L’image est fugace. Mais visible et volontairement mise en avant pour faire chauffer les neurones des spectateurs et des fans de chez Marvel. Nous sommes dans l’épisode 2 de Daredevil Born Again, intitulé “Images” et Matt Murdock s’est mis en tête d’innocenter Hector Ayala, un citoyen new-yorkais bon sous tout rapport et qui se retrouve dans la tourmente, pour avoir provoqué de manière involontaire la mort d’un policier en civil. Sauf qu’Hector Ayala est un petit peu plus qu’un citoyen lambda, venu porter secours à un homme tabassé par deux autres sur un quai de métro, sans qu’aucun élément ne démontre qu’il s’agisse, à ce moment-là, de deux policiers. Il est White Tiger, le justicier qui a repris la place laissée vacante par Daredevil, bien qu’il ne portait ni son costume ni son amulette au moment de la rixe souterraine.

À la fin de l’épisode, Matt parvient à retrouver l’adresse de la victime, Nicky Torres et donc, du seul témoin de la scène pouvant innocenter Hector Ayala, mais ce dernier est aussi pisté par les deux policiers du métro, bien décidés à terminer le travail cette fois. Après avoir convaincu Nicky de s’enfuir par l’issue de secours, Matt fait face aux deux assaillants. Qui le rouent de coups d’abord. Avant que ces deux derniers ne passent un sale – mais alors, très, très sale – quart d’heure. Mais revenons au tatouage. C’est en agrippant Matt et en le plaquant contre le mur que l’un d’eux laisse apparaître sur son bras un tatouage, qui n’est autre que le symbole du Punisher, le nom de justicier de Frank Castle, interprété depuis des années désormais par Jon Bernthal. Le tatouage est accompagné sur le haut du crâne d’un symbole renvoyant au drapeau américain. Que signifie donc cette marque, alors que le personnage qu’elle est censée représenter n’est même pas encore apparu dans Born Again ?
Le Punisher, un personnage ultra controversé
On le sait, Jon Bernthal va rempiler dans ce rôle pour la série et va donc surgir à un moment où à un autre. D’ailleurs, ce tatouage pourrait être la raison de son apparition. Ce dernier peut être vu comme du fanatisme ou un culte aux “valeurs” défendues par le Punisher, détournées évidemment par un groupuscule de policiers corrompus, ce qui est le cas dans cet épisode. Cela n’est pas sans rappeler d’ailleurs The Dark Knight, le deuxième film de la trilogie Batman de Nolan, où, fascinés par l’homme chauve-souris, des citoyens de Gotham décident eux aussi de s’improviser justiciers, sans réellement comprendre les motivations ni tout le sens de l’action de Batman pour la ville.
Frank Castle est, dans les comics, un homme violent et sans pitié, partant du principe que donner la mort est la seule forme de justice. D’ailleurs sa bascule vers ce rôle de justicier borderline survient en réponse à l’assassinat de sa famille et à la vengeance qu’il souhaite assouvir. C’est autant animé par la colère que par l’amour porté à ses proches décédés que Frank va partir en croisade contre le monde. Il va toujours au bout de ses idées et de ses missions et est déterminé à faire payer les criminels, coûte que coûte. En transgressant autant de règles qu’il le souhaite et sans avoir à rendre des comptes. Ce qui a rapidement rendu le personnage aussi populaire que controversé et par-delà même son produit de base, le comics.
Un symbole détourné par la police et l’armée…
Voir ce symbole apparaître sur le bras – plus précisément le poignet – d’un policier est tout sauf une invention de fiction de la part des équipes de Daredevil : Born Again. Le symbole a déjà été utilisé, récupéré et détourné à de nombreuses reprises par les forces de l’ordre américaines pour “justifier” leur recours à des méthodes violentes. Les exemples, malheureusement, ne manquent pas : au milieu des années 2000, du côté de Milwaukee, plusieurs policiers se sont autoproclamés “Les Punishers”, en arborant la tête de crâne sur leurs casquettes et sur leurs gants et en se livrant à des agissements de justiciers.
Un peu plus tard, dans la seconde moitié des années 2010, le crâne du Punisher a refait des siennes, en porte-étendard du Blue Lives Matter, un mouvement créé en opposition au Black Lives Matter (et affirmant que les policiers sont les vraies victimes du racisme et de la violence), censé dénoncer les abus et les violences policières. Des membres de l’armée américaine l’ont également affiché, comme le célèbre tireur d’élite Chris Kyle, dont l’histoire est racontée dans le film American Sniper de Clint Eastwood. Ce dernier raconte à son époque avoir affiché, lui ainsi que ses coéquipiers, le symbole sur son véhicule, son gilet pare-balle, sa casquette ou encore son arme, mais l’avoir aussi tagué sur des bâtiments ou des murs.
…mais aussi par l’extrême droite
Enfin, l’autre forme de récupération du crâne blanc sur fond noir du Punisher a été sociale et politique avec son usage de la part de groupes d’extrême droite. Lors des émeutes du Capitole, le 6 janvier 2021, plusieurs émeutiers arborent l’emblème avec le drapeau des États-Unis sur des sacs à dos, des chapeaux, des casquettes, des armes… Et à travers le monde, les groupes marginaux se sont emparés du symbole pour promouvoir leurs idées. Marvel, sommé de retirer le symbole et d’abandonner le personnage, n’est pas resté sans rien faire. Jon Bernthal non plus. L’acteur a publiquement dénoncé l’idéologie des émeutiers de 2021 sur X, en répondant à un fan du Punisher, écœuré par le détournement fait du personnage. “Ces gens sont égarés, perdus et effrayés, a écrit celui qui jouera dans le prochain film de Christopher Nolan dans son post. Ils n’ont rien à voir avec ce que représente Frank”.
https://x.com/jonnybernthal/status/1349133720519798784
Le créateur du personnage, Gerry Conway, avait pris la parole deux ans plus tôt : “Que vous pensiez que le Punisher est justifié ou non, que vous admiriez son code d’éthique, c’est un hors-la-loi. C’est un criminel. La police ne devrait pas adopter un criminel comme symbole”. Il a notamment cherché à inverser la tendance en 2020 en récupérant l’emblème détourné en mettant une vente en ligne de t-shirts avec le symbole – Skulls for Justice -, en soutien au mouvement Black Lives Matter, afin de donner la vraie signification du logo via un message de sa part posté sur la homepage du site.
Le Punisher a déjà (lui-même) répondu à la police
Si Marvel a depuis quelques années changé le logo du Punisher, pour tenter d’endiguer ce triste phénomène, dans les comics, le Punisher est déjà monté au créneau lui-même auprès des forces de l’ordre, en leur rappelant leur fonction et à quel point celle-ci était aux antipodes de ses propres actions. Dans le détail, il s’agit du Punisher #13, sorti en 2019, dans lequel Frank arrache un sticker à son effigie sur la carrosserie d’une voiture et invite la police à prendre exemple sur Captain America s’il recherche un héros.
https://x.com/nuclearkatie/status/1268217716852342784
Rien ne dit qu’on aura la même scène, mais on peut aisément supposer que Frank, à défaut de se cantonner à un avertissement verbal, va finir par monter au créneau, agacé par l’utilisation détournée de son symbole et les dérives que celle-ci est en train de prendre. Dès cette saison, où il va finir par apparaître ou dans le téléfilm spécial, que Marvel Studios lui réserve ? Plus que quelques épisodes à attendre : on vous rappelle que Daredevil : Born Again, c’est en ce moment, tous les mercredis, sur Disney +.
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