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[Critique] A Ghost Story

Prix du Jury, mais aussi de la Critique lors du dernier festival de Deauville, A Ghost Story s’est fait particulièrement discret dans l’hexagone. Il se démarque…

Prix du Jury, mais aussi de la Critique lors du dernier festival de Deauville, A Ghost Story s’est fait particulièrement discret dans l’hexagone. Il se démarque pourtant par sa modestie et son originalité.

Il existe des œuvres qu’il nous parait bien difficile à classer dans un genre défini. A Ghost Story en fait définitivement partie. Sous ses abords de film d’épouvante classique, principalement entretenu par la sempiternelle figure du fantôme présent sur l’affiche, le long-métrage de Lowery sort des sentiers battus. Pourtant, il respecte à la lettre l’objectif de son titre programmatique : nous raconter une histoire.

C (Casey Affleck) et M (Rooney Mara) forment un couple heureux dans leur maison de campagne. Le jour où C décède dans un accident, son fantôme revient dans leur logement. Il assiste impassible à l’écoulement du temps, totalement imperceptible aux yeux des gens.

Si ce postulat scénaristique laissait une porte ouverte à un soupçon d’angoisse, Lowery écarte cette possibilité derechef pour s’orienter vers un drame aux accents métaphysiques. Loin de rendre son film plus accessible, la seule frayeur que nous fait l’Américain est de lui donner des atours faussement poseurs.

La première demi-heure ne rassure pas, et donne l’impression d’assister à un condensé de ce que le film d’auteur peut avoir de plus excluant. Les plans statiques de la maison vide renforcent l’impression de solitude, ce qui sert le récit. C’est nettement moins le cas quand le film nous inflige une dégustation de tarte pendant cinq longues minutes.

Ce constat est renforcé par une mise en scène aux accents indie, qui pousse à la mélancolie. Lowery utilise un format 1.33 : 1 et délave légèrement son image, donnant parfois l’impression d’observer des diapositives.

Les intérieurs sont souvent traversés d’une lumière froide, clinique, tandis que les teintes se réchauffent légèrement à l’air libre, se rapprochant de celles des Amants du Texas, son précédent film. Cette photographie cotonneuse trouve son point d’ancrage dans le personnage du fantôme, simplement représenté par un drap et deux trous noirs.

En s’affranchissant de toutes les règles, Lowery insuffle à ce dernier une troublante humanité. On s’étonne ainsi de compatir pour un bout de tissu suspendu au beau milieu d’une pièce. Cette sobriété extrême nous incite à deviner les émotions qui se cachent derrière l’étoffe. Elle représente à elle seule la modestie d’un projet qui n’a coûté que 100 000 dollars.

Muet et inexpressif, ce fantôme ne provoque nullement la peur lié à son imagerie populaire. Le réalisateur en profite d’ailleurs pour donner sa vision des manifestations paranormales habituellement représentées dans les films d’horreur, les liants intimement à la colère et au deuil. Spectateur de la vie des différents locataires qui peuplent son ancienne maison, il recueille les paroles des habitants pour donner un sens à son errance.

C’est alors que le film prend véritablement son envol, en enchaînant les ellipses. Sans trop en dévoiler, la dernière demi-heure prend l’allure d’une fable poétique sur l’amour, la mort et le sens du temps.

Cette audacieuse réflexion convoque les idées d’autres œuvres comme Interstellar ou The Fountain avec infiniment moins de moyens, mais beaucoup plus d’humilité.

La musique de Daniel Hart accompagne de fort belle manière ce voyage sensoriel que ne renierait pas un certain Terrence Malick. S’il demande un peu d’effort au spectateur, ce film de fantôme là est loin d’être invisible.

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