À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés ont ordonné la destruction rapide et peu coûteuse de l’arsenal nazi, ainsi que de certaines de leurs propres armes. Des tonnes de munitions ont alors été jetées en mer, souvent de manière anarchique. « Nous ne parlons pas de quelques bombes non explosées, mais de millions de munitions de la Seconde Guerre mondiale simplement jetées par les Alliés pour éviter tout réarmement », a rappelé la ministre allemande de l’Environnement, Steffi Lemke, en octobre 2024.
Une dépollution à grande échelle ?
Aujourd’hui, les conséquences environnementales de cet abandon inquiètent. Des chercheurs ont trouvé des traces de TNT dans les poissons et les moules autour des sites de déversement. « Les munitions conventionnelles sont cancérigènes, les munitions chimiques sont mutagènes et perturbent les enzymes des organismes », prévient Jacek Bełdowski, spécialiste des dépôts sous-marins à l’Académie polonaise des sciences, repris par Wired.
Face à ce problème, l’Allemagne a lancé en juillet 2024 un projet pilote pour tester des solutions d’extraction de ces explosifs sous-marins. Avec un budget de 100 millions d’euros, plusieurs entreprises ont commencé à explorer la baie de Lübeck, située à une vingtaine de mètres de profondeur. L’objectif est de mettre au point un système capable de cartographier, extraire et éliminer ces munitions de manière efficace.
Des drones sous-marins équipés de capteurs et de caméras détectent les engins explosifs, qui sont ensuite remontés à l’aide de bras mécaniques et de pinces hydrauliques. L’entreprise SeaTerra, en charge du projet, a déjà récupéré 16 tonnes de munitions au cours des deux premiers mois de l’opération. Mais pour Dieter Guldin, responsable des opérations, l’enjeu principal reste l’amélioration des technologies. « Nous avons atteint un stade où nous scannons une grande quantité de munitions et développons des programmes d’apprentissage automatique pour mieux les identifier », explique-t-il.
Le projet pilote prévoit également la construction d’une installation flottante de destruction des explosifs. L’idée est de brûler directement les munitions en mer, évitant ainsi leur transport vers des sites terrestres, coûteux et risqués. Cependant, le chantier s’annonce complexe. La capacité des fours et la manière dont les plus grosses bombes seront fragmentées restent des inconnues.
Si l’expérience se révèle concluante, elle pourrait servir de modèle à d’autres pays confrontés au même héritage toxique. Jusqu’aux années 1970, les armées du monde entier ont utilisé les océans comme décharges pour leurs vieux stocks d’armes. La technologie développée en Allemagne pourrait donc trouver des applications bien au-delà de la Baltique, à condition que les gouvernements acceptent d’investir dans ces opérations coûteuses. « Le problème ne manque pas, mais le financement, lui, reste incertain », conclut Wolfgang Sichermann, architecte naval impliqué dans le projet.
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