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Critique Alien Romulus : dans les mamelles de Ridley Scott et James Cameron

Des années après l’épisode Jeunet, Alien : Romulus entend relancer la saga principale entre les mains de celui qui a déjà renouvelé Evil Dead. Alors, opus sans âme ou vrai renouveau pour l’une des franchises les plus terrifiantes du cinéma ?

Alien : Romulus débarque alors que le Xenomorphe n’est plus ce qu’il était. Ridley Scott a repris en main sa mythologie pour un double résultat qui ne cessera jamais de faire débat. Avant cela, on se payait un combat contre un autre extraterrestre mythique du cinéma pour un double résultat qui ne fera jamais débat. Bref, jusqu’à aujourd’hui, la franchise initiale s’arrêtait en 1997 lorsque Jean-Pierre Jeunet aspirait la saga dans l’espace par un petit trou, sans espoir de retour. Neill Blomkamp aura bien essayé de nous relancer la machine, mais seule sa maman croyait en lui.

Sauf que la Reine Alien n’est pas qu’une princesse Disney et ils sont nombreux à croire encore au potentiel du sujet. Ce n’est pas donc un, mais deux projets signés et validés (désolé Neill) qui arrivent sur nos écrans. Une série en production qui devrait voir le jour en 2025 et cet Alien : Romulus, scénarisé et réalisé par Fede Álvarez. Si on pardonne au cinéaste son Millénium, c’est bien dans l’horreur qu’il s’exprime le mieux avec son très bon reboot Evil Dead et son tout aussi excellent Don’t Breathe. Un CV (et des idées) qui lui permet de recevoir la bénédiction de monsieur Ridley Scott lui-même pour reprendre en main la saga.

Romulus se situe entre les événements d’Alien, le huitième passager et Aliens, le retour. Rain et son frère Andy, un être artificiel, ne souhaitent qu’une chose : finir au plus vite leurs années au service de la compagnie pour rejoindre une planète plus accueillante. Avec d’autres colons, ils trouvent peut-être le moyen de s’échapper ; une station spatiale abandonnée en orbite qui possède l’équipement nécessaire à ce long voyage. Ils tomberont sur une chose bien plus terrifiante.

Alien, la résurrection

Un constat nous frappe après deux heures d’apnée, celui d’assister à un véritable film de la franchise, loin des récentes préoccupations théologiques de Scott ou de l’envie de blockbuster hollywoodien. Álvarez connaît ses gammes par cœur et convoque toute la saga autour de références plus ou moins subtiles. On y retrouve l’ambiance anxiogène de Scott, la surenchère de Cameron, la noirceur de Fincher, les expériences de Jeunet tout en glissant parfois du côté du jeu vidéo avec une mise en scène et des décors qui rappelleront volontairement Alien : Isolation.

Alien Romulus (1)
© 20th Century

En ce sens, Romulus pourrait se placer dans la mouvance des studios, ces dernières années, de relancer des licences sous forme de legacyquel avec une nouvelle génération qui pille les codes de l’ancienne, dans un cynisme affiché de faire de l’argent sur notre nostalgie. Sauf que cela ne se ressent à aucun moment ici. Fede Álvarez signe son film, utilise le passé uniquement parce qu’il s’intègre à son histoire. Entre pillage et tradition, la ligne peut être fine et le cinéaste ne la franchit que lorsqu’il veut satisfaire quelques plaisirs de sale gosse dont on partage l’envie.

Le métrage respecte les codes jusqu’à revenir aux origines lorsqu’il s’agit de rendre hommage aux travaux initiaux d’H.R. Giger. Ici, le goût prononcé de l’artiste pour la sexualisation des corps métamorphosés retrouve ses lettres de noblesse avec un Xenomorphe dont le croisement avec l’anatomie humaine est plus qu’évident à chaque stade de son évolution. Álvarez et son équipe ont réalisé un vrai travail de reconstruction autour de l’apparence du monstre sans pour autant modifier les bases.

Une manière de se réapproprier une créature dont tout le monde connaîtrait les contours, exigeant alors la surexposition de celle-ci à l’écran. Nombreuses sont les productions à avoir succombé aux sirènes de mettre le cauchemar auparavant tapi dans l’ombre en pleine lumière. Michael Myers, Predator, on ne compte plus les monstres du cinéma qui se sont davantage appropriés l’image à chaque résurrection, histoire de contenter un fan qui ne vient plus voir la baby-sitter échappant au tueur, mais le tueur traquant la baby-sitter.

