Parmi les nombreux sujets abordés dans le rapport annuel sur l’état du sexisme en France du Haut Conseil pour l’Égalité entre les femmes et les hommes, une série en particulier se distingue : la collection de livres pour enfants Monsieur Madame, écrite et dessinée par Roger Hargreaves entre 1935 et 1988. Derrière ses illustrations rondes et ses thèmes universels, la collection se retrouve dans le collimateur de l’institution pour ses représentations de genres stéréotypées.
Que reproche le HCE aux livres Monsieur Madame ?
L’analyse du HCE met en lumière les déséquilibres flagrants dans la représentation des personnages masculins et féminins au sein de la collection. D’un côté, les personnages féminins sont présentés comme “sage”, “timide”, “beauté”, “chipie”, “coquette”, “range-tout” ou encore “proprette”, mettant l’accent sur leur apparence physique et sur leur caractère. De l’autre côté, les personnages masculins sont décrits comme “rapide”, “costaud”, “malpoli”, “sale” ou “aventureux“, valorisant au contraire leur force et leur indépendance.
Le rapport souligne également l’absence d’équivalents genrés pour la plupart de ces caractéristiques. Une asymétrie flagrante, qui renforce l’idée que certaines qualités ou comportements appartiendraient exclusivement à un genre spécifique. Si la collection crée parfois des personnages masculins et féminins partageant des traits similaires, la pratique reste exceptionnelle, à l’image de Monsieur Bavard et Madame Bavarde, repérés par leur physique similaire, et différenciés par l’ajout d’accessoires stéréotypés et l’utilisation de la couleur rose.
Des efforts notables, mais de gros progrès à faire
Si la collection a fait quelques efforts d’évolution, comme l’introduction en 2018 de Madame Invention, Monsieur Tranquille ou de Madame Courage, ces initiatives restent marginales face à la persistance de récits imprégnés de stéréotypes. Si la présence de ces stéréotypes dans la littérature jeunesse n’est pas catégoriquement condamnable, il convient de les mettre en perspective. Face à des représentations aussi genrées dans la littérature jeunesse, le risque est de voir les enfants construire leur identité à travers ces visions étriquées des représentations de genres. Selon le rapport, cet environnement culturel continue à faire croire aux enfants que certaines qualités, activités et préférences sont réservées à un genre spécifique et exclues pour l’autre. Cette division artificielle limite considérablement les potentialités de développement personnel des enfants et peut nuire à leur estime de soi. La collection Monsieur Madame est évidemment loin d’être la seule dans ces cas, mais un exemple parmi beaucoup des progrès qui restent à faire dans le domaine.
Des livres jeunesse sans stéréotypes
- Croire aux fées, mais pas aux clichés, de Julie Gielen-Michel
- Le petit robot de bois et la princesse bûche, de Tom Gauld
- Sous les paupières, de Claire Pommet et Pauline de Tarragon
- Tu peux, d’Élise Gravel
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