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The Electric State : les frères Russo se tirent une balle dans le pied

Interrogés sur le budget colossal de leur dernier film, les frères Russo admettent que ça n’a “probablement pas beaucoup de sens”.

Près de 300 millions de dollars de budget, un duo d’acteurs en vogue et… une sortie sur Netflix. The Electric State est l’événement de ce début d’année pour la plateforme américaine et aussi sans doute l’une des plus grosses déceptions de la presse francophone et américaine. Sorti ce vendredi dans le monde, le titre adapté du roman graphique de Simon Stålenhag est étrillé par la critique. Son budget soulève aussi de nombreuses questions, et notamment concernant la stratégie de Netflix pour atteindre une forme de rentabilité. La firme ne peut pas compter sur des ventes de tickets comme au cinéma, doit se reposer intégralement sur les revenus générés par ses abonnements et désormais la publicité pour amortir ses investissements. Mais comment évaluer le potentiel d’un film à attirer de nouveaux clients ? Lors d’un long entretien avec The Hollywood Reporter, les réalisateurs Joe et Anthony Russo ont été invités à commenter cette décision de miser très gros sur leur imaginaire.

Les réalisateurs d’Infinity War et Endgame, qui doivent revenir pour Doomsday et Secret Wars des deux prochains, ne sont pas convaincus du bienfondé économique d’un tel choix mais le défendent. Joe Russo explique : “Logiquement, cela n’a probablement pas beaucoup de sens de continuer à dépenser de cette façon, mais je pense qu’ils pourraient le faire, car les gens croient toujours à l’ambition. Les dirigeants croient toujours à l’ambition. Les gens veulent toujours l’image de marque qui va avec l’ambition. Ils veulent toujours le sex-appeal qui va avec. Je pense donc que certaines de ces choses apparaîtront, mais je ne pense pas que ce sera un élément sain du modèle économique”.

Le problème des films Netflix

Outre l’obscurité du modèle économique de la plateforme, les frères Russo soulignent un défaut inhérent à son modèle de distribution. Certains réalisateurs tentent d’ailleurs de s’y soustraire, à l’image de Greta Gerwig avec sa saga Narnia. Selon Anthony Russo, une sortie en streaming limite grandement l’aspect événementiel d’un film. Après tout, comment créer un engouement en quelques jours quand un projet est assuré de rester accessible plusieurs années. Les abonnés ne se ruent pas dans la seconde et la procrastination fait son oeuvre. Les films sont vites oubliés.

“The Electric State est sans aucun doute un test majeur pour tout cela. Le défi est de savoir s’il est possible de transformer un film en streaming en un événement alors qu’ils ne créent pas de lieu privilégié pour présenter le film au public. Mais ils ont essayé d’utiliser les outils à leur disposition pour transformer ce film en événement, et nous avons essayé. On verra bien ce que ça donne, ce que ça donne à Netflix et où tout ça nous mènera”.

En effet, le N rouge tient plus que tout à son expérience de divertissement de salon et n’a misé sur les salles obscures qu’à de très rares occasions. Le plus souvent, il s’agissait d’exploitations brèves et limitées à quelques salles. C’était le cas de Pinocchio par Guillermo Del Toro ou encore Glass Onion. En France, cela n’a jamais été fait puisque la firme ne veut pas répondre aux obligations de la chronologie des médias.

Ce manque de sacralisation du moment était d’ailleurs l’un des points de frictions entre Greta Gerwig et le N rouge. La réalisatrice voulait que sa production ambitieuse avec l’univers de C.S Lewis profite des possibilités techniques offertes par la salle autant que du contexte d’un visionnage collectif. Elle a obtenu gain de cause avec une exploitation en IMAX sur de nombreux territoires avant la sortie sur Netflix.

Plus largement, alors que ses concurrents sont de plus en plus nombreux à miser plus largement sur les salles obscures, le N rouge semble s’y refuser tout à fait et veut concentrer ses efforts sur son catalogue. Apple TV+ a multiplié les sorties depuis Killers of the Flower Moon en 2023, le succès n’a pas été au rendez-vous, tandis que Amazon MGM profite de l’expertise du lion rugissant pour s’imposer sur le grand écran. De son côté, Disney va délaisser les films exclusivement pour sa plateforme et exploiter l’idée d’une seconde vie pour ses cartons et ses petites déceptions au box-office.

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