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Critique Amsterdam : un récit imparfait avec Christian Bale et Margot Robbie

Trois amis, un meurtre et un complot, Amsterdam joue les patchworks d’inspirations. Que vaut la nouvelle création du réalisateur d’American Bluff ?

David O. Russel semble avoir une certaine fascination pour les complots à grande échelle. Après American Bluff, un film tourbillonnant sur la corruption dans les années 70, le réalisateur raconte une histoire d’amitié dans les années 30. Là encore, le destin des personnages va être bouleversé lorsqu’ils se retrouvent embarqués au cœur d’une vaste machination politique.

Burt, Valérie et Harold sont de vieilles connaissances. Alors que leurs routes se sont croisées pendant la Première Guerre mondiale, sur les champs de bataille français, ils sont réunis quand un de leurs proches meurt subitement. Bien décidé à faire la lumière sur cette affaire, nos trois héros se lancent alors dans une enquête de haute volée qui les emmènera à l’épicentre d’un des plus grands complots américains.

Un patchwork

À la fois comédie et film policier, Amsterdam n’a pas peur du mélange des genres. Le film s’évertue d’ailleurs à jouer sur plusieurs tableaux tout au long de son développement, oscillant entre les séquences de violence graphique, les joutes verbales excellemment écrites et les purs moments d’enquête. Écrit par le réalisateur lui-même, le métrage multiplie les fulgurances dans sa première moitié.

On explore le passé des protagonistes, la naissance d’une amitié teintée d’éclats de shrapnel, de chansons incompréhensibles dans la langue de Molière et de soirées endiablées dans la belle Amsterdam. Véritable récit à chapitres, le petit dernier de Russel est pensé dans sa forme comme dans son fond comme un patchwork d’inspirations diverses.

Visiblement infusé par quelques classiques du genre, Fargo pour la tonalité ou encore Ocean’s Eleven pour le rythme, il accumule les arcs narratifs et les retournements de situation. Mais au cœur de cette vaste intrigue politique, c’est surtout le destin des trois protagonistes qui fascine.

Amsterdam David O.Russel
Crédits : 20th Century Fox

On se prend rapidement d’affection pour ces deux gueules cassées qui croisent la route d’une jeune infirmière excentrique admirablement campée par Margot Robbie. D’ailleurs, les acteurs excellent dans l’exercice. Christian Bale est tout simplement parfait dans la peau du médecin névrosé, bonne pâte et un peu crédule.

Du côté des rôles secondaires, on peut noter l’excellente performance de Anya Taylor- Joy dans la peau d’une insupportable aristocrate ou encore de Rami Malek dans celui de son époux.

John David Washington s’en sort également avec les honneurs en jouant les garde-fous pour tout ce beau monde. L’histoire de ce trio qui trouve un moyen de renaître de leurs cendres et d’oublier leurs traumatismes via une amitié hors norme séduit. La narration pose d’ailleurs un regard tendre sur leurs relations. C’est malheureusement la seule force du récit, qui s’emmêle les pinceaux sur bien d’autres volets.

The Big Picture

S’il aurait pu se contenter d’être une fable amusante sur fond de récit historique, Amsterdam a de plus grandes ambitions. La narration veut raconter l’un des plus grands complots présumés de l’histoire américaine. C’est dans sa seconde moitié qu’il s’attarde réellement sur cette question. Rapidement, il apparaît que celle-ci sera bien moins amusante que la précédente.

David O. Russel fait naître un exposé policier assez peu efficace. La promesse d’une enquête passionnante n’est pas tenue, le récit s’empêtre dans des enjeux trop colossaux et une tonalité plus grave. Ce changement de paradigme se fait d’ailleurs ressentir dans le rythme, le film de plus deux heures aurait largement pu passer sous la barre de l’heure et demie.

Amsterdam
Crédits : 20th Century Fox

David O. Russel tire et étire son procédé narratif, alors que l’issue est atrocement prévisible. Pire, Amsterdam s’embourbe de longues séquences explicatives, de monologues mélodramatiques sur le pouvoir de l’amour et de démasquages à la Scooby Doo. Le plan des antagonistes se serait déroulé sans accrocs si ces petits fouineurs n’avaient pas mis le nez là où il ne faut pas.

Pourtant, sur le papier, l’idée avait tout du coup de génie. À l’heure de la polarisation politique aux États-Unis comme ailleurs, l’idée d’explorer le moment où l’Amérique a failli basculer à l’aube de la seconde guerre était plus qu’intéressante. Sur ce point, Amsterdam réussit son entreprise. La toile du cinéaste manque néanmoins de nuances.

Complètement Dada

David O. Russel est un bon artisan de l’image, il l’a prouvé à de nombreuses reprises. Il ne faillit pas à sa réputation derrière la caméra de ce nouveau film. Il déconstruit d’ailleurs à plusieurs reprises les prérogatives du film d’époque pour lui offrir une double lecture, et s’amuser avec le spectateur. Bobine qui se détruit ou regard caméra, Amsterdam s’évertue à briser le quatrième mur pour gagner en pertinence.

Même dans sa manière de traiter ses personnages, le film est un objet curieux duquel il est bien difficile de détourner le regard. le cinéaste filme les corps avec beaucoup de précision, s’attardant particulièrement sur les vestiges de la grande guerre. Un peu à la manière du mouvement dada, dont il s’inspire et qu’il invite même dans son récit, il rejette les valeurs esthétiques en usant d’angles de caméra peu flatteurs.

Crédits : 20th Century Fox

Le maquillage est d’ailleurs particulièrement mis à l’honneur et participe à faire d’Amsterdam une bête curieuse mais fascinante. Du côté des costumes, le tout est un peu moins exubérant.

On notera que le réalisateur apporte beaucoup d’importance à sa lumière, le film est particulièrement bien réussi en ce sens. Il caractérise d’ailleurs assez bien les années 30, du moins comme le commun des mortels les imagine.

La très bonne copie visuelle d’Amsterdam prend toute son ampleur lorsqu’elle est ponctuée par la partition de Daniel Pemberton. Le compositeur de la musique originale de Spider-Man : Into the Spider-verse embrasse toute la dimension comique et légère du récit, mais sait aussi rendre hommage à ses élans plus dramatiques ou mystérieux.

À vrai dire, il sauve parfois la narration qui s’embourbe dans le mélodramatique, avec des compositions sonores marquantes et inspirées. Le musicien s’amuse, les spectateurs aussi. Au sein de la partition, c’est d’ailleurs le grand écart stylistique, reflet des trop nombreuses tonalités du récit.

David O. Russell rate son retour en fanfare avec ce film qui promettait pourtant de s’imposer comme l’un des plus marquants de cette année 2022. Malgré la promesse visuelle tenue, un casting impérial et une musique tout aussi bluffante, Amsterdam sonne comme un petit gâchis. Le film veut utiliser le passé pour raconter le présent, mais ne parvient jamais à conjuguer ses intentions autrement qu’à l’imparfait.

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Notre avis

Amsterdam promettait de nous rendre complètement dada, le film fait l’effet d’un pétard mouillé. Beau certes, drôle souvent, mais juste ? Rarement. Le nouveau David O. Russell ne sait pas où donner de la tête. Dommage, l'idée d'expliquer le présent par le passé avait de quoi nous convaincre.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 6 / 10
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