Après plus de neuf mois en orbite à bord de la Station spatiale internationale, les deux astronautes américains Suni Williams et Butch Wilmore sont enfin rentrés sur Terre dans la nuit du 18 au 19 mars, marquant la fin d’un feuilleton technologique qui a également pris une tournure très politique ces derniers temps.
Ces 286 jours représentent évidemment une durée plus que substantielle dans un tel environnement : il s’agit de la sixième mission la plus longue de l’histoire de la NASA. Il ne s’agit cependant pas d’un record, loin de là. À ce niveau, le Russe Valeri Poliakov et l’Américain Frank Rubio restent pour le moment indétrônables avec respectivement 400 et 371 jours consécutifs en orbite. Mais si ce chiffre a tant fait jaser, c’est parce qu’à l’origine, ils n’étaient censés rester que huit jours à bord de la station.
Pour rappel, les deux vétérans ont été acheminés à bord de l’ISS par le Starliner, la capsule de Boeing conçue pour concurrencer le Dragon de SpaceX. Mais après un cycle de développement déjà très long et compliqué, l’engin a rencontré une série de dysfonctionnements inquiétants au pire des moments, pendant la phase d’approche de la station. Les deux compères sont heureusement arrivés sains et saufs à bon port, mais la NASA et Boeing ont décidé qu’il serait plus sage de reporter leur retour sur Terre pour effectuer certaines vérifications sur l’engin.
Incapables de garantir la sécurité de ce dernier, l’agence et l’entreprise ont finalement décidé de le rapatrier seul, laissant les astronautes coincés à bord de la station. Williams et Wilmore se sont donc intégrés de bon cœur à la routine opérationnelle de la station pendant que les équipes au sol commençaient à planifier leur retour à bord d’un autre engin.
Une récupération politique malsaine
À cause de cette situation rare, leur périple a été extrêmement médiatisé et a fait l’objet de nombreuses récupérations politiques. Donald Trump, en particulier, n’a pas manqué cette occasion en or de s’attaquer à l’administration de son prédécesseur. « Ils ont honteusement oublié les astronautes, parce qu’ils considéraient que c’était un événement très embarrassant pour eux », a-t-il lancé sur son propre réseau Truth Social en début de semaine. « Ils ont été laissés là-haut pour des raisons politiques », a renchéri Elon Musk.
Plus largement, le Président n’a pas su résister à la tentation de se revêtir sa cape de superhéros côtés d’Elon Musk, de plus en plus impliqué dans le gouvernement en tant que responsable du fameux DOGE. Ces derniers jours, il a régulièrement tourné l’histoire en sa faveur. Il a notamment affirmé que l’administration précédente — « un groupe d’incompétents » — s’était défaussée de ses responsabilités, et que ce n’était que grâce à son investissement sans faille que la situation pourrait enfin être résolue. Peu après l’amerrissage de la capsule Dragon de SpaceX qui les a enfin ramenés sur Terre, Trump a indiqué sur X avoir tenu sa « promesse » de « secourir » les deux naufragés, rentrés sains et saufs « grâce à Elon Musk ».
Il convient toutefois de rappeler que la NASA n’a pas attendu le retour de Trump à la Maison-Blanche pour préparer le retour des astronautes. Le processus était déjà en marche depuis août dernier, et la capsule Dragon qui les a rapatriés était déjà amarrée à l’ISS depuis septembre. Techniquement, ils auraient donc pu revenir bien plus tôt, sans l’intervention du sulfureux président — et Musk en était forcément conscient, ce qui rend ses dernières déclarations encore plus indélicates. L’agence en a simplement décidé autrement pour des raisons avant tout logistiques et non pas politiques : il s’agissait avant tout de faire en sorte que la station puisse continuer d’opérer dans les meilleures conditions possibles, ni plus ni moins.
Ce feuilleton est désormais bouclé — mais ce ne sera certainement pas la dernière fois que de la politique de bas étage vient peser de tout son poids sur les opérations de la NASA. Il sera donc intéressant de voir dans quelle mesure les opérations de la NASA, et notamment le programme Artemis, vont être chamboulées par le duo Trump-Musk sur les prochaines années.
L’autre grande question, c’est de savoir ce qu’il va advenir du Starliner. À ce jour, la capsule maudite ne semble toujours pas en état de concurrencer les Dragons de SpaceX, alors que le programme a pourtant englouti plusieurs milliards de dollars de subventions depuis le début du programme en… 2014. À ce stade, on peut légitimement se demander si le programme mérite encore d’être maintenu à flot, dans un contexte où l’entreprise accumule les problèmes depuis plusieurs années. Dans le cas contraire, cela ferait sans doute les affaires de SpaceX, qui dispose d’un monopole de plus en plus important dans ce secteur. Affaire à suivre.
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