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Une étude étonnante montre que les souris peuvent jouer aux secouristes

Ces travaux pourraient aider les chercheurs à comprendre l’origine et le fonctionnement des comportements altruistes chez les mammifères, y compris chez les humains.

Les souris essaient de se réanimer entre elles lorsqu’elles tombent sur une congénère inconsciente, explique une nouvelle étude. Selon ses auteurs, ce constat suggère que l’instinct qui pousse certains individus à voler au secours des autres est profondément implanté dans les gènes de la lignée des mammifères.

L’histoire de ces travaux a commencé il ya plusieurs années, dans un laboratoire de neurosciences de l’Université de Caroline du Sud. C’est là que le chercheur Li Zhang, a commencé à documenter un curieux phénomène. Parfois, lorsqu’il replaçait une souris anesthésiée suite à une expérience dans sa cage, sa colocataire commençait à se comporter de manière étrange, en reniflant et mordillant le visage de la dormeuse.

Instinctivement, cela a rappelé à Zhang d’autres comportements similaires observés chez d’autres espèces de mammifères, comme les éléphants ou les dauphins. Mais tout cela n’avait jamais été rigoureusement documenté. Avec ses collègues, il a donc pris la décision de se pencher de plus près sur ce phénomène.

Des souris secouristes

Leur premier test avait pour but de vérifier si l’excitation apparente de la première souris était bien due à l’apathie de la seconde, ou si elle était simplement intriguée par l’arrivée d’un autre animal dans sa cage. Pour cela, Zhang et ses collègues ont introduit non pas une, mais deux souris dans chaque cage : une inconsciente et une active. Et les doutes quant à cette première interrogation ont très vite été levés. Les auteurs ont pu confirmer que les souris actives passaient beaucoup plus de temps au chevet de l’individu inconscient, et que l’intensité de ce comportement curieux ne faisait qu’augmenter au fil du temps.

Au début, la souris alerte ne faisait que renifler et léchouiller sa partenaire. Mais en l’absence de réponse, elle commençait alors à lui mordiller la tête, et même parfois à lui tirer la langue — un comportement que les chercheurs ont interprété comme une forme de « secourisme » de la part des rongeurs.

« Il semble que la souris puisse exécuter délibérément cet ensemble de comportements », explique Huizhong Whit Tao, coauteur de l’étude cité par NPR. Ces comportements doivent être instinctifs, explique Whit Tao, puisque ces souris n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre, n’ayant jamais rencontré de souris inconsciente auparavant. « C’est la première fois que nous documentons ce type de réactions d’urgence chez les animaux. », précise-t-il.

Les chercheurs ont ensuite cherché à vérifier l’efficacité de ces procédures d’urgence administrées par les souris. Et contre toute attente, elles se sont avérées relativement efficaces — surtout le fait de tirer la langue du « patient » qui a pour effet d’augmenter le volume des voies aériennes, contribuant ainsi à la réanimation.

Assistance délibérée ou simple curiosité ?

Toute la question, désormais, c’est de savoir si les rongeurs ont véritablement l’intention d’aider leurs congénères qui semblent en difficulté. Une distinction importante dans ce contexte. Il pourrait simplement s’agit de curiosité par rapport à ces individus qui présentent un comportement incohérent — une absence de réponse et de mouvement, mais sans les signes traditionnellement associés au sommeil. Par ailleurs, elles pourraient simplement réaliser ces gestes de manière purement instinctives, sans vraiment se soucier de leur congénère, un peu comme certaines fourmis qui se soignent entre elles.

Pour les auteurs de l’étude, le fait que l’intensité de ce comportement augmente au fil du temps est un bon indicateur de cette intentionnalité. Selon eux, si la curiosité était effectivement la principale motivation, elles se désintéresseraient des animaux anesthésiés assez rapidement. Mais puisqu’on observe en fait une intensification du phénomène, on peut considérer qu’elles ont bel et bien l’intention de prodiguer des soins.

Souris
© Alexas_Fotos – Pixabay

Cette interprétation semble confirmée par un autre argument : les chercheurs ont observé que ces interventions étaient directement liées à des circuits neurologiques associés à l’ocytocine. Il s’agit d’un neuropeptide produit dans l’hypothalamus (une petite structure à la base du cerveau) qui est connu, entre autres, pour jouer un rôle important dans de nombreux comportements sociaux.

Certes, sa production ne suffit pas à prouver rigoureusement que les souris ont véritablement l’intention d’aider leurs semblables. D’autres chercheurs cités par NPR restent d’ailleurs très sceptiques par rapport à cette interprétation. Mais cela permet au moins d’écarter raisonnablement la piste de la simple curiosité ; si les souris étaient seulement intriguées, ces voies neurologiques ne s’activeraient probablement pas de cette façon.

Un altruisme partagé chez les humains ?

Tout l’enjeu, désormais, sera donc de multiplier les études sur le sujet. La bonne nouvelle, c’est que les souris ne sont pas les seules à produire de l’ocytocine ; elle joue un rôle central dans le comportement de tous les mammifères connus. Les chercheurs pourront donc vérifier si des comportements équivalents existent chez d’autres espèces, et s’ils sont également liés à ce neuropeptide.

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Cette étude pourrait aider des chercheurs à mieux cerner les nuances des comportements altruistes chez les mammifères, y compris chez les humains. © testen.no – Unsplash

Le plus intéressant, c’est que la portée de ces travaux pourrait dépasser le cadre de la biologie animale. Comme chacun le sait, les humains sont également des mammifères. Si cet instinct qui pousse des individus à voler au secours de leurs semblables est effectivement gravé dans le patrimoine génétique de toute cette lignée évolutive, cela pourrait déboucher sur des interprétations assez fascinantes de certains phénomènes sociaux dans notre propre société, avec des implications potentiellement profondes pour la psychologie humaine.

Le texte de l’étude est disponible ici.

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Source : Science

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