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Pourquoi certains cachent-ils leur plaque d’immatriculation quand ils se garent ?

Bouts de carton glissés à la va-vite, ruban adhésif méticuleusement appliqué, bâche anti pluie stratégiquement positionnée, masques improvisés en tout genre… Dans les grandes agglomérations françaises, une nouvelle tendance aussi créative qu’insolite gagne du terrain : le camouflage des plaques d’immatriculation lors du stationnement.

De Paris à Lyon, en passant par Marseille et Bordeaux, les agents municipaux constatent une recrudescence de ces pratiques destinées à déjouer la vigilance des voitures LAPI (Lecture Automatisée des Plaques d’Immatriculation) qui sillonnent les rues pour contrôler le stationnement payant. Cette astuce, qui permet d’échapper aux amendes automatiques, suscite de vifs débats entre ses partisans, qui dénoncent une “surveillance excessive”, et ses détracteurs qui y voient une forme d’illégalité. Le sujet soulève des questions d’ordre juridique, puisque selon un avocat devenu populaire sur TikTok, la pratique est sujette à interprétation.

LAPI : la “sulfateuse à PV”

LAPI, acronyme de Lecture Automatisée des Plaques d’Immatriculation, est un dispositif permettant aux autorités d’identifier les plaques d’immatriculation des véhicules à l’aide de techniques de reconnaissance optique des caractères. Pour scanner les plaques des voitures stationnées en ville, le système est installé sur des voitures qui sillonnent les rues où le stationnement est payant afin de verbaliser les automobilistes ayant “oublié” d’effectuer leur paiement. Cette activité est confiée à des sociétés privées chargées de passer au crible les rues des agglomérations.

Lancée dans la plupart des grandes villes françaises, de Paris à Nantes en passant par Marseille, la surveillance LAPI est confiée à des sociétés privées pour prêter main forte aux agents de verbalisation. Malheureusement, certains utilisateurs se sont plaints d’abus et de bugs, en particulier à Toulouse, où des résidents ont reçu des dizaines de FPS alors qu’ils avaient un abonnement résident. D’autres cas problématiques ont été rapportés, mettant en lumière certaines limites du système LAPI. Par exemple, des erreurs de verbalisation ont été constatées lors de stationnements momentanés ou concernant des personnes titulaires de la carte de stationnement pour personnes handicapées, qui bénéficient pourtant de dispositions spécifiques.

Face à cette surveillance renforcée, certains automobilistes ont décidé de se défendre en cachant leur plaque d’immatriculation une fois la voiture stationnée avec des adhésifs, des torchons, et même des masques chirurgicaux. Cette pratique reste défendue par certains, qui la jugent légale en raison d’un supposé vide juridique.

Un débat juridique complexe

A priori, cacher sa plaque d’immatriculation est une pratique illégale du point de vue du Code de la Route. Mais selon Me Sébastien Dufour, un avocat parisien spécialisé dans la défense des automobilistes, il existerait un vide juridique quant à cette dissimulation des plaques d’immatriculation. Dans une vidéo devenue virale sur TikTok, il affirme que les agents qui conduisent les véhicules de surveillance ne sont pas autorisés à descendre du véhicule pour retirer ce qui cache les plaques d’immatriculation, ce qui, d’après les commentaires de la vidéo, arrange bien des internautes.

Selon l’avocat, les textes légaux qui déterminent les règles que les véhicules motorisés doivent suivre en ce qui concerne les plaques d’immatriculation se rapportent aux véhicules en circulation et non aux véhicules stationnés, ce qui n’empêchait aucunement un propriétaire de véhicule de cacher la plaque lorsque le véhicule est stationné. Autre argument utilisé par l’avocat : rien ne peut prouver que c’est bel et bien le conducteur du véhicule qui a choisi de dissimuler la plaque d’immatriculation, le véhicule étant à l’arrêt pendant une période prolongée.

Pourtant, l’article R317-8 du Code de la route est assez clair à ce sujet. Il stipule que tout véhicule motorisé doit être équipé de deux plaques d’immatriculation fixées de manière visible et inamovible, et que “chaque plaque doit être maintenue dans un état d’entretien permettant la lecture des inscriptions qu’elle comporte”. La violation de ces dispositions est passible d’une amende forfaitaire de 135 euros.

Les usagers s’adaptent, les autorités aussi

Les conducteurs de véhicules LAPI peuvent uniquement passer dans les rues pour scanner les plaques. Les informations collectées sont ensuite envoyées à un centre de contrôle ou des agents assermentés peuvent émettre un FPS. Puisque des sociétés indépendantes gèrent ce processus, il n’est pas possible aux employés de retirer ce qui peut cacher les plaques. Cependant, les agents de surveillance de la voie publique peuvent verbaliser manuellement les plaques illisibles et émettre un forfait post stationnement. C’est notamment le cas à Toulouse, où la mairie a confirmé que ses agents peuvent aussi solliciter l’intervention de la police municipale pour émettre en plus une contravention de 4e classe à 135 euros pour plaque illisible.

Les usagers, quant à eux, trouvent tout de même des astuces pour continuer de passer sous les mailles du filet : les propriétaires de motos et scooters utilisent notamment des bâches anti pluie qui recouvrent entièrement leur véhicule. D’autres essaient de se garer en collant leur voiture à une autre ou le plus près possible d’un mur afin de déjouer le système, avec plus ou moins de succès.

Il est important de noter que ces pratiques de dissimulation ne concernent que le stationnement. Les modifications volontaires des plaques d’immatriculation en circulation, bien connues et pratiquées depuis longtemps par un grand nombre d’automobilistes peu scrupuleux, comme l’application de graisse ou la modification des caractères avec de l’adhésif noir, relèvent d’une tout autre catégorie d’infractions, beaucoup plus graves, pouvant aller de la simple amende de 135 euros en cas de plaque illisible, jusqu’à 3750 euros et un retrait de 6 points pour une plaque volontairement modifiée ou fausse.

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