La question de la réquisition de l’épargne des Français par l’État suscite de nombreuses inquiétudes, particulièrement dans un contexte où la dette publique française atteint des sommets historiques. À la fin du troisième trimestre 2024, la dette publique française a atteint 3 303 milliards d’euros, soit environ 113 % du PIB national. Cette situation a déclenché une procédure pour déficit excessif de la part de l’Union européenne, accentuant les tensions politiques et économiques. Face à cette situation préoccupante, il est légitime de s’interroger.
L’État français ne dispose pas du pouvoir de réquisitionner arbitrairement l’épargne des citoyens
Le droit de propriété est fermement protégé par la Constitution française, notamment par l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Les Codes civil et pénal interdisent explicitement toute saisie de biens privés, y compris l’épargne, sans un cadre légal précis et défini.
Cependant, il existe des situations spécifiques où l’État peut intervenir sur l’épargne des Français. Le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) et la Banque de France disposent de la capacité de bloquer temporairement les fonds en cas de crise bancaire majeure. Il s’agit d’un gel temporaire et non d’une confiscation, limité dans le temps à 6 mois maximum pour les assurances-vie, avec une seule possibilité de renouvellement.
Un autre mécanisme existe au niveau européen : la directive sur le redressement des banques et la résolution de leurs défaillances (BRRD). Cette mesure permet aux établissements bancaires en difficulté d’impliquer leurs actionnaires et créanciers en cas de faillite. Toutefois, cette disposition ne concerne que les dépôts supérieurs à 100 000 euros, protégeant ainsi la majorité des épargnants français.
Les livrets d’épargne réglementés comme le Livret A, le Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) et le Livret d’Épargne Populaire (LEP) bénéficient toujours d’une garantie totale de l’État. Cette protection s’ajoute au système de garantie des dépôts qui couvre jusqu’à 100 000 euros par déposant et par établissement bancaire via le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR).
L’État dispose en réalité d’autres leviers plus conventionnels et moins controversés
La fiscalité reste le principal outil pour augmenter les recettes publiques. Le Ministre actuel de l’Économie, Eric Lombard, a récemment annoncé que l’augmentation des impôts était inévitable.
La réduction des dépenses publiques est une autre piste fréquemment évoquée. Le Premier ministre François Bayrou a annoncé que “des économies importantes seront proposées pour la suite“, sans toutefois les détailler précisément.
L’État peut également encourager l’investissement public en émettant des obligations d’État comme les bons du Trésor. Cette approche permet à l’État français d’assurer son financement tout en offrant aux citoyens une opportunité d’investissement.
Des évolutions récentes significatives
Cependant, depuis le début de l’année plusieurs événements majeurs sont venus bouleverser le contexte économique et géopolitique européen. Début mars, la guerre en Ukraine a connu une escalade importante suite à la décision du président américain Donald Trump de retirer le soutien militaire des États-Unis à Kiev. Face à cette nouvelle donne stratégique, les dirigeants européens, réunis lors d’un sommet exceptionnel, ont décidé d’augmenter substantiellement leurs dépenses militaires. Une enveloppe exceptionnelle pouvant atteindre jusqu’à 800 milliards d’euros a ainsi été annoncée afin de renforcer la défense collective face aux menaces russes. Cette décision pourrait conduire la France à revoir fortement à la hausse son propre budget militaire, entraînant des conséquences importantes sur ses finances publiques déjà sous tension.
Sur le plan intérieur, la censure du gouvernement de Michel Barnier en décembre 2024, suite à l’utilisation controversée de l’article 49.3 sur le budget social, a conduit à l’adoption d’une loi spéciale reconduisant les budgets initialement prévus pour 2024 vers l’année 2025. Par ailleurs, le nouveau gouvernement français a présenté un budget pour 2025 prévoyant un déficit public ramené à environ 5,4 % du PIB. Parmi les mesures envisagées figure notamment une contribution exceptionnelle temporaire sur les bénéfices des grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros.
Enfin, les prévisions économiques ont été revues légèrement à la baisse : la croissance attendue pour 2025 est désormais estimée à 0,9 %, contre une prévision initiale de 1,1 %. Le coût annuel du service de la dette française devrait quant à lui atteindre environ 54,9 milliards d’euros cette année. Dans ce contexte tendu, une proposition controversée visant à flécher une partie des fonds du livret A vers le financement des entreprises françaises du secteur stratégique de la défense est toujours en cours d’examen parlementaire et suscite de nombreux débats.
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