Le programme d’exploration martienne de l’Agence spatiale européenne commence à reprendre des couleurs — et c’est en grande partie grâce à des entreprises françaises. Thales Alenia Space a en effet sélectionné Airbus pour terminer la construction du premier rover martien européen, qui restait paralysé depuis plusieurs années à cause de l’invasion de l’Ukraine.
Cet engin s’inscrit dans le cadre d’ExoMars, une mission en deux phases centrée sur la recherche de traces de vie passée sur Mars. Elle a commencé en 2016 avec le déploiement du Trace Gas Orbiter (TGO), une sonde qui étudie l’atmosphère de la Planète rouge depuis l’orbite pour y trouver des marqueurs d’activité géologique et potentiellement biologique, comme le méthane.
La deuxième phase repose entièrement sur un rover appelé Rosalind Franklin, conçu pour rechercher des traces de vie dans les roches martiennes comme le fait le rover Perseverance de la NASA. Un projet à la fois ambitieux et excitant que tous les amoureux de l’espace attendaient impatiemment à l’approche du lancement, initialement planifié en 2022.
Un programme miné par l’invasion de l’Ukraine
Mais c’était sans compter l’intervention de la Russie, qui a décidé de lancer son « opération militaire spéciale » en l’Ukraine peu avant cette échéance. Suite à ce séisme géopolitique, l’ESA a pris la décision de suspendre sa coopération avec Roscosmos, l’agence spatiale russe.
Une décision qui a eu des conséquences très concrètes. Le contingent russe était en effet chargé de concevoir plusieurs éléments clés du rover, comme la plateforme de l’atterrisseur censé l’acheminer jusqu’à la surface.
Pendant environ deux ans, le programme s’est donc retrouvé partiellement paralysé. L’ESA a dû mettre les bouchées doubles pour relancer la machine, au propre comme au figuré. Elle a signé plusieurs contrats avec des prestataires externes pour terminer le rover, dont un particulièrement important avec la NASA. L’agence américaine se chargera notamment de concevoir les rétropropulseurs qui aideront Rosalind Franklin à se poser sur Mars.
Airbus mène la charge
Mais heureusement, l’ESA n’a pas délégué tout le reste du projet à l’Oncle Sam. En avril 2024, elle a notamment annoncé la formation d’un consortium européen dirigé Thales Alenia Space, qui jouera également un rôle central dans la conception du rover.
Et le plan d’action de la coentreprise franco-italienne commence à prendre forme : elle a récemment annoncé avoir sélectionné la division britannique d’Airbus pour la conception et la construction de la fameuse plateforme, qui restait au point mort depuis l’éviction de Roscosmos.
Un choix qui n’a rien de surprenant, sachant que l’avionneur français est déjà l’un des acteurs les plus importants du programme. En effet, c’est déjà la branche britannique de l’entreprise qui a conçu et assemblé le rover en lui-même sur le site de Stevenage, au Royaume-Uni. Ses ingénieurs connaissent donc parfaitement chaque élément de la machine, et sont naturellement les mieux placés pour concevoir le support qui permettra de l’amener jusqu’à sa destination.
L’échéance approche
Airbus se verra attribuer une enveloppe de 179 millions d’euros, et disposera de quelques années pour terminer cet élément crucial. En effet, le départ du rover n’est prévu qu’en 2028, afin d’éviter l’impitoyable « saison de la poussière » qui compliquerait sévèrement les opérations. Un mal pour un bien, car il reste encore beaucoup de travail pour préparer l’engin.
Il faudra notamment installer et valider tous les éléments qui ont été modifiés ou remplacés depuis l’éviction de la Russie. On pense notamment au système de chauffage radioactif fourni par la NASA, qui permettra aux instruments de survivre aux températures martiennes. L’ensemble devra aussi être soigneusement stérilisé pour éviter toute contamination de la Planète rouge. Et surtout, il faudra requalifier l’ensemble du système d’entrée atmosphérique, de descente et d’atterrissage. Un point particulièrement important puisque Schiaparelli, le démonstrateur arrivé en même temps que le TGO en 2022 pour ouvrir la voie au rover, s’est malheureusement écrasé au terme de sa descente.
Il conviendra donc de suivre attentivement le déroulement de ces travaux sur les trois prochaines années, en attendant le départ de cette mission qui sera sans doute l’une des plus intéressantes de l’histoire de l’ESA.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.