À la sortie d’un magasin de bricolage, Danny Cho, auto-entrepreneur en crise, monte dans son vieux pick-up et manque d’être percuté par un SUV Mercedes. Danny klaxonne et le SUV s’arrête un peu plus loin. Le conducteur baisse sa vitre et lui fait un doigt d’honneur. C’est la goutte d’eau ! Là où tout un chacun aurait sans doute insulter copieusement le propriétaire irrespectueux du véhicule avant de reprendre ensuite le cour de son existence en ravalant sa colère, Danny libère sa rage et se lance dans une course-poursuite dans les rues de la ville. Une cavalcade qui se conclue sans qu’aucun des deux conducteurs n’ait pu voir le visage de l’autre. Un acte dont ni Danny, ni Amy Lau, mère de famille à la tête d’une entreprise florissante en phase d’être rachetée, ne soupçonnent encore les conséquences dans leur vie.
En quelques années, la société de production A24 s’est taillée une solide réputation dans le milieu des films indépendants en signant succès sur succès, qu’il soit d’estime ou populaire. Ce n’est pas le triomphe récent de leur Everything Everywhere All At Once aux Oscars et à toutes les autres cérémonies de remise de prix qui va inverser la tendance. Qu’on apprécie ou non leurs productions, le label A24 est devenu synonyme de projets atypiques qui se refusent de rentrer dans un moule. Alors voir la société s’associer avec Netflix dont la réputation de ferme à contenus algorithmique n’a plus rien d’exagéré a quelque chose d’étonnant. Étonnant, mais surtout bénéfique pour la plate-forme de streaming qui vient de sortir avec Acharnés sa meilleure série depuis un long moment.
Un doigt d’honneur à la concurrence
De son propre aveu, le showrunner sud-coréen Lee Sung-Jin s’amuse d’avoir eu l’idée d’Acharnés après qu’une situation similaire lui soit arrivée personnellement. Évidemment, cette histoire n’a pas tourné comme celle de ses protagonistes, et heureusement.
Car si les premières minutes de la série ne sont pas sans rappeler l’escalade de la violence de Michael Douglas dans Chute Libre de Joel Schumacher, Acharnés n’est pas un défouloir où on libérerait nos plus bas instincts. Du moins au sens visuel du terme. Au contraire, en dix épisodes d’environ trente-cinq minutes, le showrunner va alimenter cette colère sourde qui unit nos deux protagonistes pour mieux exposer leur mal-être.
Comme un effet papillon, ce besoin viscéral de revanche de Danny et d’Amy va mettre en danger ce qu’ils ont bâti et les gens qui les entourent. Acharnés est la conséquence d’une pulsion qui échappe complètement à ses auteurs au point de faire ressortir ce qu’il y a de pire en eux et les libérer d’une vie qu’il ne leur appartenait plus.
Le show utilise alors l’humour autant pour surligner l’absurdité des situations que pour choquer un spectateur face à une descente aux enfers finalement très peu amusante. Il faut dire la comédie noire n’a pas peur de bousculer son public en transformant sa farce amorale en analyse profonde d’une crise existentielle. Autrement dit, l’art et la manière de provoquer en même temps le sourire et le serrage de dents. Acharnés est une plongée dans les émotions humaines qu’on cherche à refouler en surlignant ses aspects les plus noirs comme les plus libérateurs.
La série maîtrise parfaitement ses ruptures de ton et de rythme ne laissant jamais apparaître qu’elle tire sur la corde de son propos. Au contraire, on passe du rire aux larmes, de l’attachement au dégoût ou de la cruauté morale à la tendresse avec une fluidité étonnante, preuve que tout ici a un but jusqu’au climax inattendu.
Parce que oui, l’autre grande force d’Acharnés est de ne jamais se laisser attirer par les attentes du public, préférant jouer avec les coïncidences ou la loi de Murphy pour pousser le bouchon toujours plus loin ; au bout de nous submerger. Ici, la formule est simple : qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? Tout. Comment nos deux abîmés de la vie pourraient davantage pourrir la leur, celle de l’autre et celle de leurs proches ? Par des moyens qu’eux-mêmes n’imaginaient pas pouvoir être capables.
Néanmoins, l’écriture se garde bien de suivre un schéma classique de détestation puis de rédemption, Danny et Amy pouvant être tour à tour répugnants, attachants, en rémission ou en désintégration… Autant de traits de caractères qu’il n’en faut pour combler finalement deux coquilles vides qui perdent pied, cherchant juste un rocher auquel s’accrocher, même si celui-ci est fait autant d’amour que de haine.
Et pour incarner ce duo en détresse, le show peut compter sur le talent de Steven Yeun et d’Ali Wong, également producteurs, pour offrir un magnifique visage à la solitude de l’être. Bien entourés, ils brillent par une sensibilité constamment à fleur de peau ou quand l’un ravale constamment sa fierté, l’autre brille derrière un sourire de façade. Deux beaux acharnés.
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Elle est uke très bonne série moi même j’en affole
Je pensais que c’était l’adaptation du film les nouveaux sauvages, donc le sujet est clairement le meme.
Pas assez inclusif a mon gout