Parfois, tu ne sais pas comment bien commencer l’année et parfois, le réalisateur de Je te veux moi non plus (la « comédie » Prime Video avec Ines Reg et Kevin) signe un nouveau film. Faut-il y voir l’ultime signe que Noël est derrière nous et que 2025 n’a pas l’intention de te faire de cadeau ? Non, la vie sait aussi être surprenante et pour une surprise, Ad Vitam en est une. Même avec Guillaume Canet.
Franck Lazarev est un ancien membre du GIGN, tout comme sa compagne, Léo, qui attend un enfant. Mais son passé le rattrape lorsqu’un groupe armé l’attaque à son domicile et kidnappe sa femme. Pour Franck, le temps presse.
À la lecture du synopsis, trois questions se posent. La première est de savoir si, quelque part, il y a un agrégateur de mots-clés pour scénario facile qui tire au sort des idées novatrices comme « force spéciale » « passé trouble » ou « course contre-la-montre ». Ensuite, est-ce que c’est le poisson de Pixar Dory qui récupère les résultats et puise dans sa mémoire infaillible afin de s’assurer que ça n’a jamais été fait avant ? Enfin, est-ce qu’Ad Vitam pourra occuper le temps efficacement pendant la cuisson des pâtes ?
Vous l’aurez compris, on ne croyait pas beaucoup au potentiel d’Ad Vitam, tant le projet sentait bon la nouvelle production française, pardon, la nouvelle réduction d’impôts français de la part du célèbre algorithme Netflix. D’autant que Canet mis à part, le casting était constitué intégralement d’habitués de la maison avec Nassim Lyes (Sous la Seine), Stéphane Gaillard (Marseille), Zita Hanrot (Plan Cœur) ou encore Alexis Manenti (Athéna).
Mais Carry-On nous a prouvé récemment qu’il fallait garder l’esprit ouvert afin de dénicher les projets qui sont encore capables de sortir du lot, ne serait-ce qu’un peu, sur la plate-forme de streaming. Et puis nouvelle année, nouvelles résolutions, arrêter de fumer, se montrer plus gentil, tout ça tout ça.
Ad Vitam, comme une envie de Canet ?
Étonnamment donc, Ad Vitam débute plutôt bien en affichant ses intentions immédiatement. Le réalisateur et coscénariste (avec Canet) Rodolphe Lauga n’a pas le temps et a bien compris que s’il ne voulait pas que le spectateur s’occupe de la cuisson des pâtes, il fallait l’accrocher dès le départ. En moins de 15 minutes, on est plongés dans le grand bain de l’action, au cœur de l’intrigue et du bourre-pif, le décor et le saignement à l’arcade sont plantés. Le film fait preuve d’une volonté d’efficacité et on se dit sérieusement qu’on ne verra peut-être rien d’original, mais qu’on n’aura aucune occasion de s’ennuyer non plus.
Maintenant qu’il a notre attention, Lauga va penser ensuite plus de la moitié du film — qui ne dure que 98 minutes — à nous expliquer le pourquoi du comment via un long couloir flashback autour de l’époque GIGN de Lazarev et sa douce. Histoire de faire vivre les rôles secondaires. Un découpage nécessaire pour nous attacher aux personnages. On ne peut nier que cela marche plutôt bien en partie avec un vrai esprit de camaraderie qui fait plaisir à voir et qui permet de nous impliquer lors du rebondissement principal. Puis retour à du cent pour cent action lors d’une grosse demi-heure bien menée et généreuse entre échanges de plombs et poursuite en multiples véhicules.
Globalement, tout concourt à faire d’Ad Vitam un divertissement d’action plaisant à suivre et on apprécie de voir Guillaume Canet sortir de sa routine comédie / drame pour revenir à un genre de thriller qu’on ne lui avait pas vu depuis Ne le dis à personne. Un genre dans lequel il s’exprime plutôt habilement, y compris dans les parties les plus physiques. On n’est pas dans le haut panier du catalogue Netflix, y compris dans la production française, mais on reconnaît qu’on se laisse prendre au jeu. Le côté simple, efficace, dans la moyenne, et moins mal intentionné que l’on craignait.
Faut-il séparer l’homme du gendarme ?
Néanmoins (le twist dans l’article), toute notre sympathie finale pour Ad Vitam mise de côté, on ne peut nier que le tandem de scénaristes a échoué sur une facette essentielle de leur récit. Certes, le découpage consistant à en mettre plein la vue au début et à la fin et laisser au milieu le soin de raconter l’histoire et les personnages n’était pas un mauvais plan sur le papier, sauf que le résultat est si abrupt sur le fond qu’on a la sensation de regarder deux films distincts.
Dit autrement, on pourrait aller s’occuper de nos fameuses pâtes tout au long de la partie flashback – oui nos pâtes sont longues à cuire – et revenir sur l’action final sans avoir l’impression d’avoir raté un élément essentiel. Oui, on ne connaîtrait pas la raison du kidnapping, mais on apprécierait seulement les séquences d’un homme voulant récupérer sa femme. Et cela n’a rien d’un détail puisqu’aucune des sous-intrigues antérieures à cette situation (l’affaire d’État esquissé, les remords du héros, la place de son père, les soucis avec la famille de son ami…) ne réapparaîtra une fois que le présent aura repris ses droits. Le personnage de cette pauvre Zita Hanrot pourrait disparaître de l’écran sans que cela n’ait la moindre importance sur la suite, alors qu’elle est censée incarner la caution émotion du métrage.
La conséquence directe est qu’on a le goût amer du remplissage narratif dans la bouche une fois les deux segments mis bout à bout, alors que séparément, ils se tiennent plutôt bien. Comme si nos deux scénaristes avaient chacun écrit une partie, puis qu’ils avaient collé ces dernières ensemble sans se concerter. Cela se ressent particulièrement sur le MacGuffin du récit – un écusson – dont l’intérêt tient sur un très maigre fil alors qu’on essaie de l’alimenter par tous les côtés.
Ad Vitam est une œuvre fébrile qui avait toutes les raisons d’échouer, mais, qui par un petit miracle conjugué à une énorme sympathie de notre part en faveur du petit divertissement qui aura fait ce qu’on lui demande sans partir dans toutes les directions, parvient à s’apprécier, au moins le temps d’une soirée canapé avec Canet en ce début d’année.
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