Alien Romulus (3)
© 20th Century

Ce qui n’est pas du goût d’Álvarez qui montre une grande déférence à son Xenomorphe, comprenant que la terreur ne vient pas d’où il se trouve, mais d’où il se cache. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun Alien dans Romulus, au contraire. Le réalisateur prend le temps du détail et laisse sa caméra traîner, iconisant ainsi chaque aspect de l’Alien, star du film, mais star capricieuse. Une manière de se rendre, encore une fois, compte du boulot abattu sur le visuel, où effets pratiques et effets numériques travaillent de concert, rendant la menace irréelle et pourtant bien présente.

Le neuvième passager

Toutefois, il ne faut pas croire que le respect de Fede Álvarez pour le passé n’est qu’une manière de reproduire avec envie, mais sans génie. Le réalisateur apporte bien sa pierre à l’édifice et elle n’est pas petite. Qu’on aime ou non, chaque épisode de la franchise a porté la marque de son géniteur (même si Fincher dira que non) et Alien : Romulus ne sera pas l’épisode d’un simple faiseur.

Le talent du metteur en scène se démarque, tout d’abord, par son rythme. L’homme sait maintenir son spectateur en haleine et les deux heures passent en un claquement de doigts. La tension ne tarde pas à arriver et ne nous relâchera jamais, relançant la machine à cauchemar dès que l’on croit avoir enfin l’autorisation de respirer. Sans surjouer l’effet gore parfois inutile. Aucune séquence ne se ressemble, que ce soit en termes de décors avec des niveaux identifiables et très vidéoludiques, ou du danger invoqué. À ce titre, si on pensait que le Xenomorphe était une créature suffisante à nos peurs, Álvarez nous rit au nez, nous rappelant que les opus précédents n’ont que trop peu utilisé le facehugger. Un vrai sadique.

Alien Romulus
© 20 Century Fox

Alien : Romulus possède une vraie direction artistique qui marque la rétine par ses plans iconiques avec des idées de mise en scène d’une efficacité redoutable. La gravité, l’appareil à rayons X, le fusil… entre les mains du réalisateur, tout objet s’intègre distinctement au sein de scènes jamais gratuites et habillées d’un énorme travail sonore mi-métallique mi-organique.

Ensuite, le scénariste a pris soin de sélectionner ses personnages et de les écrire autrement que comme de la chair à canon. Bien que tous ne bénéficient pas d’une exposition suffisante, Álvarez parvient à créer un réel esprit de bande avec des jeunes auxquels on s’attache assez facilement, une fois le cliché éloigné. Pour une fois, on comprend les décisions des protagonistes au-delà de simplement les mettre en situation mortelle. Cailee Spaeny confirme qu’après Priscilla et Civil War, 2024 est SON année, mais il faut admettre que celui qui mange la caméra est le quasi-inconnu David Jonsson Fray (la série Industry). L’acteur parvient à incarner un autre type d’androïde, plus poignant, plus complexe et dont le jeu écrase facilement celui de ses camarades plus linéaires.

Reste une question, celle de savoir si Fede Álvarez parvient à marquer la saga de son empreinte davantage que par son talent de réalisateur et scénariste. La Reine Alien, la mort de Ripley, l’hybride… chaque successeur de Ridley Scott y allait de son propre ajout au lore. Alien : Romulus ne serait-il qu’un nouvel opus, certes réussit, mais dans lequel Álvarez se retrouve tétanisé par la peur du blasphème ? À cela, on répondra simplement que l’homme est un créateur et que sa création va retourner plusieurs estomacs. Après tout, n’oubliez pas que dans l’espace personne ne vous entendra crier.

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Notre avis

On pourrait trouver des défauts à Alien : Romulus, en cherchant bien peut-être. Mais notre envie de crier au sans-faute est plus grande tant le film consacre sa créature au sein d'un film qui ne laisse rien de côté, ni son environnement ni ses personnages. Technique et artistique sont convoqués pour faire de ce métrage un opus qui peut regarder ses aînés dans les yeux sans rougir. Si on devait faire un classement des cinq volets de la saga principale, le bébé de Fede Álvarez ne serait certainement pas cinquième.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 10 / 10
5 commentaires
  1. Ne pas lire pour ceux qui n’ont pas vu le film.

