Microsoft a dévoilé ce mercredi Majorana 1, un tout nouveau processeur quantique présenté comme une « avancée transformatrice » pour cette discipline de pointe. Selon la firme, il incarne un ensemble d’innovations qui montrent que l’explosion de l’informatique quantique n’est désormais plus une question de décennies, mais de simples années.
Le principal argument de Majorana 1, c’est son architecture unique en son genre. Il est en effet construit autour de ce que les spécialistes appellent un « cœur topologique », basé sur un nouveau type de composants dits « topoconducteurs ».
Cette topoconductivité est une variante spéciale de la supraconductivité, ce phénomène qui permet à certains matériaux de conduire des charges électriques sans opposer la moindre résistance dans des conditions bien précises (généralement à très basse température). Sa particularité, c’est qu’elle fait intervenir la topologie, cette branche de la géométrie qui étudie les propriétés des objets soumis à certains types de déformations.
Les paires de Majorana, des qbits exceptionnellement solides
En effet, dans ces topocoducteurs, les électrons s’arrangent d’une manière bien spécifique. Au lieu de voyager en couple (on parle de paires de Cooper) comme dans les supraconducteurs conventionnels, ils s’arrangent dans un état quantique appelé Majorana Zero Modes (ou MZM). On obtient ainsi des quasiparticules qui sont très intéressantes pour les chercheurs, car elles représentent une opportunité de surmonter l’un des principaux obstacles auxquels l’informatique quantique est confrontée aujourd’hui : la stabilité.
Les qbits, les sous-unités logiques sur lesquelles repose l’informatique quantique, sont des entités incroyablement délicates. Ils ne peuvent conserver de l’information que dans des conditions extrêmement contrôlées ; la moindre variation, même infinitésimale, dans le système peut faire s’écrouler la combinaison d’intrication et de superposition quantique qui est essentielle au fonctionnement de l’ordinateur. On parle alors de décohérence, et les spécialistes explorent de nombreuses stratégies pour éviter cet effondrement.
Les MZM changent complètement la donne dans ce contexte. En théorie, l’information traditionnellement portée par les qbits peut aussi être encodée dans des paires de MZM, qui forment alors ce que les chercheurs appellent un qbit topologique. Ces derniers sont de véritables tanks nanométriques qui sont beaucoup, beaucoup moins vulnérables à ces perturbations que les qbits conventionnels.
« Une avancée structurante vers l’informatique quantique concrète »
Jusqu’à présent, ce phénomène restait hypothétique. Les chercheurs de Microsoft ont réussi pour la première fois à créer et contrôler ces paires de MZM dans ses topoconducteurs, ouvrant la voie à des systèmes beaucoup plus résistants aux erreurs que les ordinateurs quantiques conventionnels.
Mais puisque l’information est désormais « cachée » au sein de ces paires de MZM, cela implique aussi de changer totalement la manière dont elle est décodée ; on ne peut pas se contenter de les lire à l’aide d’une simple mesure comme les qbits normaux. Pour y parvenir, Microsoft s’est notamment appuyée sur des quantum dots, de minuscules éléments semiconducteurs capables de stocker une charge électrique.
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« Nous utilisons des commutateurs numériques pour coupler les extrémités d’un nanofil à un point quantique. Cette connexion augmente la capacité du point quantique à retenir une charge. L’augmentation exacte dépend de la parité du nanofil. Nous mesurons ce changement en utilisant des micro-ondes : la capacité du point quantique à contenir la charge détermine la façon dont les micro-ondes sont réfléchies. Ainsi, elles reviennent en portant une empreinte de l’état quantique du nanofil », explique Microsoft dans son billet de blog.
Cette technique de lecture ouvre la voie à une approche « fondamentalement différente » du calcul quantique. Le point crucial, c’est que cette méthode de lecture simplifie énormément la correction des erreurs, préservant ainsi l’intégrité de l’information. En résumé : on obtient un processeur quantique extrêmement stable, capable d’héberger un très grand nombre de qbits sans que le fonctionnement du système soit constamment menacé par la décohérence.
Selon Microsoft, cette approche révolutionnaire présentée dans un papier publié dans la prestigieuse revue Nature pourrait considérablement nous rapprocher du moment où nous pourrons enfin exploiter l’immense potentiel de l’informatique quantique dans des applications concrètes. « Microsoft construira le premier prototype d’ordinateur quantique résistant aux pannes et évolutif d’ici quelques années, et non des décennies », affirme l’entreprise.
Il sera donc très intéressant de suivre les retombées de cette innovation très excitantes sur les prochaines années.
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