Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, a mis Twitter/X sens dessus dessous ce week-end, avec la publication d’un post où il a appelé à « supprimer toutes les lois sur la propriété intellectuelle ». Un positionnement notamment applaudi des deux mains par Elon Musk.
L’origine de cette saillie n’est pas particulièrement claire, puisque comme à son habitude, le créateur original du réseau à l’oiseau bleu n’a pas jugé nécessaire d’ajouter de contexte à son message extrêmement minimaliste. On peut toutefois formuler quelques hypothèses sur la base du contexte actuel.
L’IA au coeur du débat ?
Pour rappel, depuis quelques années, de nombreux cadors de l’intelligence artificielle (à commencer par OpenAI) font face à des actions en justice de la part d’entreprises qui les accusent d’avoir allègrement pillé leur travail pour entraîner leurs modèles. De leur côté, elles arguent que ces législations freinent inutilement l’innovation et ralentissent le progrès technologique de l’humanité. Il est donc probable que la saillie de Dorsey fasse référence à ces frictions.
delete all IP law
— jack (@jack) April 11, 2025
C’est en tout cas de cette façon que plusieurs grandes figures de la tech mondiale semblent l’avoir interprété. On peut notamment citer Chris Messina, considéré comme l’inventeur du hashtag moderne. Dans un post Bluesky repéré par TechCrunch, il a déclaré que Dorsey n’avait « pas tort », arguant que « Les amendes de propriété intellectuelle automatisées pour infraction à la propriété intellectuelle pourraient devenir le substitut à l’emprisonnement des pauvres pour possession de cannabis ».
Pour resituer le contexte, il s’agit d’une référence au fait qu’aux États-Unis, l’immense majorité des arrestations liées à cette drogue concerne des personnes relativement pauvres et / ou appartenant à une minorité ethnique. C’est donc devenu un symbole d’une législation peu pertinente qui renforce les inégalités structurelles.
Messina estime que la situation est comparable avec les lois de protection intellectuelle. Selon lui, le système tel qu’il est implémenté aujourd’hui ne bénéficie qu’aux grandes entreprises ; les artistes, auteurs et inventeurs isolé, qui peuvent facilement être ciblés pour des entorses mineures, ont souvent beaucoup de mal à faire valoir ces droits face à ces mastodontes qui, de leur côté, sont rarement mises face à leurs responsabilités à ce niveau.
Musk applaudit
L’avis de Jack Dorsey a aussi reçu l’approbation d’Elon Musk. Un positionnement qui a au moins le mérite d’être cohérent. Cela fait des années que le patron de Tesla, SpaceX et Twitter/X s’attaque ouvertement aux systèmes de protection basés sur les brevets et la propriété intellectuelle. Il y a environ deux ans et demi, il avait d’ailleurs réaffirmé cette position avec une saillie qui avait beaucoup fait jaser : « les brevets, c’est pour les faibles ».
Sans surprise, ce positionnement a aussi fait froncer quelques sourcils. L’auteur Michael Lincoln, par exemple, semble y voir un argument de mauvaise foi. « Aucune des compagnies de Jack [Dorsey] ou d’Elon [Musk] n’existerait sans les lois sur la propriété intellectuelle », a-t-il répondu.
L’avocate Nicole Shanahan, de son côté, répondu avec un « NON » catégorique au tweet de Dorsey. Elle a ensuite ajouté que « la propriété intellectuelle est la seule chose qui sépare aujourd’hui les créations des humains et celles de l’IA » et appelé à une discussion sur une éventuelle réforme. Un argument contré par Dorsey, qui s’est plus ou moins aligné sur le positionnement de Messina. « La créativité est ce qui nous sépare actuellement — et le système actuel limite cela en mettant la distribution des paiements entre les mains de gatekeepers qui ne rémunèrent pas de manière équitable », a-t-il argumenté.
Ces échanges ne sont probablement que la partie émergée d’un vaste iceberg de lobbying et de discussions entre législateurs sur le futur de ce cadre légal. Il sera donc intéressant d’observer si le souhait de Dorsey sera un jour exaucé. Cela ferait sans doute plaisir à Sam Altman, selon qui il est désormais « impossible » de faire progresser l’IA sans lui donner accès à des données protégées par ce cadre légal. Mais les créateurs et organes de presses qui attaquent son entreprise en justice en ce moment ne seront probablement pas du même avis, et il faudra donc s’attendre à quelques étincelles avant la fin de ce feuilleton.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités et sur notre WhatsApp. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.