L’heure fatidique continue de se rapprocher pour les légendaires sondes Voyager. La NASA a annoncé qu’elle avait été forcée de désactiver une nouvelle série d’instruments scientifiques afin de maintenir ces engins en vie le plus longtemps possible — un rappel que leur aventure épique va bientôt toucher à sa fin.
Pour rappel, les deux sondes Voyager sont les engins les plus distants conçus par l’humanité. Ce sont aussi les seuls à être sortis de la zone d’influence du Soleil pour s’aventurer dans l’espace interstellaire. Tout récemment, la première a franchi la barre symbolique des 25 milliards de kilomètres de par rapport à la Terre, un record phénoménal qui n’est pas près de tomber. Mais près de 50 ans après leur départ de la Planète bleue, elles ont de plus de plus de mal à supporter le passage du temps.
Cela fait déjà quelques années que différents composants parfois très importants rendent l’âme les uns après les autres, et surtout, que leurs réacteurs au plutonium commencent à montrer des signes de faiblesse. Plus le temps passe, plus leur budget énergétique se réduit, avec une perte d’environ 4W par an. Leur capacité à produire de l’énergie atteint désormais un stade critique.
Des instruments sacrifiés les uns après les autres
Cette situation force les ingénieurs à désactiver des composants pourtant fonctionnels afin d’ économiser de l’électricité. Dans son communiqué, la NASA explique que le prestigieux Jet Propulsion Lab (JPL) a désormais été forcé de désactiver une série de capteurs destinés à mesurer le rayonnement cosmique sur Voyager 1. Le 24 mars prochain, c’est le capteur à particules chargées de basse énergie de Voyager 2 qui subira le même sort.
Il ne restera donc que trois des dix instruments scientifiques originaux de chaque sonde. Une concession évidemment regrettable sur le plan scientifique, mais malheureusement indispensable pour que la paire puisse continuer sa grande aventure un peu plus longtemps.
« Les sondes Voyager sont des stars de l’espace lointain depuis leur lancement, et nous voulons que cela reste ainsi le plus longtemps possible », a déclaré Suzanne Dodd, la responsable du projet Voyager au JPL. « Mais la puissance électrique diminue à vue d’œil. Si nous n’éteignons pas un instrument sur chaque sonde Voyager maintenant, il ne leur restera probablement que quelques mois de puissance avant que nous devions déclarer la fin de la mission. »
La bonne nouvelle, c’est que ces sacrifices vont offrir un sursis d’environ un an aux deux sondes. Mais cela ne fait que repousser l’inévitable. En 2026, il faudra encore mettre de nouveaux instruments à la retraite, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le système de communication.
« Chaque minute de chaque jour, les sondes Voyager explorent une région où aucun vaisseau spatial n’est allé auparavant », rappelle Linda Spilker, scientifique du projet Voyager au JPL. « Cela signifie également que chaque jour pourrait être le dernier. Mais ce jour-là pourrait aussi apporter une autre révélation interstellaire. Nous mettons donc tout en œuvre pour que les sondes Voyager 1 et 2 poursuivent leur exploration le plus longtemps possible. »
La fin n’est plus très loin
Et il s’agit -là d’un scénario idéal ; il existe également une probabilité non négligeable que d’autres composants critiques flanchent spontanément avant ces échéances. Pour rappel, les deux engins ont vécu une année 2024 très difficile. C’est particulièrement vrai pour Voyager 1, qui a subi coup sur coup trois défaillances de systèmes critiques : un ordinateur de bord, le système de communication et le système de propulsion. À chaque fois, la situation semblait donc désespérée ; il y a même eu un moment où l’équipe du JPL estimait qu’il faudrait un « miracle » pour prolonger la mission.
Elle y est finalement parvenue au terme d’un feuilleton fascinant qui a impliqué de véritables fouilles archéologiques dans la documentation antique de l’engin, une bonne dose d’abnégation, et plusieurs coups de génie de la part des ingénieurs. Mais cela n’a fait que repousser une échéance qui se rapproche désormais à grande vitesse.
Les problèmes de santé de ce dinosaure technologique vont continuer de s’accumuler, et les opérations de maintenance vont devenir de plus en plus délicates. Ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’une de ces gouttes d’eau fasse déborder le vase, mettant fin à la mission de manière brutale. Les amoureux de l’espace doivent donc se préparer à la disparition prochaine d’une paire d’engins légendaires qui a marqué l’imaginaire collectif au fer rouge pendant près de cinq décennies.
Les Voyagers resteront notamment dans les annales pour leurs records de distance, mais aussi pour leurs énormes contributions aux sciences spatiales et à l’imaginaire collectif. Au cours de leur périple, elles ont en effet capturé quelques photos historiques qui ont joué un rôle déterminant dans la manière dont l’humanité entière conçoit l’espace.
On leur doit notamment les premières « photos de famille » du système solaire, où l’on voyait toutes les planètes voisines ainsi que notre étoile sur un même cliché. Voyager 1, de son côté, s’est aussi illustré à travers une photo devenue légendaire : le fameux « pale blue dot » — la Terre, perdue toute seule au milieu du vide de l’espace, vue depuis les confins du système solaire.

Ces contributions ont permis à des millions d’humains de prendre conscience de l’immensité à la fois grandiose et terrifiante de notre univers — et par extension, de relativiser le statut de notre civilisation.
Il conviendra donc de profiter comme il se doit de leurs derniers instants, avant que le temps nous prive définitivement de ces engins ô combien mémorables. Haut les cœurs, Voyager !
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