Le chantier d’ITER, le réacteur à fusion nucléaire expérimental en construction dans le sud de la France, vient de faire un vrai pas en avant avec la réception d’une immense structure de soutien qui accueillera bientôt l’une des pièces les plus importantes de la machine.
Le fonctionnement des tokamaks comme ITER repose en très grande partie sur la d’un plasma, le substrat électriquement chargé et porté à une température de plus de 100 millions de degrés où se déroulent les réactions de fusion. Pour le faire émerger, il faut d’abord apporter une quantité d’énergie formidable à un mélange de tritium et de deutérium gazeux. Tout l’enjeu, c’est ensuite de maintenir ce plasma à bonne distance des parois du réacteur, mais aussi et surtout de le stabiliser, faute de quoi la réaction ne peut pas franchir le fameux « seuil d’ignition » qui lui permet de s’autoentretenir.
Le solénoïde central, la colonne vertébrale du réacteur
Pour y parvenir, les ingénieurs s’appuient sur de gigantesques bobines supraconductrices de plusieurs centaines de tonnes, qui génèrent un champ magnétique extrêmement intense. La plupart de ces aimants sont positionnés autour de la chambre, à une exception près : le gigantesque solénoïde central positionné au milieu du « donut », qui va devenir l’aimant supraconducteur le plus puissant de la planète.
Ce dernier sera chargé d’une mission de la plus haute importance : créer un courant dans le plasma. Ce flux de particules chargées est absolument crucial. Il participe activement à la montée en température, et il joue aussi un rôle déterminant dans la stabilisation de la réaction. C’est donc l’un des organes les plus importants du réacteur.

Mmais installer ce bijou d’ingénierie est tout sauf évident. Il est en effet composé de six modules pèsent chacun 121 tonnes, et l’ensemble doit être positionné avec une marge d’erreur de quelques millimètres ! Afin de s’assurer qu’il joue son rôle à la perfection, il faut donc commencer par construire une gigantesque structure de soutien, une sorte d’échafaudage high-tech de plusieurs milliers de pièces qui doit encaisser des contraintes gigantesques sans bouger d’un pouce. Un défi d’ingénierie colossal.
« Le premier rôle de la structure est de maintenir les six modules solénoïdes centraux en position avec des tolérances strictes, de l’ordre du millimètre », explique Kevin Freudenberg, directeur technique de l’ingénierie d’ITER aux États-Unis. « Le véritable défi se pose ensuite pendant l’exploitation. Aux moments clés, la force verticale qui s’exerce sur l’empilement de modules peut atteindre 60 méganewtons, soit plus du double de la force générée par une fusée au décollage. »
Une étape clé de la construction
8 entreprises américaines spécialisées dans l’ingénierie structurale et la fabrication de haute précision ont œuvré main dans la main pendant presque dix ans pour concevoir et construire cette structure colossale. Cette étape clé est enfin terminée : dans un communiqué, le consortium ITER a annoncé que les derniers éléments de cette gigantesque cage ont enfin été livrés sur le chantier Cadarache.
Il s’agit d’un jalon très important dans l’histoire du réacteur. En effet, cela signifie que l’assemblage du solénoïde central sera bientôt terminé. Les quatre premiers modules sont désormais en place et les deux derniers devraient être empilés d’ici la fin de l’année, une fois que les derniers éléments de l’armature fraîchement réceptionnés auront été assemblés et rigoureusement testés.
Mais cela ne signifie pas que les ingénieurs et les ouvriers sont enfin au bout de leurs peines, loin de là. La prochaine grande étape consistera à intégrer ce monstre de métal à la structure du tokamak. Il faudra pour cela connecter le solénoïde aux autres aimants supraconducteurs périphériques, puis s’assurer que l’ensemble sera parfaitement aligné pour que les premiers plasmas soient aussi stables que possible. Il faudra ensuite installer le reste des composants structuraux et des instruments qui permettront de confiner le plasma, à commencer par la chambre à vide elle-même.
Certaines des étapes les plus intéressantes de la construction commencent donc à pointer le bout de leur nez, et il sera fascinant de suivre les progrès de cet effort d’ingénierie unique en son genre. Espérons que les prochaines étapes se succéderont désormais avec régularité, dans un contexte où les responsables du projet ont récemment été forcés de repousser la date du premier plasma.
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