Une équipe de chercheurs vient d’accomplir un exploit unique dans le domaine de la biologie marine : pour la toute première fois, ils ont réussi à capturer une vidéo d’un calmar colossal vivant dans son habitat naturel. Longtemps considéré comme l’une des créatures les plus insaisissables des océans, ce céphalopode légendaire n’était jusqu’à présent documenté que par l’intermédiaire de spécimens morts, remontés par des bateaux de pêche. Ces nouvelles images offrent un aperçu inédit de la vie de l’un des animaux les plus mystérieux de la planète.
Vous avez sans doute déjà entendu parler du fameux calmar géant, alias Architeuthis dux. Cette créature suscite une certaine fascination, à tel point qu’elle a fait de nombreuses apparitions mémorables dans de célèbres œuvres de fiction. L’exemple le plus connu est sans doute l’incontournable Vingt-mille lieues sous les mers de Jules Verne, où l’équipage du Nautilus est forcé de se défendre contre l’assaut d’un calmar géant dans une bataille épique.
Un mastodonte très discret
Mais vous ignorez peut-être qu’il existe une autre espèce de calmar encore plus massive que ce dernier : le calmar colossal, ou Mesonychoteuthis hamiltoni pour les intimes. Il s’agit du plus grand invertébré connu ; les chercheurs estiment qu’il peut peser plus de 500 kg, soit à peu près autant qu’une vieille Fiat 500 !
Malheureusement, tout ce qu’on sait de cet animal repose sur l’étude de spécimens morts, retrouvés dans l’estomac de cachalots ou dans les filets de chalutiers. Aucun spécimen vivant n’a jamais été observé vivant dans son habitat naturel, et pour cause : ce sont de véritables artistes de l’évasion.
« Non seulement ces animaux vivent dans un environnement immense et très sombre, mais il est aussi probable qu’ils nous évitent activement », explique Kat Bolstad, biologiste marine à l’Université d’Auckland, dans un billet publié sur The Conversation. « Les calmars les plus aptes à éviter les prédateurs transmettent leurs gènes depuis des millions d’années. Il en résulte une population actuelle d’animaux dotés d’une vision aiguë, conditionnés à fuir la lumière », précise-t-elle.
Une première mondiale
Mais lors de sa dernière expédition, l’équipe de Bolstad a enfin touché au but : ce mardi, le groupe a annoncé qu’il avait enfin réussi à capturer les toutes premières images de ce béhémoth juvénile, 100 ans quasiment jour pour jour après la première description formelle.
Ces images exceptionnelles, capturées par un submersible scientifique appelé SuBastian pendant une expédition à proximité des îles Sandwich, permettent notamment d’apprécier les différences anatomiques entre le calmar géant et le calmar colossal.
Les premiers sont plutôt fins et allongés, avec une musculature relativement peu dense et un petit aileron. Le second, en revanche, est nettement plus trapu et doté d’un aileron bien plus imposant, avec des tentacules globalement plus courts et épais. Les deux plus longs sont notamment munis de crochets pivotants extrêmement tranchants, qui s’enfoncent de plus en plus profondément dans la chair de la proie lorsqu’elle se débat. Et c’est précisément grâce à la présence de ces appendices que les chercheurs ont réalisé à qui ils avaient affaire. « Quand j’ai vu les crochets, j’ai commencé à hyperventiler », raconte Aaron Evans, un des experts qui ont formellement identifié l’animal.

Dans la vidéo, on observe aussi un autre signe distinctif de cette espèce : ses immenses globes oculaires iridescents, indispensables pour repérer des proies dans l’obscurité des abysses. Chez les adultes, ils peuvent atteindre une taille supérieure à celle d’un ballon de football standard, ce qui en fait les plus grands yeux de tout le règne animal connu.
Au bout du compte, cette première observation d’un calmar colossal vivant représente une avancée majeure dans notre compréhension du monde abyssal. Elle confirme non seulement l’existence de comportements et de caractéristiques morphologiques jusqu’ici supposés, mais ouvre aussi la voie à de nouvelles recherches sur un écosystème qui reste encore largement méconnu.
À une époque où l’humanité a cartographié la surface de Mars avec plus de précision que les fonds marins de sa propre planète, cette découverte rappelle à quel point les océans regorgent encore de mystères plus fascinants les uns que les autres. Et c’est une excellente raison de continuer à suivre les travaux des biologistes marins, dont les découvertes n’ont certainement pas fini de nous émerveiller.
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