    Alors c’est pas trop mal à part la fin. Pourquoi encore ce monstre blanc ? Bon cette fois ci un croisement entre les alien humanoïde de prometheus, les slashers de Dead Space et les xenomorphes de alien il manquait juste le « mamannnn »

    Mais bondiou faites une fin simple qui peut valider une suite ou pas d’ailleurs, personnellement j’aurai aimé une suite avec une vision quelques mois plus tard des scientifiques travaillant sur le génome et voulant re creer la race des alien humanoïde, ou alors au pire cela arrive que les personnages principaux meurent.
    Coté caméra j’ai trouvé que ça manque de lumière, c’est trop sombre, les morts sont un peu téléphonés et pas spécialement surprenantes.

  2. “À l’aide ! : Gros cumul”…

    Quand-même un gros problème avec ce film : si on le découvre de façon autonome, il marche plutôt bien, prend joliment son temps pour installer une ambiance qui va du Passionnant (les plans spatiaux, amples et presque muets) à la Justesse (quand ces personnages expriment être en quête d’un avenir meilleur).
    Mis à part quelques lourdeurs narratives et techniques, surtout dans la dernière demi-heure, voilà un Space Opera horrifique d’une bonne tenue.
    Et qui s’inscrit plutôt bien dans la filmographie du réalisateur Fede Álvarez, qui comporte aussi bien des huis clos adolescents que des réadaptations de franchises.
    Donc on peut en rester là, profiter du spectacle merci au revoir…
    Toujours présents ? Alors c’est le moment de discuter des choses qui ne vont pas si bien que ça.

    Parce que justement, “Alien” c’est pas n’importe quel film, et ça n’a pas donné lieu à n’importe quelle franchise.
    D’abord une sorte d’équivalent de film de Maison Hantée et Slasher techno lovecraftien, mais dans l’espace – tout comme “Star Wars”, deux ans avant, faisait du film de (deuxième) Guerre, du Chanbara et du Western mais dans une autre galaxie.
    Et tandis que des dérivés en romans, bande-dessinées et jeux vidéos faisaient perdurer cet univers, sans compter des épisodes prequels en mode bastons de comic books (“Alien vs Predator”, le premier est sympa) ou autres contes misanthropes (“Prometheus” et “Covenant”)…
    Chaque nouveaux opus suivant le film de Ridley Scott se distinguaient comme étant aussi bien des suites que des réappropriations personnelles, pour chacun des auteurs qui ont travaillé (durement) dessus : tous n’ont pour point commun que le personnage de Ellen Ripley/Sigourney Weaver, une infection qui commence, un ou deux personnages qui savent ce qui se passe, tout le monde qui meurt salement un par un, un double climax final (on fait tout péter, mais il reste encore une de ces cochonneries) et une poignée de survivants, au mieux.

    Les trois suites ont étiré ce canevas jusqu’à plus soif, ne sachant vite plus quoi faire pour rendre à nouveau effrayant ce monstre, dont l’apparence (de gros cafard) n’est plus du tout un secret maintenant… Le multiplier, dévoiler une Reine, tuer l’héroïne, lâcher les clones et les hybrides, c’est déjà le maximum d’idées inédites qu’on puisse ajouter pour qu’on croit encore être dans un film “Alien”.
    Au delà de ça, ça devient un autre type d’histoire (il est clair que dans ses prequels, Ridley Scott s’intéresse plus à la folie démiurgique, comme le prouve sa propre filmo).
    Mais chaque film porte la marque de son auteur (tous de différentes nationalités), et ont tous leur propre personnalité :
    – Horreur/Brun pour “Alien”…
    – Guerre/Bleu pour “Aliens, le retour”…
    – Polar/Orange pour “Alien 3″…
    – Super héros (Joss Whedon au scénar !)/Vert pour “Alien la Résurection”.

    Voilà où ça coince avec ce “Alien : Romulus” : où est donc sa personnalité ? En a-t-il une, au moins ? De l’aveu même du réalisateur, il a décidé de se la jouer profil bas sur cette franchise, dont il se borne à respecter la vista – et développer son scénario à partir de rogatons de la Saga.
    L’effet fonctionne bien, dès le début on croirait se retrouver dans l’univers de cette SF, imperméable à toutes technologies trop modernes et sophistiquées, pour une question de continuité mais aussi car on est chez des ouvriers prolo, sur-exploités et sous-payés. Ça prend son temps pour les présenter, sauf que ce sont maintenant de jeunes personnes.
    Originalité (il y rarement de jeunots dans ces films) qui finit par perdre de sa pertinence car ils sont plutôt propres, pas énormément marqués physiquement. Surtout quand c’est Cailee Spaeny qui joue une énième émule de Ripley, avec son look de gamine.
    Pas non plus assez dangereux et révoltés ces post-ados, ce qui aurait pu éventuellement justifier la couleur récurrente Rouge de ce film, comme symbole de leur rage face à un horizon bouché, ces grandes entreprises qu’on voudrait bien foutre en l’air au lieu de juste les fuir – la Weyland-Yutani est toujours le grand méchant sans visage (ou bien avec de multiples visages), mais c’est pas encore aujourd’hui qu’on verra un studio faire une critique intelligente ou agressive des gros conglomérats… ni même qu’on les décrirait avec plus d’ambiguïté, de subtilité.

