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Des chercheurs affirment avoir découvert une nouvelle couleur jamais observée auparavant

Même si cette revendication est sujette à débat, le nouveau dispositif au centre de cette expérience pourrait faire progresser notre compréhension de nombreux phénomènes optiques, et même déboucher sur des applications concrètes en médecine.

Une équipe de chercheurs américains a récemment défrayé la chronique avec une revendication pour le moins intrigante : dans leur dernière étude, ils expliquent avoir découvert… une nouvelle couleur, jamais vue par un humain auparavant.

Ce qu’on appelle communément la couleur est une perception visuelle complexe, résultant de la manière dont notre cerveau interprète les signaux produits par la rétine. Le rôle de cette dernière, c’est de produire un signal lorsqu’elle est stimulée par de la lumière dans une gamme de longueurs d’onde bien précise, comprise entre 380 nm et 750 nm environ. On parle du spectre visible, et il est souvent représenté à l’aide d’un arc-en-ciel qui comprend toutes les couleurs associées à cette gamme de longueurs d’onde.

Cette fonction repose sur des cellules spécialisées, des photorécepteurs appelés cônes. Il en existe trois types, réagissant chacun à une portion différente de ce spectre visible. Les cônes S, par exemple, sont plus sensibles aux longueurs d’onde courtes et sont généralement associés à la perception du bleu. Les cônes M, de leur côté, sont sensibles aux longueurs d’onde intermédiaires, qui correspondent au vert, tandis que les cônes L réagissent aux plus grandes longueurs d’onde, relatives à la couleur rouge.

Des couleurs visibles, mais impossibles

La combinaison des signaux provenant de ces cônes, sensibles à différentes portions du spectre lumineux, est ensuite traitée par le cerveau pour créer la vaste gamme de couleurs que nous connaissons. Mais il est toutefois important de noter que les différents domaines de couleurs associés à chaque type de récepteur ne sont pas tout à fait séparés. Comme on l’observe sur le graphique ci-dessous, ces gammes de longueurs d’onde se chevauchent.

Cônes Couleur Rétine
© R. Nave/Hyperphysics

Cela signifie qu’un signal lumineux donné ne peut en aucun cas stimuler un seul type de cône sans affecter les autres ; quelle que soit la longueur d’onde choisie, elle suscitera forcément une réaction plus ou moins forte de la part d’au moins deux types de photorécepteurs.

Cette précision pourrait sembler anecdotique, mais elle a une implication très importante. Cela signifie qu’il existe des couleurs purement théoriques, que l’œil humain ne pourra jamais observer dans des conditions normales. Pour y parvenir, il faudrait stimuler uniquement un type de cône tout en gardant les autres au repos, ce qui ne peut pas arriver naturellement pour toutes les raisons mentionnées plus haut.

Olo, une “nouvelle couleur”

C’est là qu’interviennent les chercheurs des universités de Berkeley et de Washington, à l’origine de cette étude. Ensemble, ils ont conçu un dispositif optique appelé Oz, en référence au célèbre livre de Lyman Frank Baum. Son rôle, c’est de “pirater” la rétine en activant individuellement certains photorécepteurs à l’aide d’un laser. En théorie, cette stimulation ciblée, totalement impossible dans des conditions d’observation naturelles, devrait donc être interprétée par le cerveau comme une nouvelle couleur inconnue, absente du fameux arc-en-ciel.

Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs se sont mués en cobayes. Ils se sont installés devant un fond gris neutre pendant que le laser du prototype était chargé de stimuler uniquement les cônes M, les plus sensibles aux longueurs d’onde associées au vert. Et l’expérience semble avoir été un grand succès : tous les participants affirment avoir observé une “nouvelle” couleur, qui a ensuite été appeléeOlo. Pour des raisons évidentes, il est malheureusement impossible de vous permettre de la visualiser. Mais les auteurs la décrivent comme une version exceptionnellement intense et saturée du vert pastel représenté ci-dessous.

Couleur Olo

Les auteurs ont ensuite poussé l’expérience encore plus loin. Ils ont demandé aux participants de suivre un point blanc mobile, pendant qu’ils visaient de petites régions de la rétine avec le laser d’Oz. Les cobayes expliquent avoir observé “différentes couleurs de l’arc-en-ciel”, mais aussi un tas d’autres “couleurs inédites au-delà de la gamme humaine naturelle”.

Selon les chercheurs, il s’agit d’une “preuve indiscutable” de l’existence d’une nouvelle couleur. Mais certains de leurs collègues se montrent plus mesurés. John Barbur, chercheur en optique à l’Université de Londres, a par exemple indiqué à la BBC que cette affirmation était « sujette à discussion ».

Il admet volontiers que cette capacité à stimuler des photorécepteurs rétiniens avec une telle précision représente une « prouesse technologique ». En revanche, il reste plus prudent sur les revendications des chercheurs. Selon lui, cette stimulation non naturelle de la rétine pourrait influencer la perception de paramètres comme la luminosité ou la teinte, et donc produire une version plus intense d’une couleur déjà connue, au lieu d’une nouvelle couleur à proprement parler.

Un potentiel en recherche et en médecine

Mais quoi qu’il en soit, ces travaux restent assez fascinants. Au bout du compte, le prototype des chercheurs incarne tout de même une nouvelle manière de sonder le système visuel humain pour comprendre son fonctionnement et explorer ses limites. Une fois mature, il pourrait même se retrouver au centre de nouvelles approches thérapeutiques, par exemple pour corriger la rétine des personnes daltoniennes.

« Oz représente une nouvelle catégorie de plateforme expérimentale pour les sciences de la vision et les neurosciences, qui vise à contrôler totalement la première couche neuronale du cerveau et à programmer l’activation de chaque photorécepteur à tout instant », résument les chercheurs. « Notre prototype constitue une avancée vers ce type de contrôle neuronal, et nous démontrons sa capacité à délivrer avec précision des microdoses de lumière aux cônes cibles. »

Le texte de l’étude est disponible ici.

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