Sur Netflix, la série Adolescence a fait l’effet d’un coup de poing. Outre sa prouesse technique d’une réalisation tout en plan séquence, le show a permis d’interroger la croissance des discours masculinistes auprès des jeunes sur les réseaux sociaux. Depuis sa diffusion, Adolescence s’est imposée comme un phénomène mondial, dépassant les 96 millions de vues en 17 jours et intégrant le Top 10 des séries anglophones les plus regardées de tous les temps sur la plateforme. Sans doute parce que l’histoire de Jamie, 13 ans, accusé du meurtre d’une camarade après avoir été exposé à des discours misogynes et masculinistes en ligne, fait violemment écho à notre réalité.
La fiction comme miroir de la réalité
Le succès de la série a poussé le Royaume-Uni à envisager sa diffusion dans les établissements scolaires. En France, la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne s’est dite favorable à la sensibilisation des élèves sur ces sujets, sans programmer la diffusion d’Adolescence dans les écoles, préférant miser sur des ressources locales. Si la série dérange autant, c’est parce qu’elle interroge frontalement la responsabilité de l’éducation et des réseaux sociaux dans la radicalisation des jeunes garçons.
Comme les sujets religieux, le masculinisme (qui estime que les hommes souffrent de l’émancipation des femmes et prône un retour à des valeurs patriarcales) gagne en visibilité sur les réseaux sociaux. Certains influenceurs cumulent des millions de vues, en promouvant l’idée d’une masculinité “forte”, et en dénonçant les avancées féministes comme une menace pour l’identité et la place des hommes. Qu’il s’agisse de citer la supposée misère sexuelle ou d’idéaliser la figure d’un “mâle alpha” capable de soumettre les femmes, la rhétorique reste la même chez les incels. Reste que le discours a désormais pignon sur rue, et qu’il trouve un écho particulier chez les jeunes hommes en quête de repères, ou confrontés à des difficultés relationnelles.
Éduquez vos fils
Le rapport 2025 du Haut Conseil à l’égalité (HCE) dresse un constat alarmant : la société française se polarise de plus en plus autour des questions de genre. Les femmes se déclarent toujours plus féministe, tandis que les hommes, surtout les moins de 35 ans, adhèrent davantage aux discours masculinistes. Près de la moitié des jeunes hommes jugent qu’il est difficile d’être un homme aujourd’hui, et 52 % des 25-34 ans estiment que la société “s’acharne sur les hommes“. Une crise de la masculinité alimentée par la sphère médiatique, sociale et politique. À l’image du racisme et de l’homophobie, les discours sexistes et masculinistes sont banalisés, parfois présentés comme de simples opinions.
Face à cette montée des extrêmes, l’école et la famille sont en première ligne. Les difficultés d’accès à l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle en France cristallise ce manque d’informations. Les jeunes sont laissés seuls avec leurs incertitudes, et se construisent avec ce qu’ils ont sous la main. Si le phénomène n’est pas nouveau, il prend une ampleur inédite à l’ère du numérique, en s’inscrivant dans un contexte de crispation identitaire et de remise en cause des progrès en matière d’égalité femmes-hommes. Ce n’est pas un hasard si la série The Handmaid’s Tale est aussi anxiogène : à l’image d’Adolescence, la dystopie agit comme le miroir d’un futur totalitaire, bâti sur de petites inactions. Il s’agira désormais d’agir concrètement pour déconstruire les discours de haine et promouvoir de nouveaux modèles de masculinité, ou risquer de voir s’accentuer la fracture générationnelle et sociale.
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