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Black Mirror : la saison 7 brise ses propres règles, pour le meilleur ?

Après une saison 6 en demi-teinte et alors que la réalité a dépassé la fiction, Charlie Brooker parvient-il à réinventer Black Mirror ? Critique.

À quoi ressemblera notre futur ? Est-il déjà là ? Plus d’une décennie après son lancement sur Channel 4, la série anthologique Black Mirror s’offre une septième salve d’épisodes sur Netflix. On n’avait pas vu l’imaginaire de Charlie Brooker depuis 2023 et un sixième volume au mieux imparfait, au pire à côté de la plaque. Mais alors que notre époque contemporaine paraît plus effrayante que n’importe quelle fiction d’anticipation, Charlie Brooker a-t-il encore quelque chose à raconter sur nos rapports aux nouvelles technologies ? Les six nouveaux épisodes sont-ils à la hauteur de la réputation de la production devenue un monument télévisuel et même une expression dans le langage courant ? Oui… et non.

Miroir déformant

À ses débuts en 2014, Black Mirror avait tout un propos à construire un futur hypothétique. Les spectateurs avaient en iPhone 6 en poche, Netflix arrivait à peine en France et les filtres Snapchat subjuguaient les utilisateurs qui pouvaient au choix devenir des chiens ou cracher des arcs-en-ciel. Autant d’innovations qui interrogeaient sur nos sociétés et nos rapports à ces nouvelles technologies qui bouleversaient notre quotidien. Un terreau fertile pour la science-fiction réaliste de Charlie Brooker. Le journaliste aimait à extrapoler des technologies réelles pour les transporter dans des contextes plausibles, mais non moins effrayants. La série jouait constamment avec les limites de la fiction et du réel pour mieux décontenancer son auditoire. Et lorsque la situation devenait trop inconfortable, les spectateurs pouvaient se raccrocher au fait que de tels univers n’étaient pas près de voir le jour.

Gens Ordinaires Netflix
Quand Netflix annonce une nouvelle hausse tarifaire. © Netflix

Problème, en 2025, le futur envisagé par Brooker est tout aussi lugubre. Les intelligences artificielles sont vraiment utilisées pour ressusciter les morts, un clown est vraiment devenu Président et Meta a imaginé son Metavers. En 2023, pour sa saison 6, la série semblait d’ailleurs avoir revu son approche pour s’intéresser beaucoup plus à notre présent et à notre passé. Dans le même temps, elle paraissait n’avoir plus rien de nouveau à raconter. Elle n’était plus capable de surprendre avec des concepts inédits. Pour sa saison 7, Black Mirror abandonne son ambition de décrocher des mâchoires pour revenir à ce qui fait le sel de ses histoires : l’humain. Plutôt qu’une fenêtre sur le futur, la série anthologie se veut miroir déformant. Et c’est plutôt réussi.

Miroir, mon bon miroir… dis-moi qui est le plus taré

Dès son ouverture, la saison 7 de Black Mirror plante le décor. Exit les séquences choquantes pour être choquantes, la série a gagné en maturité et veut maintenant raconter la vie de monsieur et madame tout le monde, un couple de la classe populaire aux États-Unis en l’occurrence. Avec “Des gens ordinaires” (de la normalité on a dit), Charlie Brooker livre un récit intimiste sur ces ménages pris en otage par des multinationales toujours enclines à augmenter leurs tarifs ou faire de ses clients des panneaux publicitaires géants. Toute ressemblance avec des géants de la tech est purement fortuite.

Cette entrée en matière profite d’une écriture assez maligne, qui à défaut d’être tout à fait novatrice, nous convainc assez pour nous donner l’envie de poursuivre aux côtés du créateur britannique. Si l’on peut regretter qu’elle ne nous prenne pas aux tripes comme certains des épisodes les plus marquants de l’anthologie, Black Mirror parait avoir retrouvé son tempo. Dommage que le final de ce premier épisode ne profite pas du même soin dans l’écriture, que la série se sente obligée de convoquer aux derniers instants de nouvelles thématiques qui brouillent les pistes. Des gens ordinaires veut trop en raconter et finit par tomber (un peu) à plat.

Bête Noire Netflix
“Elle est bizarre Sylvie de la compta nan ?” © Netflix

Bête Noire poursuit sur cette lancée en offrant un thriller psychologique prenant, avec une conclusion attendue, mais portée par deux actrices qui ne déméritent pas : Rosy McEwen et Sienna Kelly. Même son de cloche pour Plaything, qui renoue avec l’approche des premières saisons et la tonalité crispante de certains chapitres. Reste que les spectateurs rompus à l’exercice n’auront sans doute pas l’inconfort des premiers jours, et même plutôt une impression de redite. Au milieu de ces propositions, ce sont finalement les contes dramatiques et sensibles qui nous captivent le plus.

Moi j’ai un rêve

Hôtel Rêverie et Eulogy sont sans conteste les chapitres les plus forts de cette nouvelle cuvée. Le premier, qui voit une actrice être transportée dans un vieux film grâce à une technologie de réalité virtuelle couplée à des algorithmes créateurs de contenus, combine les questionnements sociaux liés à ces technologies (presque réelles) à une fresque émouvante sur l’amour.

L’on s’amuse à évoquer des machines capables de faire éclore des histoires pour plaire au plus grand nombre, les mêmes que l’on accuse Netflix d’utiliser pour imaginer ses projets. On questionne les remakes et autres productions dérivées à une heure où l’industrie culturelle ne semble vouloir se vouer qu’au dieu nostalgie, et surtout on raconte la rencontre de deux actrices qui doivent naviguer dans ces univers de “création”. 

Issa Rae, à qui l’on doit l’excellente Insecure, brille face à une Emma Corrin magnifiquement anachronique. L’épisode prouve que c’est lorsque Black Mirror est porté par des concepts simples, mais une profonde envie de faire éclore des personnages convaincants qu’elle s’en sort le mieux. Eulogy, avec l’incroyable Paul Giamatti, restera néanmoins notre coup de cœur. Ici, la technologie n’est que le prétexte pour raconter l’amour que l’on a perdu à grands coups de hasards du destin et de rancœurs. Aux côtés du personnage principal, l’épisode navigue entre les souvenirs d’un homme dans la fleur de l’âge avec une sincérité rare.

Uss Callister Netflix
© Netflix

La série nous avons habitué à ces respirations au milieu d’épisodes angoissants, comme avec San Junipero et Pendez le DJ. Black Mirror n’a plus besoin de virer au gore ou à l’angoissant pour nous convaincre, elle n’a plus qu’à nous raconter de bonnes histoires. Et elle le fait mieux que précédemment. Ce soin accordé à la narration est assorti d’une singularité visuelle bienvenue, autour des photos qui sont invitées à prendre vie sous les yeux médusés de son propriétaire.  On reviendra rapidement sur la suite de USS Callister, univers qui continue de nous fasciner et qui apparaît être le dernier bastion du Black Mirror d’avant.

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Notre avis

Black Mirror saison 7 ressemble finalement à ces aînées dans ce qu'elle a de nous convaincre parfois tout à fait et d'autres fois à peine assez. Comme d'habitude, il y a du bon et du moins bon... mais rien de mauvais comme ce pouvait être le cas pour les saisons précédentes. S'il faut faire le deuil d'une anthologie glaçante, dérangeante et perturbante, Black Mirror continue d'être le reflet de son époque. Une époque où tomber amoureux d'une IA est possible, une époque où des implants cérébraux sont en phase d'expérimentation.

L'avis du Journal du Geek :

Note : 8 / 10

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