ©.
On passera Ă©videmment sur un manque de budget visible tant le cinĂ©aste n’en fait toujours pas un frein Ă ses projets (bien lui en prend) pour s’intĂ©resser davantage Ă un certain manque d’ambition narrative. Par sa rapiditĂ© scĂ©naristique, le film empĂȘche que l’on s’arrĂȘte sur des dĂ©tails qui auraient pourtant eu leur importance. On retrouve ainsi les lacunes du Dernier Voyage avec un rĂ©cit Ă trĂšs fort potentiel, mais qui tombent trop facilement dans les poncifs du genre pour vraiment s’extirper de la masse dĂšs lors l’effet de style digĂ©rĂ©.
Ainsi, on ne parviendra pas vraiment Ă s’attacher Ă des personnages dont les portraits et les relations ne sont que brossĂ©s, handicapĂ©s par une quĂȘte de vengeance qui doit avancer. Les nombreuses ellipses tentant alors de combler les manques, mais la technique est bien trop superficielle pour qu’on tombe dans le panneau. Jamais on ne comprendra rĂ©ellement le leadership indiscutĂ© de JĂ©sus (Niels Schneider) au-delĂ de son simple charisme. Jamais on ne partagera le trouble habitant Billy (Alice Isaaz), tiraillĂ©e entre sa haine et son amour.
Un dĂ©faut accentuĂ© par ce qui reste, pour l’instant, le gros point noir de la jeune carriĂšre du rĂ©alisateur : une direction d’acteurs qui peine Ă faire ressortir le meilleur de son casting pourtant solide. Dans leur jeu, leurs interactions, on a constamment l’impression que tout sonne faux, obligĂ©, comme s’il ne comprenait pas eux-mĂȘmes les personnages qu’ils sont censĂ©s incarnĂ©s au-delĂ de leurs descriptions basiques.
Apaches prouve ainsi que Romain Quirot a encore une Ă©norme marge de progression, mais qu’il reste aussi l’un des cinĂ©astes français actuels les plus intĂ©ressants Ă suivre. On se donne dĂ©jĂ rendez-vous pour son prochain film !
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