Après deux reports consécutifs liés à des problèmes au niveau de l’infrastructure au sol, le nouveau fer de lance de l’aérospatiale européenne est revenu dans les starting-blocks ce jeudi 6 mars.
Le décollage, diffusé en direct sur la chaîne YouTube d’Arianespace, était particulièrement attendu, et pour cause : il s’agit de la première mission commerciale que la fusée va effectuer pour le compte d’un client tiers.
Un compte à rebours enfin mené à son terme
Pour y parvenir, il fallait déjà que l’engin réussisse à s’arracher aux griffes de la gravité terrestre. Certes, Ariane 6 a déjà prouvé qu’elle en était capable lors de son vol inaugural le 9 juillet dernier.
Mais cette fois, les enjeux sont autrement plus importants : le véhicule a la lourde responsabilité de déployer le satellite militaire CSO-3 pour le compte de la Défense française, mais aussi de prouver une fois pour toutes qu’elle a bien les épaules pour devenir la garante de l’autonomie spatiale européenne.
Arianespace n’a donc pas le droit à l’erreur, et elle a pris toutes les précautions nécessaires pour s’assurer du bon déroulement de la mission. Cela s’est traduit par deux reports consécutifs à la dernière minute, suite à l’apparition de soucis techniques qui ne concernaient pas la fusée en elle-même, mais l’infrastructure au sol qui lui permet de décoller.
La tension était donc palpable pendant toute la procédure de conditionnement et de remplissage des réservoirs, qui doit être effectuée à la dernière minute à cause de l’évaporation constante des ergols liquides à très basse température. Mais toutes les étoiles se sont enfin alignées au-dessus de la plateforme de lancement en cette fin d’après-midi du 6 mars. Au terme du compte à rebours, les moteurs Vulcain 2.1 se sont enfin mis à rugir, propulsant Ariane 6 vers l’orbite héliosynchrone où elle va déployer CSO-3.
Une ascension rondement menée
La séquence synchronisée qui aboutit à la mise à feu est toujours une phase extrêmement délicate, en particulier pour les lanceurs de ce calibre, et c’est donc une excellente nouvelle que cette phase se soit déroulée sans encombre. Mais Ariane n’était pas au bout de ses peines pour autant.
Deux minutes après le début du vol, elle s’est départie des deux boosters latéraux qui l’ont aidée à quitter la surface. Un peu moins de 5 minutes plus tard, elle s’est ensuite séparée de la coiffe qui protégeait la charge utile.

A T+8 minutes, nous avons assisté à la séparation des deux étages. Là encore, il s’agit toujours d’une phase périlleuse qui doit être négociée avec une grande précision pour assurer l’intégrité de la charge utile, et il s’agit donc d’une excellente nouvelle pour les chances de succès de la mission.

C’est à partir de là que Vinci, le moteur de l’étage supérieur, a pris le relais pour une première phase de poussée. Il a permis au satellite CSO-3, désormais exposé, d’accélérer pendant 11 minutes. Il a ensuite abordé une phase balistique, une période de croisière où le moteur s’est éteint le temps que le véhicule atteigne une orbite intermédiaire.
Cette phase balistique sera plutôt longue : elle durera environ une heure, pendant laquelle l’étage supérieur va notamment survoler l’Arctique puis l’Asie. Pendant ce temps, nous vous proposons donc de vous rendre sur cette page du site LEGO Ideas, où un passionné a conçu un superbe modèle d’Ariane 6 qui n’attend que votre vote pour devenir un vrai produit !

Un déploiement tout en maîtrise
le véhicule va aborder une seconde phase de poussée à T+56:20. Celle-ci a été beaucoup plus courte : elle n’a duré qu’une petite trentaine de secondes. Elle a toutefois permis au satellite d’atteindre son orbite de destination, suite à quoi le satellite CSO-3 s’est désolidarisé avec succcès du deuxième étage sous les applaudissements de toute l’équipe.
A partir de là, Ariane 6 a brillamment validé son objectif principal : la mission peut officiellement être qualifée de grand succès, quoi qu’il advienne par la suite.
Ce sont les ingénieurs du CNES et de l’armée qui ont ensuite pris le relais pour activer l’appareil, lui permettant ainsi de débuter sa mission au service de la Défense française et européenne.
Un immense succès pour l’Europe spatiale
Même si Ariane 6 a accompli sa mission avec brio, le vol n’est sera pas tout à fait terminé pour autant. Après un survol du Pôle sud puis du Canada, le moteur Vinci va se remettre en route pour la troisième et dernière fois. Il visera toutefois la direction opposée afin de ralentir pour aborder la phase dite de “passivation”, qui aboutira à la rentrée atmosphérique du deuxième étage.
Il s’agit malgré tout d’une étape assez anecdotique. Même s’il serait évidemment souhaitable que la rentrée atmosphérique se déroule comme prévu, il s’agit d’un immense succès pour toute l’aérospatiale du Vieux Continent. On peut désormais considérer que l’Europe a officiellement récupéré son accès autonome à l’espace dont elle était privée depuis la retraite de l’illustre Ariane 5 il y a un an presque jour pour jour.
Il convient donc de féliciter chaleureusement les 13 000 ingénieurs, techniciens, opérateurs et organisateurs qui ont donné de leur personne pendant des années souvent difficiles, pour que notre continent puisse enfin remettre un pied dans l’espace – un domaine qui va sans aucun doute jouer un rôle central dans le futur de l’humanité sur les prochaines années.
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