Bruxelles prend ses distances – et ses précautions – avec Washington. Dans un geste qui témoigne d’une méfiance grandissante entre les alliés historiques, la Commission Européenne équipe certains de ses plus hauts fonctionnaires se rendant aux États-Unis de téléphones jetables et d’ordinateurs portables basiques. Selon un article du quotidien britannique Financial Times, cette mesure, habituellement réservée aux déplacements dans des pays considérés comme à haut risque sécuritaire comme la Chine ou la Russie, vise à se prémunir contre un potentiel espionnage américain.
Cette nouvelle directive concerne notamment les commissaires et hauts fonctionnaires qui participeront aux réunions de printemps du FMI et de la Banque Mondiale à Washington la semaine prochaine (21-26 avril). « Ils craignent que les États-Unis n’infiltrent les systèmes de la Commission », confie un fonctionnaire sous couvert d’anonymat. D’autres consignes incluent d’éteindre les téléphones à la frontière et de les placer dans des pochettes spéciales anti-espionnage s’ils sont laissés sans surveillance.
Une alliance transatlantique ébranlée ?
Ce traitement des États-Unis comme une menace sécuritaire potentielle illustre la dégradation spectaculaire des relations transatlantiques, particulièrement depuis le retour de Donald Trump à la présidence américaine en janvier. Ses accusations contre l’UE, l’imposition de tarifs douaniers, ses ouvertures envers la Russie et ses menaces sur les garanties de sécurité européennes ont semé le trouble. « L’alliance transatlantique est terminée », va même jusqu’à déclarer un autre fonctionnaire européen.
Au-delà des tensions politiques générales, des discussions sensibles sont en cours dans plusieurs domaines (commerce, régulation technologique) où chaque partie pourrait être tentée de recueillir des informations sur l’autre. L’UE a d’ailleurs reporté ses mesures de rétorsion suite aux taxes américaines sur l’acier et l’aluminium, tandis que les USA critiquent vivement la régulation européenne des géants de la tech.
Sécurité renforcée pour Washington
La Commission a confirmé avoir récemment mis à jour ses conseils de sécurité pour les voyages aux États-Unis, sans toutefois mentionner explicitement les « téléphones brûleurs » par écrit. Pour Luuk van Middelaar, directeur du Brussels Institute for Geopolitics, cette prudence n’est pas surprenante : « Washington n’est pas Pékin ou Moscou, mais c’est un adversaire enclin à utiliser des méthodes extra-légales pour servir ses intérêts ». Il rappelle les accusations d’espionnage du téléphone d’Angela Merkel sous l’administration Obama, soulignant que ce type de tactiques n’est pas nouveau.
Un risque supplémentaire existe à l’entrée aux États-Unis, où les agents aux frontières ont le droit de saisir et d’inspecter les appareils électroniques des visiteurs. Des citoyens européens se sont déjà vu refuser l’entrée pour des opinions exprimées sur les réseaux sociaux ou des documents jugés critiques envers l’administration américaine. Il est donc conseillé aux fonctionnaires d’avoir leurs visas dans leurs documents diplomatiques plutôt que dans leurs passeports nationaux.
Ce climat de suspicion et ces mesures de précaution exceptionnelles marquent une nouvelle ère, bien plus froide, dans les relations entre l’Europe et les États-Unis.
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