    Pas mieux pour les protagonistes, pas très développés que ce soit le sempiternel casse-pieds de service (Spike Fearn), tout comme la pauvre Isabela Merced qui se fait balader dans tous les sens pendant tout le film, sans grande cohérence narrative (un coup boulet, puis victime, puis non, puis menace…).
    Pas de chance pour la dynamique de groupe, pour la symbolique sexuelle (ils sont étonnamment chastes) et pour l’empathie envers les personnages, puisque l’histoire repose entièrement sur la relation sœur/frère de Spaeny avec David Jonsson, pas du tout reliée au mythe de Romulus et Rémus (comme pour “Prometheus”, c’est une référence un peu pompeuse pour symboliser les expériences scientifiques contre-nature et faussement bénéfiques).
    Mais leurs échanges recèlent de beaux moments d’émotion, nous interrogeant sur la voie à suivre entre le pragmatisme le plus froid… et prendre les risques les plus improbables pour sauver ceux à qui on tient.
    Qu’est-ce qui fait qu’on est une machine, docile ? Ou bien un être humain, audacieux ?

    Une question qu’on pourrait se poser à propos de ce film, qui alterne le froid et le chaud. On a un festival de références qui sonnent justement comme “mécaniques”. Moins des récurrences que des citations pour fans avides de jeux de piste et autres clins d’œil rassurants : Jouet d’oiseau buveur et petite tenue (le 1), cheveux mouillés dans l’ascenseur, gros flingue et gros mot (le 2), détournement du logo Fox (le 3), clones et créature “surprise” (le 4, qui était un best-of plus discret)…
    Etc etc, il y en a à Chaque scène cruciale, et Álvarez ne les détourne pas, ne les redéfinit pas. Même les prequels sont cités (Ridley Scott veille), que ce soit des éléments scénaristiques, ou bien les scènes à base de chimères biscornues qui étirent inutilement la durée du film.
    D’un autre côté on a des scènes d’action et de suspense parmi les meilleures depuis des années, parfois peu cohérentes – on passe son temps à aller et venir dans les mêmes directions (celles où il y a danger), on montre une expérience censée être satisfaisante alors qu’on voit très bien dans un coin le résultat final (et ne citons même pas l’utilisation abusive d’un célèbre personnage, dont la conception factice se justifie à peine).
    D’autres fois c’est très excitant, notamment la représentation plus poussée des Face-huggers, l’utilisation de la gravité… Des instants qui arrivent à exister sans être décorrélés du long-métrage, ça fait plaisir à voir.

    Mais est-ce ce que ça fait seulement peur, c’est ça qui devrait être le plus important ?
    Niveau monstres, non pas trop. Les visions de HR Giger à base d’organes de reproduction, ça ne choque plus autant qu’avant Internet. Et la façon dont on traite l’évolution des créatures est devenue tellement rapide que ça frise le Cartoon (Mel Brooks l’avait-il prédit dans sa “Folle Histoire de l’espace” ?). Il y a là dedans des idées qui ne sont jamais loin d’être ridicules.
    Pour les sursauts, c’est du classique à base de hors-champ et d’arrière-plans – et oui c’est plutôt bien fait.
    Et pour ce qui est des thématiques de la Saga, pas non plus de quoi faire des cauchemars, pleurants sur la mort prochaine de l’Humanité.. le film remplissant suffisamment son contrat de Grand Huit avant de ralentir (pour de vrai) et finir tranquillement, avec un reste d’optimisme.
    La catharsis est accomplie, pas énorme mais assez agréable pour le spectateur lambda… et pour remettre la Saga sur les rails, sur grand écran comme sur le petit (d’ailleurs ça a failli être un film de plateforme).

    Un opus de bon élève, qui imite et se transforme un peu…
    Comment appeller ce film ? Un Tainíamorphe ?

    1. Oui c’est en effet une déception, tous les atouts y étaient… un budget, un réalisateur et un univers qui attendait juste d être exploité

      Et non il s’agit d’un teen alien avec des acteurs pas crédible pour un sous
      Déçu 🥹

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